La nécessité de changer de paradigme et de soutenir les résistants de Notre Dame des Landes

Je poursuis mon tour de France et d’Europe, pour présenter Les moissons du futur, enchaînant les TGV (qui arrivent de plus en plus rarement à l’heure), les voyages en voiture, tramway et autres moyens de transport. Partout où je vais, les salles sont combles, preuve que ce film et livre répondent à une attente d’un public de plus en plus large. Au moment de boucler ma valise, je suis régulièrement assaillie par un sentiment de lassitude, car ces déplacements rapprochés sont épuisants. Mais celui-ci disparaît, comme par enchantement, dès que j’entends les applaudissements chaleureux qui ponctuent systématiquement la fin du film, comme un « remerciement », pour reprendre les termes de Yashinori Kaneko, le paysan bio des Moissons du futur. Les débats qui suivent s’étirent jusque tard dans la nuit, car les questions et témoignages sont nombreux.

Il est frappant de voir le décalage qui existe entre la prise de conscience du public qu’il « faut changer de cap », ainsi que le dit dans le film Olivier de Schutter, le rapporteur des Nations Unies pour le droit à l’alimentation, et l’inertie des politiques qui continuent d’ignorer l’imminence des crises majeures qui nous attendent dans les deux prochaines décennies. Je suis surprise – pour ne pas dire déçue- de constater que le gouvernement actuel n’ait pas encore émis de signaux clairs, annonçant au minimum une amorce de changement de cap… Tout indique que nos dirigeants continuent de fonctionner avec un , vieux logiciel qui date de XXème siècle où l’on croyait le « développement » et la « croissance » illimités, au point d’en faire l’alpha et l’oméga de toute action politique. Or ces temps sont résolus, car les énergies fossiles bon marché appartiendront bientôt au passé, d’où la nécessité d’anticiper, en prenant des mesures qui préparent l’incontournable transition, sous peine d’avoir à les prendre sous la contrainte, ce qui sera beaucoup plus douloureux.

Ces mesures indispensables concernent, bien sûr , l’agriculture française, qui s’avère d’une extrême vulnérabilité, car très liée aux énergies fossiles. Mais, pour l’heure, c’est le statu quo du côté du ministère de l’agriculture et de Stéphane Le Foll, dont je crains qu’il ressemble fort à son prédécesseur (vedette des Moissons du futur !).

Même constat du côté de Matignon,Jean-Marc Ayrault continue de défendre bec et ongles son projet d’extension de l’aéroport de Nantes, à Notre Dame des Landes, qui constitue une véritable aberration, pour plusieurs raisons : d’abord, parce que l’avenir n’est pas à l’augmentation du trafic aérien, mais à sa diminution. Si nous continuons sur cette voie, seuls les nantis pourront continuer à prendre l’avion, pour se « dépayser » quelques jours dans de lointaines contrées, car tout indique que dans un avenir proche, le prix des billets d’avion sera exorbitant. De plus, comme l’a écrit Hervé Kempf, dans Le Monde (23 avril 2012), les dégâts écologiques qu’entraînera la construction de l’aéroport à l’ « utilité douteuse » sont « indiscutables » : bétonner 2000 hectares de zones humides rares, en chassant les paysans qui y travaillent, relève de la plus grande irresponsabilité et d’une cécité que seule l’addiction à un modèle dépassé – le « progrès », le « productivisme », la « croissance »– peut expliquer.

C’est pourquoi j’appelle tous les lecteurs de ce Blog à rejoindre la grande manifestation prévue à Notre Dame des Landes, samedi 17 novembre.

Au delà du projet lui-même , aussi insensé que ringard, cette bataille est hautement symbolique, car il s’agit de dire au gouvernement, élu sur des promesses de « changement » : « ça suffit ! Il faut maintenant changer de paradigme ! »

Pour toute information concernant les activités de résistance à l’aéroport de Notre Dame des Landes, consultez le site de la ZAD :

http://zad.nadir.org/

De mon côté, je continue mon travail qui consiste à ouvrir les « boîtes noires », pour reprendre l’expression du sociologue Bruno Latour, c’est-à-dire à chercher ce qui se cache derrière les « vérités établies », et les « TINA » – « There is no alternative » – selon l’affirmation lancée par Margareth Thatcher en 1980.

La prochaine « boîte noire » que je voudrais décortiquer c’est le dogme de la « croissance », dont l’aéroport de Nantes constitue une parfaite illustration.

Comme pour Les moissons du futur, je lance une nouvelle souscription (préachat d’un DVD en tirage limité avec bonus) pour soutenir la production de mon prochain film (et livre), intitulé provisoirement « Sacrée croissance ! »

Je suis convaincue que ce nouveau projet correspond à une attente du public, car, chaque jour, j’en reçois la preuve dans ma … boîte à lettres. En effet, les quelque 2000 souscripteurs (près de 2300 souscriptions) qui ont soutenu la réalisation des Moissons du futur (dont le titre provisoire était « Comment on nourrit les gens ? ») ont reçu récemment leur DVD (avec 70 minutes de bonus) et un flyer pour souscrire à « Sacrée croissance ! ». En une semaine, j’ai déjà reçu une soixantaine de souscriptions par la poste !

Pour plus d’informations sur ce projet, consultez le site de m2rfilms :

http://www.m2rfilms.com/crbst_19.html

Jeudi dernier, j’ai présenté Les moissons du futur au Parlement européen. Cette projection était organisée par les députés européens Thijs Berman (S&D), Charles Goerens (ALDE), Mariya Gabriel (EPP) et Bart Staes (the Greens) . Une soixantaine de députés, assistants parlementaires et représentants de la Commission européenne étaient présents :

http://www.festival-alimenterre.org/breve/8-novembre-2012-marie-monique-robin-parlement-europeen

Le lendemain, vendredi, j’ai ouvert le colloque « The Potential of Agroecology » , organisé par Bart Staes, un député flamand écologiste, auquel ont participé 500 personnes (plus de 200 n’ont pas pu y assister faute de place !)

http://www.greens-efa.eu/the-potential-of-agroecology-7300.html

Au cours du colloque, un extrait de 20 minutes des Moissons du futur, concernant l’expérience de Manfred et Friedrich Wenz (voir vidéo –ci dessous) a été présenté :



Pour l’agenda des projections où je serai présente, consultez le site de m2rfilms, car je vais sillonner la France pendant un mois quasi complet !

http://www.m2rfilms.com/crbst_13.html

http://www.cg64.fr/actualites/moissons-du-futur-ou-comment-lagroecologie-peut-nourrir-monde.html

Pour finir, je constate avec plaisir que mon livre Les moissons du futur rencontre un beau succès. Voici un commentaire glané sur la toile, parmi de nombreux autres :

http://leblogdemylene.centerblog.net/204-les-moissons-du-futur

L’échec des OGM aux Etats Unis dénoncé par deux grands cultivateurs américains

Greenpeace a invité deux grands producteurs américains de plantes transgéniques à témoigner de leurs déboires avec les OGM de Monsanto. L’un, Wes Shoemyer exploite 1200 hectares dans le Missouri, l’État où est implanté Monsanto; l’autre, Wendel Lutz est un paysan du Midwest, comme Dale Lesser, le grand céréalier qui raconte  dans Les Moissons du futur l’engrenage infernal, dans lequel l’ont plongé des OGM (voir sur ce blog l’extrait de mon film et de mon livre).

J’invite les internautes à lire l’article qu’a consacré Rue 89 aux deux agriculteurs américains:

http://www.rue89.com/rue89-planete/2012/11/03/deux-agriculteurs-americains-temoignent-des-mefaits-des-ogm-236753

Ce que racontent Wes Shoemyer et Wendel Lutz confirment ce que j’avais écrit dans Le monde selon Monsanto.

