Bande annonce les moissons du futur

Je suis heureuse de mettre en ligne sur mon Blog la bande annonce de mon nouveau film Les moissons du futur, qui sera diffusé sur ARTE, le 16 octobre, à 20 heures 40.

Faites circulez l’information et la vidéo!

Par ailleurs, je publie le texte qui constitue la 4ème de couverture de mon livre  Les moissons du futur. Comment l’agroécologie peut nourrir le monde, qui sera en librairie le 8 octobre (Une coédition La Découverte/Arte-Éditions)

« Si on supprime les pesticides, la production agricole chutera de 40 % et on ne pourra pas nourrir le monde. » Prononcée par le patron de l’industrie agroalimentaire française, cette affirmation est répétée à l’envi par les promoteurs de l’agriculture industrielle. De son côté, Olivier de Schutter, le rapporteur spécial pour le droit à l’alimentation des Nations unies, affirme qu’il faut « changer de paradigme », car « l’agriculture est en train de créer les conditions de sa propre perte ». Pour lui, « seule l’agroécologie peut relever le défi de la faim et répondre aux besoins d’une population croissante ». D’après la FAO, il faudra augmenter la production agricole de 70 % pour nourrir 9 milliards de Terriens en 2050. Comment y parvenir ?

C’est à cette question que répond ici Marie-Monique Robin, en menant l’enquête sur quatre continents. S’appuyant sur les témoignages d’experts mais aussi de nombreux agriculteurs, elle dresse le bilan du modèle agro-industriel : non seulement il n’est pas parvenu à nourrir le monde, mais il participe largement au réchauffement climatique, épuise les sols, les ressources en eau et la biodiversité, et pousse vers les bidonvilles des millions de paysans. Et elle explique que, pratiquée sur des exploitations à hauteur d’homme, l’agroécologie peut être hautement efficace et qu’elle représente un modèle d’avenir productif et durable.

Du Mexique au Japon, en passant par le Malawi, le Kénya, le Sénégal, les États-Unis ou l’Allemagne, son enquête étonnante montre que l’on peut « faire autrement » pour résoudre la question alimentaire en respectant l’environnement et les ressources naturelles, à condition de revoir drastiquement le système de distribution des aliments et de redonner aux paysans un rôle clé dans cette évolution.


 

For the no  frenchspeaking public, I put the english trailer of Crops of the Future.

For more informations about this documentary contact:

www.m2rfilms.com

L’épidémie de cancer du sein est due à la pollution chimique

Comme promis, je publie un nouvel extrait de mon livre Notre poison quotidien, concernant l « ’effet cocktail » et les effets sanitaires des très nombreux pesticides qui agissent à des doses infinitésimales notamment sur les embryons et fœtus. Il s’agit notamment des poisons agricoles qui sont des hormones de synthèse et de ce fait perturbent le système endocrinien, d’où leur nom de « perturbateur endocrinien ».

Je constate avec amusement que les lobbyistes ne savent plus à quelle branche se raccrocher, n’hésitant pas comme « Bob le silencieux »  à qualifier les scientifiques qui révèlent ces effets terribles de « marchands de peur» ! Je dois reconnaître que venant d’un défenseur des « marchands de mort » (les pesticides, je le rappelle, sont fabriqués pour tuer , au minimum, des végétaux ou des insectes…), l’argument ne manque pas de panache !!

Je profite de l’occasion pour signaler une étude réalisée par le Pr Virginia Rauh de l’université de Columbia (New York), publiée dans les Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) en avril dernier.

http://www.pnas.org/content/early/2012/04/25/1203396109.abstract

Intitulée «  Les anomalies cérébrales des enfants exposés in utero à un pesticide organophosphoré très commun », celle-ci a révélé que des enfants exposés dans le ventre de leur mère à du chlorpyriphos-éthyl, un insecticide que j’ai largement évoqué dans Notre poison quotidien,  souffraient d’un « amincissement du cortex cérébral », caractéristique d’affections neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer, ainsi que l’a expliqué le Pr Rauh au Monde (édition du 19 mai). Et le journal de préciser : «

« Les anomalies cérébrales trouvées chez ces enfants pourraient être associées à des troubles neurocognitifs ou neuropsychologiques durables. Les niveaux d’exposition qui montrent ces effets neurotoxiques correspondant à des usages courants ».

Avant de conclure :

« En attendant une prise de conscience élargie, que faire ? « Laver fruits et légumes, d’autant plus s’ils sont consommés par une femme enceinte ou allaitante, ou par de jeunes enfants », conseille Virginia Rauh. Et éviter d’utiliser, en cas de grossesse, des produits phytosanitaires contenant ces produits. En France, au moins un produit contenant du CPF est autorisé dans les jardins : Dursban 5G Jardin (Dow Agrosciences SAS) ».

N’en déplaise aux petits soldats de l’industrie des pesticides, la meilleure solution pour protéger les femmes enceintes et les enfants de ces troubles gravissimes, c’est bien sûr de MANGER BIO !