Voici l’extrait de mon livre où je présente le problème des « super mauvaises herbes » qui ont commencé à infester les prairies américaines dès 2004:

Quand la contamination des OGM produit de « super mauvaises herbes »

Je dois dire que je suis très impressionnée par la capacité de la firme de Saint-Louis à dire une chose et à faire exactement l’inverse. Au moment où elle harcelait Percy Schmeiser, son service de communication écrivait en effet dans son Pledge : « Dans le cas où apparaîtraient de manière non intentionnelle des variétés qui nous appartiennent dans les champs d’un agriculteur, bien évidemment nous travaillerons avec l’agriculteur pour résoudre ce problème d’une manière qui satisfasse aussi bien l’agriculteur que Monsanto . » Voilà donc pour l’habillage destiné à rassurer les actionnaires et d’éventuels clients. Sur le terrain, la réalité est tout autre, tant la contamination des OGM est devenue un problème majeur dans les prairies d’Amérique du Nord.
« En vérité, le colza transgénique s’est disséminé beaucoup plus rapidement que nous ne l’avions pensé, déclare ainsi en 2001 le professeur Martin Entz, de l’université de Manitoba (Canada). Ce fut un coup de semonce sur les effets secondaires de la biotechnologie . » La même année, le professeur Martin Phillipson constate : « Dans notre province, les agriculteurs dépensent des dizaines de milliers de dollars pour essayer de se débarrasser du colza qu’ils n’ont pas planté. Ils doivent utiliser toujours plus d’herbicides pour venir à bout de cette technologie . » Ces deux témoignages sont cités dans Seeds of Doubt (les semences du doute), un rapport publié en septembre 2002 par la Soil Association (une association britannique de promotion de l’agriculture biologique, fondée en 1946), qui dresse un bilan très détaillé des cultures transgéniques en Amérique du Nord : « La contamination massive des OGM a sévèrement affecté l’agriculture non transgénique, y compris biologique, elle a détruit le marché et sapé la compétitivité de l’agriculture nord-américaine, peut-on lire dans son introduction. Les cultures transgéniques ont aussi augmenté la dépendance des agriculteurs par rapport aux herbicides et conduit à de nombreux problèmes juridiques . »
Une étude commanditée par le ministère de l’Agriculture du Saskatchewan a ainsi révélé en 2001 que le pollen de colza Roundup ready peut se déplacer sur au moins 800 mètres, soit huit fois la distance recommandée par les autorités entre les cultures OGM et conventionnelles . Le résultat c’est que, dès 2001, l’organisme de certification biologique des États-Unis reconnaissait dans The Western Producer qu’il était quasiment impossible de trouver des semences de colza, mais aussi de maïs et de soja, qui ne soient pas contaminées par des OGM. Dans le même article, la Canadian Seed Trade Association admettait que toutes les variétés conventionnelles étaient déjà contaminées par les OGM à hauteur d’au moins 1 % . On se demande ce qu’il en est six ans plus tard…
En tout cas, anticipant sur les effets incontrôlables de la contamination transgénique, les principales compagnies d’assurance agricoles du Royaume-Uni ont annoncé en 2003 qu’elles refusaient de couvrir les producteurs de cultures OGM contre ce fléau, qu’elles comparent au problème de l’amiante ou aux actes de terrorisme, en raison des charges financières imprévisibles qu’il peut induire. Dans un sondage publié par The Guardian, les assureurs comme la National Farm Union Mutual, Rural Insurance Group (Lloyds) ou BIB Underwriters Ltd (Axa) soulignaient que « l’on en sait trop peu sur les effets à long terme des cultures [transgéniques] pour la santé humaine et l’environnement pour pouvoir proposer une quelconque protection  ».
Mais une chose est sûre : en Amérique du Nord, la contamination des OGM a provoqué un véritable « bourbier de contentieux », pour reprendre les mots de la Soil Association, qui précise que celui-ci « concerne tous les niveaux de l’activité : les agriculteurs, les transformateurs, les distributeurs, les consommateurs et les entreprises de biotechnologie  », les uns se retournant contre les autres, dès qu’un OGM non désiré apparaît quelque part. Pour illustrer l’absurdité insoluble de la situation, le rapport Seeds of Doubt donne l’exemple de la contamination d’un chargement de colza conventionnel canadien, arraisonné en Europe en mai 2000, parce que la présence d’un transgène de Monsanto y avait été détectée. La société Adventa a dû procéder à la destruction de milliers d’hectares, indemniser ses agriculteurs, puis déplacer sa production de semences de l’ouest vers l’est du Canada, où elle estimait pouvoir mieux se protéger de la pollinisation croisée, avec à la clé une cascade de procès …
Les problèmes que pose la contamination transgénique ne sont pas que juridiques, ils sont aussi environnementaux. En effet, lorsqu’une graine de colza transgénique atterrit dans un champ, par exemple de blé, par la grâce du vent, il est considéré comme une mauvaise herbe par l’agriculteur, qui a beaucoup de mal à en venir à bout, car « comme ce colza résiste au Roundup, un herbicide total, la seule façon de s’en débarrasser est de l’arracher à la main ou d’utiliser du 2-4 D, un herbicide extrêmement toxique  »… De même, un producteur d’OGM soucieux de maintenir une rotation de ses cultures, en alternant par exemple du colza Roundup ready avec du maïs Roundup ready, peut être aussi confronté à ce problème, renforcé par la spécificité du colza : ses cosses mûrissant de manière inégale, les producteurs ont pris l’habitude de couper les plants et de les faire sécher dans les champs, avant d’en récolter les grains. Immanquablement, des milliers de graines restent sur le sol et germeront l’année suivante, voire cinq années plus tard. C’est ce qu’on appelle du « colza volontaire » ou « rebelle », qui représente en fait une « super mauvaise herbe » (en anglais « superweed »)…

Grâce aux OGM, toujours plus d’herbicides

L’ironie de l’histoire, c’est que Monsanto a compris très tôt l’intérêt financier que pouvaient représenter ces plantes « rebelles » : le 29 mai 2001, la firme a obtenu un brevet (n° 6 239 072) portant sur une « mixture d’herbicides » qui permet à la fois de « contrôler les mauvaises herbes sensibles au glyphosate et des spécimens volontaires tolérants au glyphosate  ». Comme le souligne le rapport de la Soil Association, « ce brevet permettra à la firme de profiter d’un problème que ses produits ont eux-mêmes créé  »…
Et à voir l’évolution dans les prairies d’Amérique du Nord, on peut s’attendre à ce que la fameuse « mixture d’herbicides » représente la nouvelle vache à lait de la firme de Saint-Louis. De fait, le développement des superweeds est devenu l’un des principaux casse-tête des agronomes nord-américains, qui notent que celles-ci peuvent émerger de trois manières. Dans le premier cas, comme nous venons de le voir, ce sont des « volontaires » (résistants au Roundup), dont la destruction nécessite le recours à des herbicides plus puissants. Dans le deuxième cas, les OGM se croisent avec des adventices — le mot savant qui désigne les « mauvaises herbes » — qui leur sont génétiquement proches, en leur transférant le fameux gène de résistance au Roundup. C’est le cas notamment du colza, qui est un hybride naturel entre le navet et le chou, capable d’échanger des gènes avec des espèces sauvages apparentées comme la ravenelle, la moutarde ou la roquette, que les agriculteurs considèrent comme des mauvaises herbes. Ainsi une étude conduite par le Britannique Mike Wilkinson, de l’université Reading, a confirmé en 2003 que le flux de gènes entre le colza et la navette (Brassica rapa), l’une des adventices les plus répandues, était très courant, ce qui indique que « la pollinisation croisée entre des plantes OGM et leurs parents sauvages est inévitable et peut créer des super mauvaises herbes résistantes à l’herbicide le plus puissant », ainsi que le souligne The Independant .
Enfin, troisième cas, si des superweeds apparaissent, c’est tout simplement parce qu’à force d’être arrosées exclusivement de Roundup, plusieurs fois par an et d’une année sur l’autre, les mauvaises herbes développent une résistance à l’herbicide qui finit par les rendre aussi efficaces en la matière que les OGM qui les ont engendrées. Curieusement, la firme, qui a pourtant une longue expérience des herbicides, a toujours nié ce phénomène : « Après vingt ans d’utilisation, on n’a jamais entendu parler d’espèces d’adventices qui soient devenues résistantes au Roundup », affirme ainsi un document publicitaire vantant les mérites du soja RR . De même, dans son Pledge de 2005, la multinationale continue d’affirmer que les cultures transgéniques « permettent aux agriculteurs d’utiliser moins d’herbicides  ».
« C’est faux ! », rétorque l’agronome américain Charles Benbrook, dans une étude publiée en 2004 et intitulée : « Les cultures OGM et l’usage des pesticides aux États-Unis : les neuf premières années . » Selon lui, l’argument de la « réduction de l’usage des pesticides » a été valide durant les trois premières années qui ont suivi la mise en culture des OGM en 1995, mais « depuis 1999, ce n’est plus le cas ». « Ce n’est pas une surprise, explique-t-il : cela fait dix ans que les scientifiques spécialistes des adventices mettent en garde contre le fait que l’usage intensif des cultures résistantes à un herbicide allait déclencher des changements dans les populations de mauvaises herbes ainsi que leur résistance, forçant les paysans à appliquer d’autres herbicides et/ou à augmenter leurs doses. […] Un peu partout dans le Midwest, les agriculteurs évoquent avec nostalgie l’efficacité et la simplicité initiales de la technique Roundup Ready, en regrettant ce “bon vieux temps”. »
Charles Benbrook connaît son sujet : après avoir travaillé comme expert agricole à la Maison-Blanche sous l’administration Carter, puis au Capitole, il fut directeur de la division agricole de l’Académie nationale des sciences pendant sept ans, avant de créer son cabinet de consultant indépendant à Sandpoint, dans l’Idaho. Depuis 1996, il épluche minutieusement les données de consommation d’herbicides enregistrées par le Service national des statistiques agricoles (NASS) qui dépend de l’USDA, en les comparant avec celles fournies par Monsanto, qu’il juge « trompeuses, à la limite de la malhonnêteté  ». Dans un article de 2001, il notait déjà que la « consommation totale d’herbicides utilisée pour le soja RR en 1998 était au moins 30 % supérieure en moyenne à celle du soja conventionnel dans six États, dont l’Iowa, où est cultivé un sixième du soja de la nation  ».
Dans son étude de 2004, il constate que la quantité d’herbicides épandus sur les trois principales cultures des États-Unis (soja, maïs et coton) a augmenté de 5 % entre 1996 et 2004, ce qui représente 138 millions de livres supplémentaires. Alors que la quantité d’herbicides utilisés pour les cultures conventionnelles n’a cessé de baisser, celle de Roundup a connu une évolution inverse, ainsi que s’en félicite d’ailleurs Monsanto dans son « 10K Form » de 2006 : après avoir souligné que les ventes de glyphosate ont représenté un chiffre d’affaires de 2,2 milliards de dollars en 2006, contre 2,05 en 2005, la firme note que « toute expansion des cultures qui présentent la caractéristique Roundup ready accroît considérablement les ventes des produits Roundup ».
Ces résultats sont le fruit d’une stratégie planifiée de longue date : « Un facteur clé pour l’augmentation du volume de Roundup est une stratégie basée sur l’élasticité et des réductions sélectives des prix suivies par une importante augmentation des volumes », écrivait la multinationale dans son rapport annuel de 1998 (p. 7). Quand on lui fait remarquer que cette évolution est bien la preuve que les OGM ne réduisent pas la consommation d’herbicides, la multinationale réplique qu’il est normal que les ventes de Roundup augmentent, puisque la surface des cultures Roundup ready ne cesse de progresser. Certes, neuf ans après leur mise sur le marché, les cultures transgéniques couvraient près de 50 millions d’hectares aux États-Unis et 73 % étaient Roundup ready (23 % Bt), mais ces surfaces étaient déjà cultivées avant l’arrivée des OGM (et donc arrosées de pesticides )…
De plus, ajoute Charles Benbrook, la fin du monopole de Monsanto sur le glyphosate, en 2000, a entraîné une guerre des prix qui a fait chuter celui du Roundup d’au moins 40 %, et pourtant le chiffre d’affaires de la firme n’a pas été affecté, bien au contraire. Enfin, écrit-il, « la dépendance vis-à-vis d’un seul herbicide, comme méthode unique de gestion des mauvaises herbes sur des millions d’hectares, est la principale raison qui explique la nécessité d’appliquer des doses d’herbicides plus élevées pour atteindre le même niveau de contrôle  ». Il rappelle qu’avant l’introduction des OGM, les scientifiques n’avaient identifié que deux adventices résistantes au glyphosate : l’ivraie (en Australie, Afrique du Sud et États-Unis) et le gaillet (en Malaisie), mais qu’aujourd’hui on en compte six sur le seul territoire américain, avec en tête la prèle, devenue un véritable fléau dans les prairies, mais aussi les amarantes, comme l’« herbe au cochon » ou l’ambroisie. Ainsi, une étude réalisée à l’université de Delaware a montré que des plants de prèle prélevés dans des champs de soja RR survivaient à dix fois la dose de Roundup recommandée . À ces mauvaises herbes déjà identifiées comme résistantes au Roundup, s’ajoute une liste d’adventices dites « tolérantes au glyphosate », c’est-à-dire pas encore résistantes, mais pour lesquelles il faut multiplier les doses par trois ou quatre pour en venir à bout…