Voici maintenant la suite de ma rencontre avec le Dr Ulla Hass :

L’explosion des cancers du sein est due aux cocktails des hormones de synthèse

Et bien sûr, j’ai pris le chemin du Royaume-Uni pour rencontrer Andreas Kortenkamp, qui dirige le centre de toxicologie de l’université de Londres. Dans l’étude qu’il a publiée en 2009 avec Ulla Hass et leurs collègues, les auteurs concluaient : « Les évaluations qui ignorent la possibilité d’une combinaison des effets peuvent conduire à une sous-estimation considérable des risques associés à l’exposition aux produits chimiques[i]. » Dans son livre La Société du risque, Ulrich Beck dit la même chose, mais en des termes beaucoup plus radicaux, que je n’étais pas loin de faire miens au moment de terminer mon voyage sur la planète chimique : « À quoi me sert-il de savoir que tel ou tel polluant est nocif à partir de telle ou telle concentration, si je ne sais pas dans le même temps quelles réactions entraîne l’action conjuguée de toutes ces substances toxiques résiduelles ? […] Car quand les hommes sont confrontés à des situations de danger, ce ne sont pas des substances toxiques isolées qui les menacent, mais une situation globale. Répondre à leurs questions sur la menace globale par des tableaux de taux limites portant sur des substances isolées, c’est faire preuve d’un cynisme collectif dont les conséquences meurtrières ont cessé d’être latentes. Il est compréhensible que l’on ait commis une telle erreur aux temps où tout le monde avait une croyance aveugle dans le progrès. Continuer à le faire aujourd’hui, en dépit des protestations, des statistiques de morbidité et de mortalité – en s’abritant derrière la “rationalité” scientifique des “taux limites” –, c’est s’exposer à bien plus qu’une crise de confiance, et c’est une attitude qui relève des tribunaux[ii] ».

Le 11 janvier 2010, mon « coup de blues » passé, j’ai donc rencontré Andreas Kortenkamp, un scientifique d’origine allemande auteur notamment d’un rapport sur le cancer du sein qu’il a présenté aux députés européens, le 2 avril 2008[iii]. Pour lui, en effet, l’augmentation permanente du taux d’incidence de ce cancer, qui frappe aujourd’hui une femme sur huit dans les pays industrialisés et représente la première cause de mort par cancer des femmes de 34-54 ans, est due principalement à la pollution chimique[1]. « La progression fulgurante du cancer du sein dans les pays du Nord est très choquante, m’a-t-il expliqué. Elle est due à un faisceau de facteurs concordants qui concernent tous le rôle de l’œstrogène dans le corps des femmes : il y a d’abord la décision d’avoir des enfants plus tard et, pour certaines, de ne pas allaiter ; il y a aussi, pour une faible part, l’utilisation de pilules anticontraceptives et, de manière évidente, l’usage de traitements hormonaux à la ménopause. On estime qu’au Royaume-Uni, l’usage des traitements hormonaux de substitution a provoqué un excès de 10 000 cas de cancer du sein. S’y ajoute un facteur génétique, mais qu’il ne faut pas surévaluer : on estime qu’il ne représente qu’une tumeur mammaire sur vingt. Tout indique que le facteur principal est environnemental et qu’il est lié à la présence d’agents chimiques capables d’imiter l’hormone sexuelle féminine, dont les effets s’additionnent à des doses infinitésimales.

– Quels sont les produits que vous mettez en cause ?, ai-je demandé, en pensant à toutes les femmes, dont plusieurs amies proches, qui souffrent ou sont décédées d’un cancer du sein.

– Malheureusement, la liste est longue, m’a répondu Andreas Kortenkamp, avec une moue de réprobation. Il y a certains additifs alimentaires comme les conservateurs, les produits anti-UV des crèmes solaires, les parabens et phtalates que l’on trouve dans de nombreux produits cosmétiques (shampoings, parfums, déodorants), les alkylphénols utilisés dans les détergents, peintures ou plastiques, les PCB qui continuent de polluer la chaîne alimentaire ; et puis de nombreux pesticides, comme le DDT qui s’est accumulé dans l’environnement, des fongicides, herbicides, insecticides qui ont tous une activité œstrogénique et qui se retrouvent sous forme de résidus dans nos aliments[iv] ; bref, le corps des femmes est exposé en permanence à un cocktail d’hormones qui peuvent agir de concert, ainsi que l’a révélé une étude espagnole[v]. De plus, on sait que ces mélanges d’hormones sont particulièrement redoutables pendant les phases du développement fœtal et la puberté. C’est ce qu’a révélé le drame du distilbène (voir supra, chapitre 17), ou la terrible expérience de la bombe atomique à Hiroshima : la majorité des femmes qui ont développé un cancer étaient adolescentes au moment de l’explosion.

– Quelles études menez-vous dans votre laboratoire ?

– Nous testons l’effet synergétique des hormones de synthèse – qu’elles soient œstrogéniques ou anti-androgéniques – sur des lignées de cellules, c’est-à-dire in vitro, et non pas in vivo, comme le fait ma collègue Ulla Hass. Et nos résultats confirment ce qu’elle a observé sur des rats : les xéno-œstrogènes, ou œstrogènes environnementaux, voient leurs effets décupler quand ils sont mélangés et interagissent de surcroît avec l’œstrogène naturel. On parle beaucoup de charge chimique corporelle, mais il serait intéressant de mesurer la charge hormonale globale des femmes qui devrait être un bon indicateur du risque d’avoir un cancer du sein…

– Pensez-vous que les agences de réglementation devraient revoir leur système d’évaluation des produits chimiques ?