FIN DE L’EXTRAIT

Je devais participer ce soir à une projection  des Moissons du futur à Lorient, mais je n’ai pu m’y rendre, car, pour la troisième fois en deux semaines, mon TGV s’est arrêté en rase campagne, en raison d’un train de marchandises qui, nous a-t-on dit, est tombé en panne entre Le Mans et Rennes. Résultat: cinq heures de retard. J’ai donc décidé de m’arrêter à Nantes, où je participerai demain à une autre projection de mon film. J’écris ces lignes de ma chambre d’hôtel où Morgane Sabatier, l’animatrice du CRISLA qui organisait ma venue, avec une quinzaine d’organisations, vient de m’annoncer que 300 personnes avaient rempli l’amphithéâtre Paul Ricoeur (j’attends des photos)…

http://www.festival-alimenterre.org/breve/5-et-6-novembre-marie-monique-robin-a-lorient-et-nantes

Les pesticides rendent les paysans et les … plantes malades

En juin dernier, j’ai été auditionnée par la mission d’information du Sénat sur les pesticides et leur impact sur la santé, dont l’initiative revient à Nicole Bonnefoy, députée PS de Charente. J’avais rencontré la sénatrice lors de la projection de mon film Notre poison quotidien sur ses terres, en Charente. Y participait aussi Paul François, l’agriculteur victime d’une grave intoxication au lasso, qui a gagné son procès contre Monsanto et préside, aujourd’hui, l’association PhytoVictimes, dont j’ai filmé l’acte de naissance en janvier 2010, à Ruffec (voir sur ce Blog ou lire Notre poison quotidien).

http://www.phyto-victimes.fr/

La mission sénatoriale, présidée par Sophie Primas (UMP), et où le sénateur du Morbihan EELV Joël Labbé joua un rôle très actif, vient de rendre son rapport public, et je dois dire que celui-ci est d’une grande qualité. Pour le rédiger, les sénateurs ont procédé à 95 auditions et entendu 205 personnes. Consultable sur le site du Sénat,

http://www.senat.fr/rap/r12-042-1/r12-042-1.html

le rapport fait quatre constats dûment étayés, qui confirment ce que j’ai écrit et montré dans Notre poison quotidien :

– « les dangers et les risques des pesticides pour la santé sont sous-évalués ;

– le suivi des produits après leur mise sur le marché n’est qu’imparfaitement assuré au regard de leurs impacts sanitaires réels et les effets des perturbateurs endocriniens sont mal pris en compte ;

– les protections contre les pesticides ne sont pas à la hauteur des dangers et des risques ;

– les pratiques industrielles, agricoles et commerciales actuelles n’intègrent pas toujours suffisamment la préoccupation de l’innocuité pour la santé lors du recours aux pesticides ».

Je suis évidemment satisfaite que des élu(e)s de la nation reconnaissent – le rapport a été approuvé à l’unanimité-, les dangers que représentent les pesticides pour la santé des agriculteurs, des riverains et des consommateurs. Mais, j’aimerais maintenant qu’ils lisent ce que j’ai écrit dans mon livre Les moissons du futur. J’y présente un ouvrage, rédigé par un agronome de l’INRA (aujourd’hui décédé) qui a conduit de nombreuses études et consulté des dizaines de rapports scientifiques montrant que les pesticides rendent les plantes malades.

Mais lisez plutôt cet extrait de mon livre !

DÉBUT EXTRAIT

Les pesticides rendent les plantes malades

Les plantes malades des pesticides[i] : c’est précisément le titre d’un ouvrage que devraient lire de toute urgence tous les agronomes, agriculteurs et ministres de l’Agriculture de la planète, dont Bruno Le Maire, l’ancien ministre de Nicolas Sarkozy, et son successeur Stéphane Le Foll. Il a été écrit par l’agronome français Francis Chaboussou, qui est entré à l’INRA en 1933, très précisément à la station de zoologie du centre de recherches agronomiques de Bordeaux, où il fit toute sa carrière (il en a fini directeur). Édité une première fois en 1980, son livre est passé totalement inaperçu – mais ce n’est sans doute pas un hasard… –, alors qu’il fournit un éclairage scientifique capital pour comprendre la pullulation des ravageurs, maladies et autres fléaux qui ont plongé les agriculteurs adeptes de l’agriculture chimique dans un puits sans fond. Comme l’écrit Paul Besson, professeur honoraire de l’Institut national agronomique de Paris-Grignon, qui a rédigé la préface à la première édition de l’ouvrage, celui-ci est le fruit « d’une mûre réflexion basée tant sur les recherches personnelles de l’auteur que sur de multiples données expérimentales de provenance internationale, acquises en laboratoire ou en condition de culture[ii] ». Autant dire que c’est un livre très technique, truffé de références scientifiques, car il ne s’adresse pas au grand public mais à tous ceux qui travaillent dans le domaine de la « protection des plantes », ou, dit plus prosaïquement, qui fabriquent, commercialisent ou utilisent des biocides chimiques. Son objet : « Les effets délétères des pesticides sur la physiologie des plantes », ainsi que le résume Paul Besson.