– Certainement !, m’a répondu sans hésiter le scientifique germano-britannique. Il faut qu’elles changent de paradigme pour intégrer l’effet cocktail, qui est pour l’heure complètement ignoré. L’évaluation produit par produit n’a pas de sens et je constate que les autorités européennes ont commencé à en prendre conscience. En 2004, le Comité scientifique européen de la toxicologie, l’écotoxicologie et l’environnement a clairement recommandé de prendre en compte l’effet cocktail des molécules qui ont un mode d’action identique, comme les hormones environnementales[vi]. De même, en décembre 2009, les vingt-sept ministres de l’Environnement européens ont publié une déclaration commune demandant que l’effet des mélanges, notamment de perturbateurs endocriniens, soit intégré dans le système d’évaluation des produits chimiques. Cela dit, la tâche est immense. D’après les estimations, il y a actuellement entre 30 000 et 50 000 produits chimiques sur le marché en Europe, dont 1 % seulement a été testé. S’il y a parmi eux quelque 500 perturbateurs endocriniens, cela fait des millions de combinaisons possibles…

– Autant dire que la tâche est impossible…

– Je crois qu’il faut procéder de manière pragmatique. Les poissons des rivières représentent un bon indicateur des effets cocktail. Il faudrait déterminer quelles sont les substances qui les affectent le plus et peut-être va-t-on découvrir que vingt molécules sont responsables de 90 % des effets. Il convient alors de les retirer du marché, comme le prévoit le règlement Reach, qui va dans la bonne direction[2]. Mais pour cela, il faut une volonté politique forte, car la résistance des industriels est redoutable…

– Est-ce que l’effet cocktail existe aussi pour les molécules cancérigènes ?

– Tout indique que oui ! C’est ce qu’ont montré des études japonaises dans lesquelles ont été mélangés des pesticides qui individuellement n’avaient pas d’effet cancérigène à la dose utilisée dans le mélange, mais dont l’effet a été décuplé une fois qu’ils ont été mélangés.

– Cela veut-il dire que le principe de Paracelse qui veut que la “dose fait le poison” est à mettre à la poubelle, y compris pour les produits autres que les perturbateurs endocriniens ?

– Malheureusement, ce principe est utilisé à toutes les sauces, mais personne ne comprend vraiment ce qu’il signifie. Fondamentalement, bien sûr qu’il y a une relation entre la toxicité d’un produit et la dose, mais ce n’est pas cela le problème. La faille du système d’évaluation repose sur la notion de NOAEL, la dose sans effet nocif observé. En fait, il faut bien comprendre qu’autour de cette fameuse NOAEL, il y a ce que les statisticiens appellent un “fog” ou une zone grise, c’est-à-dire que nous sommes incapables de savoir ce qui se passe à + ou – 25 % de la NOAEL. Il n’y a aucune étude expérimentale qui peut résoudre ce problème fondamental. Bien sûr, on peut augmenter le nombre d’animaux testés pour réduire la taille du “fog”, mais on ne le fera jamais disparaître complètement. Le discours officiel, c’est que ce problème est résolu par l’application de facteurs d’incertitude ou de sécurité, mais là encore c’est complètement arbitraire, car, encore une fois, nous ne le savons pas. Et c’est particulièrement vrai pour la toxicologie des mélanges, où l’effet conjugué de très petites doses de produits apparemment inoffensifs, quand ils sont pris isolément, est impossible à prédire avec certitude, sauf à appliquer des facteurs de sécurité très élevés, ce qui limiterait considérablement l’usage des produits.

– Pensez-vous que le système actuel met particulièrement la vie des enfants en danger ?

– Il est clair que les fœtus et jeunes enfants sont particulièrement sensibles aux cocktails de produits chimiques et, notamment, des perturbateurs endocriniens. C’est ce que montre l’évolution des pathologies enfantines… »


[1] Le taux d’incidence de cancer du sein en Amérique du Nord, Europe et Australie est de 75 à 92 pour 100 000 (après ajustement de l’âge), contre moins de 20 pour 100 000 en Asie et en Afrique.

[2] Entré en vigueur le 1er juin 2007, Reach est l’acronyme anglais du « Règlement européen sur l’enregistrement, l’évaluation, l’autorisation et les restrictions des substances chimiques ».


[i] Sofie Christiansen, Ulla Hass et alii, « Synergistic disruption of external male sex organ development by a mixture of four antiandrogens », Environmental Health Perspectives, vol. 117, n° 12, décembre 2009, p. 1839-1846.

[ii] Ulrich Beck, La Société du risque, op. cit., p. 121-123.

[iii] Andreas Kortenkamp, « Breast cancer and exposure to hormonally active chemicals : an appraisal of the scientific evidence », Health & nvironment Alliance, <www.env-health.org>, avril 2008.

[iv] Voir notamment : Warren Porter, James Jaeger et Ian Carlson., « Endocrine, immune and behavioral effects of aldicarb (carbamate), atrazine (triazine) and nitrate (fertilizer) mixtures at groundwater concentrations », Toxicology and Industrial Health, vol. 15, n° 1-2, 1999, p. 133-150.