Dans les années 1960, explique ce dernier, Francis Chaboussou, qui travaillait alors sur les ravageurs des cultures fruitières, du maïs et du vignoble bordelais, fait le constat suivant : « [L’usage du DDT[1]], en particulier dans les traitements des vergers et vignobles, avait eu rapidement pour conséquence l’apparition aux États-Unis et en Europe d’un nouveau fléau, les acariens phytophages, jusqu’ici relativement peu nuisibles : ces microscopiques piqueurs et suceurs de feuilles provoquent par leurs pullulations des dégâts importants au vignoble et aux vergers. La première explication générale proposée fut que le DDT et autres insecticides de contact polyvalents éliminaient les prédateurs ou parasites naturels de ces acariens phytophages. Mais ces prédateurs sont essentiellement d’autres acariens de divers genres et l’hypothèse ne put être confirmée. […] C’est en décortiquant expérimentalement ces phénomènes que l’auteur parvient à montrer que l’action des pesticides utilisés (en particulier insecticides contre les vers de la grappe ou même fongicides) se répercutait sur les acariens par l’intermédiaire de la plante. Ces produits entraînaient en effet des modifications du métabolisme de la plante, aboutissant à un enrichissement des liquides cellulaires ou circulant en sucres solubles et en acides animés libres. Les acariens phytophages piqueurs et suceurs des tissus végétaux se trouvent ainsi favorisés dans leur alimentation, ce qui se traduit, selon les espèces, par un accroissement de leur fécondité et de leur fertilité, de la vitesse du développement et du nombre de générations, voire de la longévité. Cette dépendance étroite entre les qualités nutritionnelles de la plante et son parasite, Francis Chaboussou l’a baptisée trophobiose. »

Selon ce « concept, que des recherches ultérieures ont confirmé et élargi », « tout parasite ne devient virulent que s’il rencontre dans la plante les éléments nutritionnels qui lui sont nécessaires ». Or, ces « éléments nutritionnels » sont produits en grande quantité par l’action des pesticides, qui entraîne un « désordre ou déséquilibre métabolique de la plante qui se révèle favorable aux parasites[iii] ». Et Paul Besson de poursuivre : « Cherchant à analyser selon les principes de sa théorie de la trophobiose tous les cas “inexpliqués” de pullulations de parasites, d’éclosions de mycoses, d’apparitions de viroses, d’inefficacité de certains traitements, cherchant à expliquer les effets indirects ou inattendus de divers types de pesticides, Francis Chaboussou souligne que l’on retombe toujours sur l’existence des déséquilibres entre deux processus fondamentaux de la physiologie végétale : protéosynthèse et protéolyse[2]. […] Bref, l’auteur, préoccupé de la protection des cultures contre leurs parasites ou leurs maladies, se penche plus sur la plante malade que sur le parasite ou l’agent infectieux[iv]. »

Dans l’introduction au livre de Francis Chaboussou, Paul Besson fait une description ironique des pratiques agroindustrielles, qui pourrait être carrément hilarante si on faisait abstraction des terribles conséquences qu’entraîne cette folie chimique : « Les plantes cultivées industrielles sont mises en compétition permanente, pour une croissance plus rapide, une production plus abondante, une qualité plus attirante. À ces jeux Olympiques de l’agriculture industrielle, les plantes cultivées sont suralimentées, subissant même parfois un gavage d’azote : elles sont bichonnées comme des champions avant l’épreuve (la récolte !), pulvérisées, douchées à grande fréquence, avec des mixtures fongicides, insecticides, acaricides, à titre préventif : leurs conditions de vie sont artificialisées à l’extrême. […] Mais parfois, le champion craque avant l’épreuve ; […] apparemment en bonne santé, il contracte, malgré tant de mesures préventives, des maladies subites et désastreuses (mycoses, viroses), il subit les attaques massives de la vermine parasitaire (acariens, pucerons). Alors on appelle au chevet de ces plantes-champions les spécialistes les plus réputés : phytopatologiste, virologiste, entomologiste, immunologiste, chacun dans sa partie donnant son diagnostic et son ordonnance phytopharmaceutique. […] Comme le fait remarquer Francis Chaboussou, on étudie trop la maladie et pas assez le malade. Lui, médecin du vignoble bordelais, il s’effraie de cet excès thérapeutique et de cette insuffisance d’hygiène de la plante et de son milieu. […] Nos cultures industrielles, dit-il, souffrent de maladies dont les causes mêmes ont leur origine dans un excès de soins phytosanitaires, il parle alors de maladies iatrogènes[v]. »

En effet, après avoir constaté que « les tissus végétaux se laissent pénétrer par de nombreux produits dits “phytosanitaires”[vi] » – par la feuille, la racine, les tissus, la graine, le tronc et la charpente des arbres –, ce qui agit sur leur métabolisme au travers de leur nutrition, Francis Chaboussou précise ce qu’il entend par « maladies iatrogènes » : « Tout comme en pathologie humaine ou animale, nous entendons par “maladie iatrogène” toute affection déclenchée par l’usage – qu’il soit modéré ou abusif – d’un médicament quelconque. En pathologie végétale, il s’agit donc des pesticides[vii]. » Et l’agronome de l’INRA de préciser : « Tout se passe comme si, par leur action néfaste sur le métabolisme de la plante, les pesticides brisaient sa résistance naturelle […] vis-à-vis de ses agresseurs, qu’ils soient champignons, bactéries, insectes ou même virus[viii]. » Mais ce n’est pas tout ! Non seulement les biocides favorisent le pullulement de ravageurs et maladies, mais leurs « incidences néfastes et incontrôlables » affectent également « la fertilité du sol, par la voie de la nutrition de la plante[ix] ». Et là, l’agronome met directement en cause l’irresponsabilité, et somme toute l’amateurisme, des fabricants de poisons agricoles : « C’est aux phytopharmaciens de faire leur autocritique et leur mea culpa », car ils ne se sont jamais intéressés aux « répercussions de ces produits sur les microorganismes et la vie du sol. […] C’est comme si la médecine tenait pour négligeables les éventuelles répercussions d’un antibiotique ou d’une cortisone vis-à-vis de l’organisme du patient[x] ! »

Après avoir livré sur près de trois cents pages toute la littérature scientifique alors disponible, qui étaye largement ses conclusions, Francis Chaboussou lance un « cri d’alarme », « destiné en premier lieu à aider les agriculteurs à se libérer de l’aliénation dans laquelle ils se trouvent et qui réside dans un absurde et ruineux enchaînement d’interventions pesticides, résultant lui-même d’un enchaînement de maladies artificiellement provoqué[xi] ». Et pour lui, la « solution » est pourtant simple : « Chercher à stimuler la résistance de la plante, au lieu de se proposer le but – combien incertain – de la destruction du parasite[xii]. »

FIN EXTRAIT

Concernant ma dernière enquête Les moissons du futur, j’ai entamé une tournée nationale de trois mois dont vous pouvez consulter le programme sur le site de ma maison de production m2rfilms :

http://www.m2rfilms.com/crbst_13.html

J’étais hier soir à l’École normale supérieure (ENS) où le film a été présenté devant 150 étudiants (dont la majorité était des biologistes) de la prestigieuse maison. Ce fut un réel plaisir de voir l’enthousiasme qu’a suscité mon film auprès de ceux et celles qui occuperont des responsabilités importantes  dans la recherche et l’administration dans la prochaine décennie. Je remercie tout particulièrement Hermine Durand, de l’association EcoCampus, que j’avais rencontrée lors de la Green Pride organisée par l’Appel de La Jeunesse (voit sur ce blog).

http://www.ens.fr/spip.php?article1532


[1] Le DDT est un insecticide organochloré qui a inondé la planète pendant des décennies, avant d’être interdit pour les usages agricoles dans les années 1970, en raison de son extrême toxicité et de sa persistance dans l’environnement. Pour plus d’informations sur cet « insecticide miracle », voir Marie-Monique Robin, Notre poison quotidien, op. cit. [NdA].

[2] La protéosynthèse désigne le processus de synthèse de protéines à partir d’acides aminés. Quant à la protéolyse, elle désigne le processus de fragmentation d’une protéine en plusieurs morceaux sous l’action d’enzymes, qui constitue la principale source d’acides aminés pour les organismes vivants [NdA].


[i] Francis Chaboussou, Les Plantes malades des pesticides, op. cit.

[ii] Ibid., p. 11.

[iii] Ibid., p. 13.

[iv] Ibid., p. 14. C’est moi qui souligne.

[v] Ibid., p. 15.

[vi] Ibid., p. 83.

[vii] Ibid., p. 25.

[viii] Ibid., p. 20.

[ix] Ibid., p. 107.

[x] Ibid., p. 271.

[xi] Ibid., p. 19. C’est moi qui souligne.

[xii] Ibid., p. 271.

Les leçons de l’étude de Séralini et le succès des Moissons du futur

La polémique autour de l’étude Gilles Eric-Séralini continue de faire rage. Mais à lire les rapports publiés par l’Autorité européenne de la sécurité des aliments (EFSA),  l’ANSES (l’agence française) ou le Haut conseil pour les biotechnologies (HCB), force est de reconnaître que les arguments avancés pour invalider les résultats obtenus par le chercheur de Caen sont peu convaincants…

Le HCB, par exemple, ne met pas en doute que les rattes exposées à des OGM et/ou du roundup aient développé plus de tumeurs que celles du groupe contrôle, mais l’explication avancée c’est que « le groupe de contrôle montre une santé étonnante, supérieure à 95% des rattes de cette souche de laboratoire, selon le fournisseur » !!(Libération du 23 octobre)

Pas de chance pour Séralini, qui a justement mis dans le groupe contrôle des rattes exceptionnelles (à savoir qui n’ont pas la propension à développer les tumeurs comme leurs congénères), mais en revanche, (pauvre de lui !) il a mis dans le groupe expérimental des rattes particulièrement sensibles aux tumeurs !!

Soyons sérieux, et revenons aux fondamentaux : les rats Sprague Dawley représentent l’espèce de rats systématiquement utilisée dans les (courtes) études toxicologiques (maximum 90 jours) menés par les industriels pour obtenir l’autorisation de mise sur le marché des OGM. Ils ont effectivement une plus grande propension à développer des tumeurs, en fin de vie ( c’est-à-dire après 90 jours…), mais où est le problème ? Ce qui compte c’est de savoir si le groupe expérimental compte PLUS de tumeurs que le groupe témoin. Ce qui est manifestement le cas dans l’étude de Séralini et que personne ne conteste… Mais, c’est là qu’intervient le deuxième « argument », visant à annuler les observations réalisées par l’équipe de Caen : il y a certes plus de tumeurs, mais ce n’est pas statistiquement significatif, car il n’y a avait que dix rats par groupe…

Quelle mauvaise foi ! La grande majorité des études toxicologiques conduites par les industriels  sur les OGM comptent, – au mieux ! -, dix rats par groupe, et parfois beaucoup moins ! Toutes concluent que les OGM ne sont pas dangereux pour la santé, mais aucune agence (l’EFSA, l’ANSES ou le HCB) n’a dit : « vos conclusions ne sont pas valides, car la puissance statistique de vos études (dix malheureux rats par groupe) est faible, il faut donc revoir votre copie, car nous n’avons pas la preuve que les OGM ne sont pas toxiques »!

Il y a donc deux poids et deux mesures, comme on dit.

On aurait aimé que l’EFSA ou l’ANSES soient aussi sourcilleuse, concernant l’étude toxicologique fournie par Rochelle Tyl (payée par l’industrie) concernant le Bisphenol A, cette hormone de synthèse utilisée dans les récipients en plastique dur (comme les biberons) dont j’ai largement parlé dans mon film et livre Notre poison quotidien.

J’invite les internautes à lire cet extrait de mon livre qui montre comment les agences de réglementation, chargées de la protection de notre santé, sont beaucoup  moinsregardantes quand il s’agit de maintenir sur le marché un produit, dont des centaines d’études (indépendantes) ont prouvé la toxicité. Les lecteurs découvriront que les fameux rats Sprague Dawley n’ont pas que la caractéristique d’être plus sensibles aux tumeurs, mais aussi d’être totalement insensibles à l’œstrogène… Cet extrait repose sur les travaux de Frederick vom Saal, biologiste à l’université Columbia (Missouri), qui, avec plusieurs collègues,  a alerté les agences de réglementation des dysfonctionnements notoires de l’étude de Rochelle Tyl, qui fonde la Dose journalière admissible du Bisphénol A, mais en vain…

« Des techniques et savoirs qui datent du xvie siècle

(…)

Frederick vom Saal et Claude Hugues, un endocrinologue,  ont publié une  métanalyse dans laquelle ils examinèrent cent quinze études qui avaient fait l’objet d’une publication sur les effets à faibles doses du bisphénol A à la fin de 2004[i]. « Les résultats furent proprement renversants, m’a expliqué Fred vom Saal lors de notre entretien à la Nouvelle-Orléans. Nous avons en effet constaté que plus de 90 % des études financées par des fonds publics montraient des effets significatifs du BPA à de faibles doses – soit quatre-vingt-quatorze études sur cent quinze –, mais pas une de celles sponsorisées par l’industrie !

– C’est ce qu’on appelle le funding effect

– Oui… De plus, trente et une études conduites sur des animaux vertébrés ou invertébrés avaient trouvé des effets significatifs à une dose inférieure à la DJA du bisphénol A.

– Comment expliquez-vous les résultats négatifs obtenus par les scientifiques travaillant pour l’industrie ? Est-ce qu’ils ont triché ?

– La triche est difficile à prouver, m’a répondu prudemment Fred vom Saal, mais en revanche, il y a plusieurs “astuces” qui permettent de masquer les effets potentiels. D’abord, ainsi que nous l’avons écrit avec Claude Hugues dans notre article, la plupart des laboratoires payés par l’industrie ont utilisé une lignée de rats qui est connue pour être totalement insensible aux effets des molécules œstrogéniques.

– Il y a des rats qui présentent cette caractéristique ?, ai-je demandé, tant cette information me paraissait invraisemblable.

– Oui ! Cette lignée, appelée Sprague-Dawley ou CD-SD, a été inventée, si on peut dire, par l’entreprise Charles River qui l’a sélectionnée, il y a une cinquantaine d’années, en raison de sa haute fertilité et de la croissance postnatale rapide des souriceaux qu’elle engendre. Cela donne des rates obèses, capables de produire d’énormes quantités de bébés, mais qui du coup sont insensibles à l’œstrogène, comme par exemple à l’éthinylestradiol, un œstrogène puissant que l’on trouve dans les pilules anticontraceptives : elles ne réagissent qu’à une dose cent fois supérieure à la quantité prise quotidiennement par les femmes qui utilisent un anticontraceptif oral ! Cette lignée est donc tout à fait inappropriée pour étudier les effets des faibles doses d’œstrogènes de synthèse !

– Et cette caractéristique des rats Sprague-Dawley n’était pas connue des laboratoires travaillant pour l’industrie ?

– Apparemment non ! Mais curieusement, tous les laboratoires publics étaient au courant, m’a répondu Fred vom Saal avec un sourire entendu. L’autre problème que nous avons rencontré avec les études privées, c’est qu’elles utilisent une technologie qui date d’au moins cinquante ans ! Elles sont incapables de détecter des doses infimes de BPA, tout simplement parce que les laboratoires n’ont pas les équipements qui le permettent ou parce que le guide des “bonnes pratiques de laboratoire”, les fameuses GLP [voir supra, chapitre 12], ne l’exige pas, ce qui est bien pratique ! C’est un peu comme un astrologue qui voudrait examiner la lune avec des jumelles, alors qu’il existe des télescopes comme Hubble ! Dans mon laboratoire, nous pouvons détecter des résidus de bisphénol A libre, c’est-à-dire non métabolisé, à un niveau de 0,2 partie par milliard, mais dans la plupart des études de l’industrie que nous avons examinées, le niveau de détection était de cinquante à cent fois supérieur ! Il est alors facile de conclure que “l’exposition au bisphénol A ne pose pas de danger pour la santé, parce qu’il est complètement éliminé”… Enfin, le dernier problème que nous avons constaté est que les scientifiques des laboratoires privés, mais aussi la plupart des experts des agences de réglementation, ne comprennent rien en général à l’endocrinologie. Ils ont tous été formés à la vieille école de la toxicologie qui veut que “la dose fait le poison”. Or, ce principe, qui constitue le fondement de la dose journalière acceptable, est basé sur des hypothèses erronées qui datent du xvie siècle : à l’époque de Paracelse, on ne savait pas que les produits chimiques peuvent agir comme des hormones et que les hormones ne suivent pas les règles de la toxicologie[ii].

– Est-ce que cela signifie que le principe de la relation “dose-effet”, qui est le corollaire de la DJA, est aussi erroné ?