[v] Jesus Ibarluzea et alii, « Breast cancer risk and the combined effect of environmental oestrogens », Cancer Causes and Control, vol. 15, 2004, p. 591-600.

[vi] Andreas Kortenkamp et alii, « Low-level exposure to multiple chemicals : reason for human health concerns ? », Environmental Health Perspectives, vol. 115, Suppl. 1, décembre 2007, p. 106-114.

Une nouvelle étude sur l' »effet cocktail »

Je vois que les lobbyistes sont de retour sur mon Blog, avec l’acharnement qui caractérise leur fonction !

Ce qui me fournit une belle occasion de remettre leurs pendules à l’heure, en rappelant les dizaines de milliers de morts que causent, chaque année, dans le monde, les pesticides. Selon une étude publiée par le Parlement européen (j’ai interviewé son auteure principale dans Les moissons du futur) en 2008, si on interdisait les seuls pesticides cancérigènes, on économiserait, chaque année en Europe, 26 milliards d’Euros par an en frais de santé ! Mais je n’en dirai pas plus, mon film et mon livre étant, pour l’heure, sous embargo !!!

Je me contenterai, aujourd’hui, de citer une étude publiée le 3 août, dans la revue scientifique PloSOne, dont Le Monde s’est fait écho, le 8 août, dans un article intitulé « L’inquiétant cocktail des pesticides sur nos cellules ». Elle confirme ce que j’ai largement démontré dans mon film et livre Notre poison quotidien, à savoir qu’à des doses infimes, telles qu’on les retrouve, dans les aliments, les pesticides constituent une véritable bombe chimique, provoquant sur les êtres humains des dysfonctionnements majeurs, liés aux grandes « épidémies » qui caractérisent l’ère industrielle : cancers, maladies neurodégénératives, et troubles de la reproduction. Cette étude concerne le fameux « effet cocktail », auquel j’ai consacré de longs développements dans Notre poison quotidien (voir extraits ci-dessous). Son originalité est que ses auteurs ont testé sur les cellules de notre système nerveux l’action conjointe de résidus très faibles de trois fongicides que l’on rencontre régulièrement sur les étals des primeurs : le pyriméthanil, le cyprodinil et le fludioxonil.

« Résultat : les dommages infligés aux cellules sont jusqu’à vingt ou trente fois plus sévères lorsque les pesticides sont associés, écrit Le Monde.  « Des substances réputées sans effet pour la reproduction humaine, non neurotoxiques et non cancérigènes ont, en combinaison, des effets insoupçonnés », résume l’un des auteurs de l’étude, le biologiste moléculaire Claude Reiss, ancien directeur de recherche au CNRS et président de l’association Antidote Europe.

« On observe l’aggravation de trois types d’impacts », détaille le chercheur français : « La viabilité des cellules est dégradée ; les mitochondries, véritables « batteries » des cellules, ne parviennent plus à les alimenter en énergie, ce qui déclenche l’apoptose, c’est-à-dire l’autodestruction des cellules ; enfin, les cellules sont soumises à un stress oxydatif très puissant, possiblement cancérigène et susceptible d’entraîner une cascade d’effets. »

Alors que la maladie de Parkinson a rejoint – enfin !- le tableau des maladies professionnelles agricoles liées à l’usage des pesticides (voir sur ce Blog),  les auteurs de l’étude citent «  parmi les conséquences possibles de telles agressions sur les cellules », « le risque d’une vulnérabilité accrue à des maladies neurodégénératives comme Alzheimer, Parkinson ou la sclérose en plaques ». C’est d’autant plus inquiétant que les poisons agricoles testés se retrouvent sur la plupart des raisins « conventionnels » – entendez « chimiques » – vendus dans les supermarchés….

Début juin, j’ai été auditionnée par la Commission « pesticides » du Sénat, à qui j’ai présenté les résultats des études conduites par les laboratoires  de Ulla Hass et de Andreas Kortenkamp sur l’ « effet cocktail ».

Je reproduis ici l’extrait de mon livre concernant ma rencontre avec Ulla Hass.

« Les nouvelles mathématiques des mélanges : 0+0+0 = 60 »

Une fois n’est pas coutume, les laboratoires qui font référence dans le domaine de la toxicologie des mélanges chimiques sont européens, en l’occurrence danois et britannique. Le premier est dirigé par Ulla Hass, une toxicologue qui travaille à l’Institut danois de la recherche alimentaire et vétérinaire, situé à Soborg, dans la banlieue de Copenhague. Je l’ai rencontrée un jour enneigé de janvier 2010. Avant de commencer notre entretien, elle m’a fait visiter sa « ménagerie », une pièce d’un blanc clinique où sont installées les cages des rats wistar qu’elle utilise pour ses expériences. Grâce au soutien de l’Union européenne et en collaboration avec le centre de toxicologie de l’université de Londres, elle a conduit une série d’études visant à tester les effets des mélanges de substances chimiques, ayant une action anti-androgène, sur des rats mâles exposés in utero. Dans la première d’entre elles, le cocktail comprenait deux fongicides, la vinclozoline et le procymidone (voir supra, chapitre 13), et la flutamide, un médicament prescrit pour traiter le cancer de la prostate[i].

« Qu’est-ce qu’un anti-androgène ?, ai-je demandé à la toxicologue danoise.

– C’est une substance chimique qui affecte l’action des androgènes, c’est-à-dire des hormones masculines comme la testostérone, m’a-t-elle répondu. Or, les hormones masculines sont capitales pour la différenciation sexuelle qui, chez les humains, a lieu à la septième semaine de grossesse. Ce sont elles qui permettent au modèle de base, qui est féminin, de se développer en un organisme masculin. Donc, les anti-androgènes peuvent faire dérailler le processus et empêcher le mâle de se développer correctement.

– Comment avez-vous procédé pour votre étude ?

– Nous avons d’abord observé les effets de chaque molécule séparément en essayant de trouver, pour chacune d’elles, une dose très basse qui ne provoquait aucun effet. Je vous rappelle que notre objectif était de mesurer l’effet potentiel des mélanges, il était donc particulièrement intéressant de voir si trois molécules qui individuellement n’avaient pas d’effet pouvaient en avoir une fois mélangées. Et ce fut exactement les résultats que nous avons obtenus. Prenons, par exemple, ce que nous appelons la “distance anogénitale”, qui mesure la distance entre l’anus et les parties génitales de l’animal. Elle est deux fois plus longue chez le mâle que chez la femelle, et c’est précisément dû au rôle des androgènes pendant le développement fœtal. Si elle est plus courte chez les mâles, c’est un indicateur de l’hypospadias, une malformation congénitale grave des organes de reproduction masculins. Quand nous avons testé chaque produit séparément, nous n’avons constaté aucun effet, ni aucune malformation. Mais quand nous avons exposé les fœtus mâles à un mélange des trois substances, nous avons observé que 60 % d’entre eux développaient plus tard un hypospadias, ainsi que des malformations graves de leurs organes sexuels. Parmi les malformations que nous avons observées, il y avait notamment la présence d’une ouverture vaginale chez certains mâles qui avaient, par ailleurs, des testicules. En fait, ils étaient sexuellement dans l’entre-deux sexes, comme des hermaphrodites. »

Et la toxicologue de conclure par cette phrase que je n’oublierai jamais : « Nous devons apprendre de nouvelles mathématiques quand nous travaillons sur la toxicologie des mélanges, parce que ce que disent nos résultats, c’est que 0 + 0 + 0 fait 60 % de malformations…

– Comment est-ce possible ?

– En fait, nous assistons à un double phénomène : les effets s’additionnent et ils entrent en synergie pour décupler, m’a expliqué Ulla Hass.

– C’est effrayant ce que vous dites, surtout quand on sait que chaque Européen a ce que l’on appelle une “charge chimique corporelle” ! Ce que vous avez observé chez les rats pourrait-il aussi se produire dans nos organismes ?

En fait, le gros problème, c’est que nous n’en savons rien, a soupiré Ulla Hass, qui a alors fait la même remarque que son collègue Tyrone Hayes. Il est très difficile de comprendre pourquoi cela n’a pas été pris en compte plus tôt. Quand vous allez à la pharmacie pour acheter un médicament, il est écrit sur le mode d’emploi qu’il faut faire attention si vous prenez d’autres médicaments, car il peut y avoir une combinaison d’effets. C’est pourquoi il n’est pas surprenant que l’on ait le même phénomène avec des polluants chimiques.

– Pensez-vous que les toxicologues doivent complètement revoir leur manière de fonctionner ?

– Il est clair que pour pouvoir évaluer la toxicité des mélanges chimiques, et tout particulièrement celle des perturbateurs endocriniens, il faut sortir du modèle qu’on nous a enseigné, qui veut qu’à une faible dose on ait un petit effet et à une forte dose un gros effet, avec une courbe linéaire dose-effet. C’est un modèle simple et rassurant, mais qui, pour de nombreuses molécules chimiques, ne sert à rien. En revanche, il faudrait développer des outils comme ceux mis en place par le laboratoire d’Andreas Kortenkamp, à Londres, avec qui mon laboratoire collabore. Après avoir entré toutes les caractéristiques chimiques des trois substances que nous avons testées dans un système informatique, il a pu prédire, grâce à un logiciel spécifique, quels allaient être les effets de l’addition et de la synergie des molécules. C’est une piste très intéressante pour l’avenir… »


[i] Ulla Hass et alii, « Combined exposure to anti-androgens exacerbates disruption of sexual differentiation in the rat », Environmental Health Perspectives, vol. 115, Suppl. 1, décembre 2007, p. 122-128 ; Stine Broeng Metzdorff, Ulla Hass et alii, « Dysgenesis and histological changes of genitals and perturbations of gene expression in male rats after in utero exposure to antiandrogen mixtures », Toxicological Science, vol. 98, n° 1, juillet 2007, p. 87-98.