– Tout à fait, pour les perturbateurs endocriniens, il ne sert à rien ! Il peut marcher pour certains produits toxiques traditionnels, mais pas pour les hormones, pour aucune hormone ! Pour certains produits chimiques et pour les hormones naturelles, nous savons que les doses faibles peuvent stimuler les effets, alors que les fortes doses les inhibent. Pour les hormones, la dose ne fait jamais le poison, les effets n’empirent pas systématiquement, car en endocrinologie les courbes linéaires dose/effet n’existent pas. Je vais vous donner un exemple concret : quand une femme a un cancer du sein, on lui prescrit un médicament qui est le Tamoxifen. Au début du traitement, les effets sont très désagréables, car la molécule commence par stimuler la progression de la tumeur, puis quand elle atteint une certaine dose, elle bloque la prolifération des cellules cancéreuses. On observe le même phénomène avec le Lupron, un médicament prescrit aux hommes qui souffrent d’un cancer de la prostate. Dans les deux cas, l’action de la substance n’est pas proportionnelle à la dose et ne suit pas une courbe linéaire, mais une courbe en forme de U inversé. En endocrinologie, on parle d’un effet biphasique : d’abord, une phase ascensionnelle, puis descendante.

– Mais les agences de réglementation ne connaissent-elles pas ces caractéristiques ?

– Je pense sincèrement que leurs experts devraient retourner sur les bancs de l’université de médecine pour suivre un cours d’initiation à l’endocrinologie ! Plus sérieusement, je vous invite à consulter la déclaration de consensus qu’a publié récemment la Société américaine d’endocrinologie, qui compte plus de mille professionnels. Elle demande officiellement au gouvernement de prendre des mesures pour que soit revue de fond en comble la manière dont sont réglementés les produits chimiques qui ont une activité hormonale – on estime qu’il y en a plusieurs centaines. Et les auteurs de cette déclaration ne sont pas des activistes radicaux qui manifestent avec des pancartes ! Ce sont des endocrinologues professionnels, qui disent clairement que tant que leur spécialité ne sera pas admise au sein des agences de réglementation, les consommateurs et le public ne seront pas protégés, car le système ne peut être qu’inefficace. »

De fait, j’ai lu le texte publié par la Société d’endocrinologie en juin 2009 (et dont Ana Soto était l’un des auteurs)[iii]. En près de cinquante pages, celui-ci tire très clairement la sonnette d’alarme : « Nous apportons la preuve que les perturbateurs endocriniens ont des effets sur le système de reproduction masculin et féminin, écrivent ses auteurs, mais aussi sur le développement du cancer du sein et de la prostate, la neuroendocrinologie, la thyroïde, l’obésité et l’endocrinologie cardiovasculaire. Les résultats obtenus à partir de modèles animaux, d’observations cliniques humaines et d’études épidémiologiques convergent pour impliquer les perturbateurs endocriniens comme un problème majeur de santé publique. » Après avoir rappelé que « les perturbateurs endocriniens représentent une classe étendue de molécules comprenant des pesticides, des plastiques et plastifiants, des combustibles et de nombreux autres produits chimiques présents dans l’environnement et très largement utilisés », ils précisent qu’un « niveau infinitésimal d’exposition, le plus petit soit-il, peut causer des anomalies endocriniennes et reproductives, particulièrement si l’exposition a lieu pendant une fenêtre critique du développement. Aussi surprenant que cela puisse paraître, des doses faibles peuvent même avoir un effet plus puissant que des doses plus élevées. Deuxièmement, les perturbateurs endocriniens peuvent exercer leur action en suivant une courbe dose-effet qui n’est pas traditionnelle, telle qu’une courbe en forme de U inversé ». En conclusion, ils appellent « les décideurs scientifiques et individuels à promouvoir la prise de conscience et le principe de précaution, et à mettre en place un changement dans la politique publique ».

« L’étude qui a fondé la DJA du BPA est ridicule »

« Savez-vous sur quelle étude l’EFSA et la FDA se sont fondées pour fixer la DJA du bisphénol A à 50 μg par kilo de poids corporel ? » ai-je demandé à Frederick vom Saal, sans savoir que je touchais là à l’un des points les plus incroyables de cette (lamentable) affaire. « Les agences se sont fondées sur une étude dont je n’hésite pas à dire qu’elle est ridicule et qu’elle devrait immédiatement rejoindre les poubelles de l’histoire scientifique, m’a-t-il répondu, avec une fermeté dont la gravité tranchait avec le ton enjoué du début de notre entretien. Cette étude a été dirigée par Rochelle Tyl et financée par la Société de l’industrie des plastiques, Dow Chemical, Bayer, Aristech, Chemical Corp et GE Plastic, qui sont les principaux fabricants de bisphénol A. Elle a été publiée en 2002 et comme son titre l’indique, elle a utilisé des rats Sprague-Dawley : autant dire qu’elle est parfaitement inutile, mais c’est pourtant cette étude que l’EFSA et la FDA ont choisie, parmi des centaines, pour fixer la DJA ! »

De fait, quand on consulte l’avis de l’EFSA publié en 2006[iv], on peut lire à la page 32 que l’étude qui a servi à déterminer la NOAEL pour la toxicité reproductive est une « vaste étude sur trois générations » de Rochelle Tyl conduite sur des rats Sprague-Dawley[v]. « Quand, en 2005, j’ai révélé que les rats Sprague-Dawley étaient insensibles aux molécules œstrogéniques, l’équipe de Tyl s’est empressée de conduire une seconde étude avec des souris que l’on appelle “suisses” ou “CD-1”, m’a raconté Frederick vom Saal, les mêmes que j’utilise dans mon laboratoire, mais là aussi il y a de gros problèmes… » Effectivement, d’une manière pour le moins elliptique, pour ne pas dire énigmatique, l’avis de l’EFSA de 2006 évoque la « controverse sur les effets possibles des faibles doses de BPA sur des lignées de rongeurs sensibles », avant de préciser qu’une « étude récente de toxicologie reproductive sur deux générations, conduite sur des souris selon les bonnes pratiques de laboratoire, n’a pas confirmé l’existence d’effets à faible dose[vi] ». On en conclut, même si ce n’est pas clairement dit, que la DJA de 50 μg, fixée lors de l’examen de l’« étude ridicule » de 2002 a été maintenue.

« Et quels sont les problèmes de cette seconde étude ?, ai-je demandé à Fred vom Saal.

– Ils sont multiples !, s’est-il exclamé. L’affaire est tellement grave, car l’enjeu c’est la DJA du BPA, que trente scientifiques américains, dont je fais partie, ont publié en 2009 un long article dans le journal Environmental Health Perspectives[vii] pour dénoncer les incroyables déficiences de cette étude, qui devrait, comme la première, finir à la poubelle ! Alors qu’elle est considérée par l’EFSA et la FDA comme le must des bonnes pratiques de laboratoire ! »

Pour bien comprendre la suite de ce récit, proprement sidérant, il faut savoir que l’équipe de Rochelle Tyl a utilisé deux cent quatre-vingts souris mâles et deux cent quatre-vingts femelles, qui furent réparties en trois groupes : un « groupe contrôle » (qui ne fut exposé à aucune substance), un « groupe contrôle positif » (qui fut exposé à de l’œstradiol, car les effets de cette hormone sont parfaitement connus) et un « groupe expérimental » (exposé à du bisphénol A, avec six niveaux de dose). Une attention particulière fut portée aux femelles exposées pendant la gestation et à leurs descendants mâles et femelles, car le but de l’étude était principalement de mesurer les effets transgénérationnels de faibles doses de bisphénol A sur le système reproductif. « La première chose que nous avons rapportée dans notre article, m’a expliqué Frederick vom Saal, c’est que les souris du groupe contrôle positif étaient extraordinairement insensibles à l’œstradiol. Les premiers effets ne sont apparus qu’à une dose 50 000 fois supérieure à celle constatée dans de nombreux laboratoires, dont le mien. Tout indique que les installations de Rochelle Tyl étaient contaminées par de l’œstrogène. L’une des explications possibles pourrait être un incendie qui a ravagé le laboratoire en août 2001, au cours duquel une vingtaine de cages en polycarbonate ont brûlé en libérant du bisphénol A. Cette hypothèse a été abordée récemment lors d’un colloque en Allemagne auquel participaient Rochelle Tyl et un représentant de la FDA et où les aberrations de l’étude furent largement évoquées[viii]. Ce qui est incroyable, c’est que l’EFSA et la FDA n’aient pas remarqué les anomalies caractérisant le groupe contrôle positif, alors qu’elles devraient purement et simplement invalider tous les résultats de l’étude, car cette contamination à l’œstrogène rend impossible la mesure d’effets à faibles doses du BPA. Le second problème, c’est le poids absolument anormal de la prostate des mâles du groupe contrôle, qui est 75 % supérieur à celui constaté dans toutes les études similaires. »