Demain: les études de Andreas Kortenkamp

L’agriculture industrielle accélère le réchauffement climatique

Je profite de l’une des questions posées par un internaute (« question? ») à la suite de mon dernier papier (Interview d’Olivier de Schutter) pour expliquer pourquoi l’agriculture industrielle émet des gaz à effet de serre, contrairement aux pratiques agroécologiques (agroforesterie, techniques culturales simplifiées ou permaculture) qui, elles, en revanche, permettent de créer des « puits de carbone« . Ce papier est le premier d’une série, car je ne peux pas expliquer tout d’un coup, pour cela j’ai écrit un livre de 300 pages!

D’après le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), l’agriculture totalise à elle seule 33% des émissions de gaz à effet de serre (GES), bien avant l’industrie (19,4%) ou l’approvisionnement énergétique (25,9%). [1] Les 33% se déclinent en deux postes principaux : l’agriculture industrielle (14%) et la déforestation (19%).

Or, comme je l’ai écrit, nous sommes devant un incroyable paradoxe:  les grandes exploitations agro-industrielles sont, aujourd’hui, des productrices de GES, alors qu’au contraire, l’agriculture devrait avoir un bilan positif. Pour en comprendre les raisons, je m’appuierai sur un excellent document de Nature Québec, qui a conçu un manuel, destiné aux agriculteurs et aux décideurs, et intitulé « Des pratiques agricoles ciblées pour la lutte aux changements climatiques » [2].

Les auteures commencent par rappeler quels sont les gaz qui constituent les fameux « GES »: il y  a, bien sûr le CO2, qui constitue le principal (et le plus connu) d’entre eux. S’y ajoutent deux autres gaz, émis principalement par l’activité agricole : le méthane (CH4) et le protoxyde d’azote (N2O), dont le pouvoir de réchauffement global est beaucoup plus élevé que le CO2 [3] [4].

« Les GES sont naturellement présents dans l’atmosphère, expliquent-elles. Ces gaz forment une couche autour de la Terre, qui lui permet de conserver sa chaleur : c’est l’effet de serre. En effet, le soleil réchauffe la Terre qui, par la suite, réémet une partie de sa chaleur vers l’espace. Les GES présents dans l’atmosphère emprisonnent une partie de cette chaleur, l’empêchant de retourner dans l’espace. Ce phénomène permet de conserver des températures moyennes de 15 °C sur notre planète. Sans cela, il y ferait environ – 18 °C, ce qui ne permettrait pas la vie telle que nous la connaissons ».

Quelles sont maintenant les sources d’émission des différents gaz dans le milieu agricole ? Concernant le dioxyde de  carbone, la source « naturelle », c’est la respiration des plantes et des animaux. S’y ajoutent deux sources (les plus importantes) qui n’existaient pas avant l’avènement de l’agriculture industrielle : l’utilisation des combustibles fossiles (pétrole et gaz) due à la mécanisation et aux techniques d’irrigation, mais aussi à l’usage intensif d’intrants chimiques, et la décomposition de la matière organique du sol par les microorganismes, qui produit du CO2, quand les sols sont nus, ce qui caractérise les pratiques agricoles industrielles. Ces émissions massives de CO2 ne sont pas compensées par l’activité de photosynthèse des plantes, des arbustes et des arbres présents dans les exploitations agroindustrielles, qui  captent  et accumulent le carbone dans leur biomasse pour se développer. Résultat : au lieu d’être globalement captatrice de carbone, l’agriculture industrielle est émettrice de CO2.

Concernant le protoxyde d’azote (N2O), le plus puissant des GES, il est émis presque exclusivement par le secteur agricole. Sa création est liée au cycle de l’azote (N), dont les plantes ont besoin pour croître, mais dont la présence excessive dans le sol est néfaste. Ainsi que l’expliquent les auteurs du manuel québécois, « c’est dans l’atmosphère que l’on retrouve les plus grandes quantités d’azote, principalement sous forme de N2, ce dernier n’étant pas un GES ». Les légumineuses, comme le soja, la luzerne et le trèfle, ont la capacité de fixer l’azote de l’air et de le transformer sous une forme assimilable par les plantes, grâce à une association symbiotique avec certaines bactéries du sol (les rhizobium).  Une autre manière d’enrichir le sol en azote, c’est d’enfouir des résidus de végétaux dans le sol ou d’épandre des fumiers. Les microorganismes se chargent alors de ce que l’on appelle le «  processus de nitrification et de dénitrification de l’azote » : « lors de la nitrification, l’ammonium (NH4+) est converti en nitrate (NO3-), et lors de la dénitrification, les nitrates (NO3-) sont convertis en azote atmosphérique (N2) ». Le protoxyde d’azote (N2O) est un sous-produit de ces processus . Si l’émission de ce GES puissant a considérablement augmenté au cours des trente dernières années, c’est parce que les adeptes de l’agriculture industrielle ont massivement recours à des engrais de synthèse pour nourrir leurs sols ( de plus en plus dégradés) en azote. Or, « les excédents d’azote non exploités par les plantes sont disponibles pour les micro-organismes producteurs de N2O ». L’usage intensif d’engrais chimiques explique, donc, l’émission de protoxyde d’azote, mais est aussi  à l’origine de la pollution des eaux par les nitrates. [5]

Enfin, comme le protoxyde d’azote, le méthane (CH4) est directement lié à l’activité agricole. Ses principales sources d’émission sont les fumiers, mais aussi, et surtout, le système digestif des ruminants. Le développement de l’élevage intensif de bétail, nourri avec des aliments de synthèse, qui sont plus difficiles à assimiler qu’un fourrage naturel de qualité (herbe des prairies ou foin) et qui entraînent, donc,  une perturbation du processus de fermentation entérique, est à l’origine de l’augmentation des émissions de méthane dans l’atmosphère.