En effet, dans le tableau 3 de son étude, Rochelle Tyl note que le poids moyen de la prostate des souris du groupe contrôle était supérieur à 70 mg, à l’âge de trois mois et demi. Or, soulignent les trente scientifiques de l’article cosigné par Frederick vom Saal, « ce poids moyen dans le groupe contrôle contraste radicalement avec celui rapporté par d’autres laboratoires. En général, le poids de la prostate chez des souris CD-1 de deux à trois mois est de 40 mg. Plusieurs études ont rapporté que l’exposition prénatale à de faibles doses de BPA ou à de l’œstrogène causait une augmentation du poids de la prostate, […] mais la prostate hypertrophiée des animaux exposés au BPA dans ces laboratoires pesait moins que celle des souris du groupe contrôle de Tyl[ix] ». « Ce poids exceptionnel de la prostate ne peut s’expliquer que de deux manières, m’a expliqué Frederick vom Saal. Soit les techniques de dissection étaient inappropriées, soit les animaux souffraient d’une infection de la prostate. Et je dois dire que les multiples versions données par Rochelle Tyl pour justifier cette taille incongrue ne font que confirmer que cette étude n’a aucune valeur. »

De fait, il faut bien admettre que la scientifique de l’industrie s’est pris plusieurs fois les pieds dans le tapis. Lors d’une audition organisée par la FDA, le 16 septembre 2008, elle a livré une première version, lorsque Frederick vom Saal l’interrogea publiquement sur cette anomalie manifeste. « Les souris n’avaient pas trois mois, mais six, a-t-elle affirmé, c’est pourquoi leur prostate était plus grande. » Imperturbable, le chercheur de l’université Columbia a alors exhibé la fameuse étude, en s’étonnant qu’« elle contienne deux fois la même faute d’impression[x] »… Interrogée de nouveau sur les fichues prostates lors du colloque sur le BPA qui s’est tenu en Allemagne en avril 2009, Rochelle Tyl a fourni une troisième version : « Les souris avaient cinq mois », a-t-elle déclaré, tandis que certains des cinquante-huit scientifiques présents se demandaient ouvertement comment une telle étude avait pu être choisie comme référence par les agences de réglementation[xi].

FIN DE L’EXTRAIT

Les leçons qu »on peut tirer de cette polémique autour de l’étude de Séralini, c’est que les agences de réglementation ont été in fine contraintes de reconnaître que leurs procédures d’évaluation des OGM ou de tout autre produit potentiellement toxique sont pour le moins approximatives et arbitraires… D’ailleurs, dans un bel ensemble, après avoir tiré à boulets rouges sur les travaux de Gille-Eric Séralini, elles reconnaissent toutes qu’il faudrait conduire une nouvelle étude toxicologique indépendante, de deux ans, pour trancher définitivement!

Par delà la polémique, c’est bien là le grand mérite du pavé dans la mare lancé par l’équipe de Caen: avoir provoqué cet aveu des agences de réglementation, obligées d’admettre que les autorisations de mise sur le marché et les avis qu’elles ont émis reposent sur des données hautement contestables, car scientifiquement très fragiles…

Du côté des bonnes nouvelles, il y a le succès énorme que rencontre mon film Les moissons du futur, qui remplit les salles:

450 personnes à Forcalquier (plusieurs centaines refusées), où j’ai répondu aux nombreuses questions du public, avec Pierre Rhabi.

(Photos : Lionel Goumy)

Merci à Philippe Courbon qui a magnifiquement réussi les « rencontres de l’alimentation bio » , auxquelles ont participé Gilles-Eric Séralini, Claude et Lydia Bourguignon, Claude Aubert, Jean-Pierre Berlan, François Veillerette, André Cicollela, Corinne Lepage, etc.

Sur la dernière image, on voit Manfred Wenz, l’un des pionniers de l’agriculture biologique en Allemagne. Je viens d’apprendre qu’après ma visite dans le lycée agricole du Luxembourg, tous les élèves et futur agriculteurs allaient effectuer une visite dans la ferme des Wenz!

– Près de 150 personnes à Draguignan, où la soirée s’est terminée tard, par un slam improvisé par Dany:


– je pars dans deux heures à Genève, où le film sera présenté dans une salle de 500 personnes:

http://kokopelli-suisse.com/wordpress/

http://www.escapada.ch/Les-moissons-du-futur-de-Marie-Monique-Robin_a160.html

Vendredi, à 19 heures, je participerai à une projection à Paris, dans le 2ème arrondissement:

http://www.festival-alimenterre.org/agenda/lagroecologie-peut-elle-nourrir-monde-projection-debat-et-repas-partage

– Et samedi, à 14 heures, dans le 10ème arrondissement:

http://www.festival-alimenterre.org/agenda/moissons-futur-espace-jemmapes-paris-10eme

Enfin, je vous invite à écouter l’émission de Valérie Barbe sur France Bleue:

http://sites.radiofrance.fr/chaines/france-bleu/?nr=1538196c5904bf7fda008ba58556d613&140001659d572b3357c7936a7a61517d_container_mode=item&140001659d572b3357c7936a7a61517d_container_id=40218&140001659d572b3357c7936a7a61517d_container_tid=54325


[i] Frederick vom Saal et Claude Hughes, « An extensive new literature concerning low-dose effects of bisphenol A shows the need for a new risk assessment », Environmental Health Perspectives, vol. 113, août 2005, p. 926-933.

[ii] Voir John Peterson Myers et Frederick vom Saal, « Should public health standards for endocrine-disrupting compounds be based upon 16th century dogma or modern endocrinology ? », San Francisco Medicine, vol. 81, n° 1, 2008, p. 30-31.

[iii] Evanthia Diamanti-Kandarakis et alii, « Endocrine-disrupting chemicals : an Endocrine Society scientific statement », Endocrine Reviews, vol. 30, n° 4, juin 2009, p. 293-342.

[iv] « Opinion of the scientific panel on food additives, flavourings, processing aids and materials in contact with food on a request from the Commission related to 2,2-bis (4-hydroxyphenyl) propane (bisphenol A) », Question n° EFSA-Q-2005-100, 29 novembre 2006.

[v] Rochelle Tyl et alii, « Three-generation reproductive toxicity study of dietary bisphenol A in CD Sprague-Dawley rats », Toxicological Sciences, vol. 68, 2002, p. 121-146.

[vi] Au moment de son évaluation, l’EFSA ne disposait que d’un rapport préliminaire de l’étude de Rochelle Tyl (« Draft final report ») qui a été publiée en 2008 : Rochelle Tyl et alii, « Two-generation reproductive toxicity evaluation of bisphenol A in CD-1 (Swiss mice) », Toxicological Sciences, vol. 104, n° 2, 2008, p. 362-384.

[vii] John Peterson Myers et alii, « Why public health agencies cannot depend on good laboratory practices as a criterion for selecting data : the case of bisphenol A », Environmental Health Perspectives, vol. 117, n° 3, mars 2009, p. 309-315. Parmi les auteurs, figurent Ana Soto, Carlos Sonnenschein, Louis Guillette, Theo Colborn et John McLachlan.

[viii] Meg Missinger et Susanne Rust, « Consortium rejects FDA claim of BPA’s safety. Scientists say 2 studies used by U.S. agency overlooked dangers », Journal Sentinel, 11 avril 2009.

[ix] John Peterson Myers et alii, « Why public health agencies cannot depend on good laboratory practices… », loc. cit.

[x] L’anecdote a été rapportée par John Peterson Myers, coauteur de Our Stolen Future, qui participait à l’audition (John Peterson Myers, « The missed electric moment », Environmental Health News, 18 septembre 2008).

[xi] Meg Missinger et Susanne Rust, « Consortium rejects FDA claim of BPA’s safety… », loc. cit.

« La marche des sciences »

J’ai participé hier à l’émission « La marche des sciences » de France culture de Aurélie Luneau, avec Vincent Tardieu, auteur de Vive l’agrorévolution française!

http://www.franceculture.fr/emission-la-marche-des-sciences-du-productivisme-a-l%E2%80%99agro-revolution-l%E2%80%99histoire-d%E2%80%99un-defi-2012-10-18

En fin d’émission, la metteuse en scène  Lilo Baur a présenté Le 6e Continent (en référence au dépotoir de plastique, d’une superficie équivalente à deux fois celle de la France, qui s’est accumulé dans l’océan pacifique), une pièce écrite  par Daniel Pennac  au Théâtre des Bouffes du Nord – 37 bis, bd de La Chapelle, 75010 Paris (01 46 07 34 50).

A ne pas manquer!

Hier soir, 200 personnes ont participé à la projection des Moissons du futur au cinéma l’Ecran de Saint Denis, dans le cadre du festival Alimenterre.

Comme promis, je mets ici en ligne un extrait de mon livre sur le programme d’agroforesterie, conduit par Christian Dupraz à l’INRA de Montpellier (voir aussi la vidéo que j’ai présentée dans mon post précédent).

DÉBUT DE L’EXTRAIT DES MOISSONS DU FUTUR

Du blé à l’ombre des noyers

Sur le domaine de Restinclières, Christian Dupraz mène en effet un programme unique en Europe : depuis quinze ans, il cultive du blé à l’ombre de noyers, qu’il a plantés à raison d’une centaine à l’hectare. Les résultats de l’association culturale (arbre/céréale) sont comparés avec ceux d’une parcelle « conventionnelle » où « le blé pousse tout seul, en plein soleil ». Sur place, l’image est saisissante, tant elle rompt avec celle des monocultures de blé que l’on trouve dans la Beauce, les prairies canadiennes ou le Midwest américain, où je m’étais rendue lors de la réalisation de mon film Blé : chronique d’une mort annoncée ?, diffusé en 2005.

Et la bonne nouvelle, comme l’a d’emblée souligné Christian Dupraz en faisant visiter son domaine exceptionnel, c’est que « quinze ans après avoir planté les arbres, qui se sont bien développés, on n’a toujours pas de baisse de rendement du blé. Pourtant, au début, de nombreux agriculteurs et techniciens pensaient que la compétition pour la lumière et l’ombre des noyers auraient un impact important sur la culture, et il s’avère que ce n’est pas le cas. Les différents essais que nous avons menés montrent que l’ombre des arbres n’a aucun impact négatif sur le blé tant que le rayonnement disponible reste supérieur ou égal à 80 % du rayonnement naturel. Bien sûr, il y a des associations qui marchent mieux que d’autres : l’idéal, c’est d’avoir un arbre qui démarre tard comme le noyer et une culture qui pousse plus tôt au printemps comme une céréale d’hiver. La concurrence pour la lumière serait plus grande si on faisait pousser du maïs sous les noyers, puisque le maïs pousse en été en même temps que l’arbre. Regardez comme ce noyer est beau ! Il vaut cher ! »

Christian Dupraz s’est arrêté au pied d’un arbre vigoureux sur lequel naissent de jeunes feuilles. « Ce sont les noyers qui poussent le plus vite de France, vous n’en trouverez pas d’autres qui ont cet âge et déjà cette taille, commente-t-il avec un large sourire. C’est unique et c’est parce qu’ils ont les pieds dans le blé. Ils adorent ça ! » D’un geste de la main, l’agronome montre un appareil posé près du noyer : « C’est un capteur qui permet de mesurer en continu le rayonnement solaire. Nous en avons mis à différents endroits de la parcelle, au milieu des allées cultivées ou près des arbres. Les mesures permettent de corréler le rayonnement reçu et le rendement. C’est pourquoi nous pouvons affirmer, données à l’appui, que la baisse du rayonnement reçu par le blé n’affecte pas son rendement. Sachant que cette question de rendement était capitale, car elle constitue le critère obsessionnel de l’agriculture dite “moderne”, j’ai embauché des stagiaires pendant quinze ans pour mesurer une différence éventuelle, mais nous n’en avons pratiquement jamais trouvé ! Nos modèles de simulation prédisent qu’on aura un rendement du blé encore très correct jusqu’à ce que les arbres atteignent une hauteur égale à la distance entre les lignes d’arbres, donc en gros lorsqu’ils feront de 13 à 15 m, et à partir de ce moment-là, effectivement, le rendement du blé commencera à diminuer mais on sera pratiquement à la récolte des arbres. Or, la baisse de rendement du blé sera largement compensée par les revenus apportés par la vente des noyers qui font un bois d’excellente qualité. Lorsqu’il aura atteint sa maturité, au bout d’environ trente ans, chaque arbre donnera à peu près un mètre cube qui se négocie entre 2 000 et 5 000 euros. Ce qui fait que, pour une centaine de noyers à l’hectare, vous avez un revenu sur cette parcelle de l’ordre de 100 000 euros au minimum, voire beaucoup plus. C’est ça l’agroforesterie, on a deux sources de revenus : la culture pour le revenu à court terme, et l’arbre pour le revenu à long terme[1]. »

Ces résultats spectaculaires sont confirmés par une autre expérience pilote que l’équipe de Christian Dupraz a menée sur une parcelle située à Vézénobres, dans le Gard. Pendant quinze ans, les chercheurs de l’INRA ont suivi une association de peupliers (dont la vie est deux fois plus courte que celle des noyers) et de blé. Ils ont comparé la productivité de cette parcelle agroforestière à celle d’un champ où blé et peupliers sont séparés (ces derniers étant plantés comme dans une forêt). À noter que dans les « peupleraies pures », on compte généralement deux cents arbres par hectare, contre seulement cent vingt-cinq dans la parcelle agroforestière de Vézénobres.

« Quelle est l’option la plus favorable : séparer (assolement) ou mélanger (association) ?, demande Christian Dupraz dans son livre Agroforesterie, des arbres et des cultures. Pour la productivité, la réponse à cette question tient en un seul chiffre : la SEA, surface équivalente associée (en anglais : land equivalent ratio, LER). Il s’agit de la surface nécessaire, en séparant arbres et cultures, pour obtenir la même production qu’un hectare agroforestier. Si la SEA est supérieure à 1, cela signifie que l’association agroforestière est plus productive[i]. » Le résultat est sans équivoque : « La production de l’association est très supérieure à celle de l’assolement, écrit Christian Dupraz. Le gain est de 34 %, ce qui témoigne de la présence de fortes complémentarités entre les arbres et les cultures. […] Une SEA de 1,34 signifie qu’un hectare d’agroforesterie produit la même quantité de céréales et de bois de peuplier que 1,34 hectare divisé en deux parties, l’une de blé et l’autre de peupliers. Ou bien qu’une exploitation agroforestière de 100 ha produit autant qu’une exploitation agricole et forestière de 134 ha[ii]. » D’après les projections réalisées par les chercheurs de l’INRA pour le domaine de Restinclières (où, je le rappelle, les noyers ne sont qu’à la moitié de leur vie), la SEA tournera autour de 1,4, « ce qui est énorme », commente Christian Dupraz : « Les atouts de l’agroforesterie, c’est précisément la complémentarité des cultures et des arbres, qui joue dans les deux sens. »


[1] Il faut préciser que les noyers plantés sur le domaine de Restinclières sont des noyers hybrides, destinés exclusivement à la production de bois. Il est possible de planter des noyers greffés, producteurs de noix, ou des « arbres à double fin » (bois et fruits) qui permettent d’ajouter une troisième source de revenus, annuelle et conséquente, liée à la vente des noix.


[i] Christian Dupraz et Fabien Lagre, Agroforesterie, des arbres et des cultures, op. cit., p. 56.

[ii] Ibid., p. 57.

FIN DE L’EXTRAIT

Le monde selon Monsanto ce soir à la télé et l’agroforesterie en France

J’informe ceux qui n’ont pas vu mon film Le monde selon Monsanto ou qui veulent le voir et revoir que le documentaire sera diffusé, ce soir à 20 heures 40, sur Ushuaia TV.

Je mets aussi en ligne l’excellent article publié par Témoignage Chrétien qui a parfaitement saisi les deux dimensions de mon film Les moissons du futur: la dimension agronomique (techniques agro-écologiques) et la dimension politique ( nécessité d’une réforme des marchés internationaux, nationaux et locaux):

http://www.temoignagechretien.fr/ARTICLES/International/Marie-Monique-Robin -%C2%AB Les-grandes-multinationales-controlent-tout %C2%BB/Default-36-4187.xhtml

Au moment où j’écris ces lignes, plus de 30 000 personnes ont vu le film en accès libre sur ARTE + 7:

http://videos.arte.tv/fr/videos/les-moissons-du-futur–6985970.html

Faites circuler le lien!!

La presse a salué la « belle récolte » que « Les moissons du futur » a « offert à ARTE« , malgré la concurrence du foot!

http://www.toutelatele.com/les-moissons-du-futur-offrent-une-belle-recolte-a-arte-43802

http://www.terrafemina.com/culture/medias/articles/18506-arte-replay–les-moissons-du-futur.html

Je participerai, ce soir, à un débat après la projection de mon film au cinéma L’Écran de Saint Denis.

Enfin, j’invite les internautes à regarder le dossier  (textes + vidéo) sur l’agro-foresterie en France que j’ai réalisé en exclusivité pour ARTE. Vous y découvrirez les travaux exceptionnels de Christian Dupraz, chercheur à l’INRA, qui fait pousser du blé à l’ombre des noyers, avec d’excellents résultats:

http://www.arte.tv/fr/france/6984730.html

Je mettrai bientôt en ligne un extrait de mon livre où je raconte cette expérience unique en Europe.