Comme l’expliquent les experts que j’ai interviewés dans mon film et livre Les moissons du futur ,  les techniques agroécologiques permettent d’inverser radicalement la tendance, en refaisant de l’agriculture ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être : une activité captatrice de carbone, avec un bilan de N2O et de CH4 neutre.


[1] Source : « Bilan 2007 des changements climatiques », GIEC, Rapport de synthèse, 2007.

[2] Jeanne Camirand, Christine Gingras, Module 1, Des pratiques agricoles ciblées pour la lutte aux changements climatiques, Nature Québec, 2009.  Document réalisé dans le cadre du projet Agriculture et climat : vers des fermes 0 carbone, 44 pages

[3] Pour une meilleure comparaison de l’impact de chacun des GES, leur concentration est souvent exprimée sur une même base : le CO2 équivalent (CO2e dans le texte). Le CO2e est une mesure des GES, qui tient compte du pouvoir de réchauffement global (PRG) par rapport au gaz de référence, le CO2. C’est ainsi que le N2O, pour une même quantité, réchauffe 310 fois plus l’atmosphère que le CO2, donc 1 kg de N2O émis correspond à 310 kg de CO2e. Le PRG du CH4 est de 21 COEe.

[4] Depuis l’ère industrielle, la concentration de ces trois gaz a augmenté  de 30 % pour le CO2, de 150 % pour le CH4 et de 16 % pour le N2O . Source :« Inventaire québécois des émissions de gaz à effet de serre en 2006 et leur évolution depuis 1990 », Ministère du développement durable de l’environnement et des parcs, 2008

[5] Au Canada, 15 à 20 % des émissions de protoxyde d’azote provenant des activités agricoles sont dus à l’utilisation d’engrais de synthèse. E.G. Gregoritch et Al , « Greenhouse gas contributions of agricultural soils and potential mitigation practices in Eastern Canada »,  Soil and Tillage Research., 2005, Vol 83, p. 53-72.

Interview d’Olivier de Schutter

C’était aujourd’hui la conférence de rentrée d’ARTE qui a présenté à une cinquantaine de journalistes les « événements » qui marqueront l’automne 2012, tant dans le domaine de la fiction, de l’animation ou du documentaire.  J’ai participé à ce déjeuner organisé à l’Élysées Biarritz, sous la présidence de Véronique Cayla, car mon film (et livre) Les moissons du futur fait partie des moments forts que la chaîne a décidé de mettre en avant.

À partir d’aujourd’hui, je mettrai en ligne régulièrement des informations concernant cette nouvelle enquête, pour laquelle, je le rappelle, ARTE a d’ores et déjà ouvert un site pour préparer la sortie du film, programmée le 16 octobre à 20 heures 40 :

http://www.arte.tv/fr/Un-nouveau-tour/6815836,CmC=6847730.html

N’oubliez pas de faire circuler l’information sur vos carnets d’adresses et tous les réseaux sociaux !

Pour préparer mon tour du monde, j’ai travaillé en étroite collaboration avec Olivier de Schutter, le rapporteur des Nations Unies pour le droit à l’alimentation, qui a présenté un rapport sur l’agroécologie, le 8 mars 2011, à Genève.

http://www.srfood.org/index.php/fr/rapports-publies

J’ai bien sûr filmé son allocution , qui ouvre (en partie ) le documentaire, puis je l’ai interviewé.

Je mets ici en ligne un extrait de cet entretien, où Olivier de Schutter explique pourquoi l’agroécologie est bien plus en mesure de nourrir le monde et de répondre au défi du changement climatique que l’agriculture industrielle, qui a échoué sur ces deux fronts : aujourd’hui, près d’un milliard de personnes souffrent de la faim, malgré les énormes moyens déployés depuis cinquante ans pour promouvoir le modèle agrochimique, qui, de plus, est responsable de 14% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, alors que l’agriculture devrait être une activité captatrice de CO2 ! Si l’agriculture industrielle participe largement au réchauffement climatique, c’est notamment parce que ses adeptes utilisent des engrais et pesticides chimiques, fabriqués avec des énergies fossiles (gaz et pétrole), ainsi que des techniques qui consomment énormément d’énergie (mécanisation, irrigation, transports d’intrants, etc).

Il est urgent de changer de cap !

Photo: quelques minutes avant l’allocution d’Olivier de Schutter devant le Conseil des droits de l’Homme de Genève.



Les moissons du futur et nouvelles d’Argentine

Après deux mois de silence, je reprends fermement l’écriture de mon Blog !

Depuis mon retour du Japon, j’ai été littéralement happée par le montage de mon film et l’écriture de mon livre  Les moissons du futur , et autant dire que je n’ai pas chômée…

Je craignais même de ne pas parvenir à boucler l’écriture du livre avant la date butoir du 15 août, tant la tache était ample !

Mais c’est chose faite !

Le livre sera en librairie le 8 octobre et le documentaire sortira sur ARTE le 16 octobre à 20 heures 40.

Faites circuler l’information !

Le symbole de cette nouvelle enquête c’est un globe transparent qui m’a accompagnée tout au long de mon voyage autour du monde et qui constitue un lien entre tous les personnages – paysan(ne)s et experts – que j’ai rencontrés.

Début août, ARTE a ouvert un espace où les internautes peuvent dès maintenant consulter des vidéos et papiers que j’ai réalisés en marge du documentaire, des « pas de côté », parfois pleins d’humour, toujours riches en informations et images, qui permettent petit à petit de s’approprier la matière du film et du livre.

Le premier « module », aussi le plus « grave »,  concerne AGRA, l’Alliance pour une révolution verte en Afrique, financée par la fondation Bill & Melinda Gates , qui est très proche de … Monsanto. Mais je n’en dirais pas plus ! Allez plutôt sur le site ouvert par ARTE :

http://www.arte.tv/fr/Un-nouveau-tour/6815836,CmC=6847730.html

Monsanto, encore et toujours. La firme vient d’essuyer un beau désaveu en Argentine, où Sofia Gatica, une mère de famille très courageuse vient de recevoir le prestigieux prix Goldman, pour le combat qu’elle mène depuis des années contre les épandages de roundup sur les champs de soja transgéniques qui jouxtent son quartier d’habitation.

http://www.goldmanprize.org/recipient/sofia-gatica

J’avais raconté le drame de Sofia Gatica et de celles qu’on appelle les « mères de Ituzaingó », du nom du quartier qu’elles habitent dans la banlieue de Córdoba, dans mon livre Le monde selon Monsanto.

Puis, en mars 2009, j’avais rencontré Sofia Gatica (ci-dessous à ma gauche) lors de deux conférences que j’avais données en Argentine sur le désastre environnemental et sanitaire du modèle transgénique (voir photos ci-dessous).

L’histoire de Sofia est exemplaire. Rien ne préparait, en effet, cette  mère de famille à incarner la lutte contre les OGM de Monsanto. Au début des années 2000, Sofia perd une petite fille peu après sa naissance, qui souffre d’un dysfonctionnement grave des reins. Désireuse de comprendre à quoi peut être due cette malformation congénitale très rare, Sofia commence à faire du porte à porte dans son quartier, entouré de champs de soja transgénique, arrosé plusieurs fois par an de roundup, le sinistre herbicide de Monsanto.

Sofia découvre que de nombreuses familles ont des problèmes de santé récurrents qui sont survenus après l’introduction des OGM en Argentine. Avec seize autres mères de famille, elle fonde l’association des « mères de Ituzaingó », qui mène une véritable enquête épidémiologique. Elle découvre ainsi que dans le quartier le taux de cancer est quarante-et-un fois supérieur à la moyenne nationale, et que l’incidence des troubles neurologiques, des malformations congénitales, ou des  morts foetales y est exceptionnellement élevée.

Commence alors un difficile combat pour que les autorités acceptent simplement de s’intéresser à ce drame humain, et au-delà au désastre qu’entraînent les cultures transgéniques pour l’environnement et les populations qui vivent à proximité des OGM : Sofia a été plusieurs fois menacée de mort par ceux qui profitent des OGM de Monsanto.

Lors de la conférence que j’avais donnée à la Bibliothèque nationale de Buenos Aires, je me souviens que l’Association des avocats environnementalistes d’Argentine m’avait annoncé qu’elle allait se baser sur les nombreuses révélations du Monde selon Monsanto pour assister les riverains qui voulaient porter plainte contre les épandages de roundup.

De mon côté, j’avais rencontré Alberto Hernandez, le secrétaire d’Etat à l’agriculture à qui j’avais remis un exemplaire de mon livre.

C’est ainsi qu’en 2009, puis en 2010, plusieurs juges ont pris des arrêtés interdisant l’épandage des poisons agricoles à moins de 1500 mètres des habitations.

Et puis, en juin dernier, s’est ouvert le premier procès argentin contre les épandages de pesticides à proximité des zones résidentielles.

Deux grands « sojeros » (producteurs de soja transgénique) sont accusés d’avoir commandité l’épandage aérien de glyphosate (la substance active du roundup) et d’endosulfan au-dessus de champs d’OGM proches du quartier d’Ituzaingó. J’ai été invitée à participer à ce procès comme témoin, mais j’ai dû malheureusement décliner en raison du tournage de mon film  Les moissons du futur , qui  montre  que ce sont les pesticides et OGM- et précisément le modèle agronomique et économique qu’ils incarnent- qui affament le monde

En d’autres termes : si on veut nourrir le monde, il faut de toute urgence interdire les poisons chimiques – pesticides et OGM – en développant des techniques agroécologiques, respectueuses des ressources naturelles, moins gourmandes en énergies fossiles et eau, captatrices de dioxyde de carbone et non plus émettrices de gaz à effet de serre comme l’est aujourd’hui l’agriculture chimique, et surtout saines pour l’environnement et les humains.

Rendez-vous le 16 octobre sur ARTE!