agenda et nouvelles

Pour ceux et celles qui n’auraient pas (encore !) lu mon livre Notre poison quotidien, je vous conseille cette petite critique fort informée :

http://www.cpolitic.com/cblog/2011/08/24/lecture-utile-dete-notre-poison-quotidien-de-marie-monique-robin/

J’ai reçu plusieurs messages me demandant de mettre à jour mon agenda. C’est vrai que , débordée par mes multiples déplacements et la préparation de mon prochain film et livre, j’ai eu tendance à négliger ledit agenda.

Voici donc mes activités au cours des prochains jours :

vendredi 2 septembre, Les Herbiers (Vendée). Conférence « Bon appétit, bonne chance ! » lors de la 8e édition du Festi bio énergies.

http://www.ouest-france.fr/ofdernmin_-La-sante-est-dans-notre-assiette-au-Festi-bio-energies_40771-1968756-pere-pdl_filDMA.Htm

samedi 3 septembre, à Bouloire (Sarthe), projection suivie d’un débat de « Notre poison quotidien » au Centre Culturel Epidaure, à 14 heures 30.

http://www.nouveauconsommateur.com/agenda/15eme-edition-festival-avenir-au-naturel-albenc

dimanche 4 septembre, à Albenc (Isère), projection suivie d’un débat de « Notre poison quotidien » au 15ème festival de l’avenir au naturel.

http://www.nouveauconsommateur.com/agenda/15eme-edition-festival-avenir-au-naturel-albenc

Par ailleurs, je signale que France Info a diffusé , aujourd’hui, un papier sur les documents de  la diplomatie américaine, révélés par Wikileaks, qui montrent que les représentants de l’administration de Washington ont organisé la riposte pour neutraliser l’impact de mon film et livre  Le monde selon Monsanto notamment en France (voir sur ce Blog).

Les éléments qui gênaient le plus les promoteurs institutionnels des OGM  étaient ma démonstration que le fameux « principe d’équivalence en substance » qui fonde la (non)réglementation des plantes transgéniques pesticides de Monsanto, ne reposait sur aucune étude scientifique et constituait une invention concoctée par la firme de Saint Louis, avec la complicité de la Food and Drug Administration (FDA), pour éviter que les OGM soient sérieusement testés.

Ces câbles diplomatiques confirment ce que j’ai longuement décrit dans mon livre, à savoir que les OGM et les brevets qui y sont liés, sont un outil utilisé par les Etats Unis et les multinationales américaines pour contrôler le marché mondial des semences, et donc la chaîne alimentaire. Ils sont la preuve de l’extrême « proximité » (pour ne pas dire « collusion »!) entre Monsanto et le gouvernement américain.

Monsanto encore et toujours!

J’invite les internautes à lire l’article mis en ligne par Aurélie Champagne sur le site de Rue 89 , intitulé « Quand la diplomatie américaine était au service de Monsanto » :

http://www.rue89.com/2011/08/27/quand-la-diplomatie-americaine-etait-au-service-de-monsanto-219541

La veille de la publication de cet article, j’avais été informée par un ami britannique des câbles de la diplomatie américaine, mis au jour par Wiki Leaks, qui montraient que celle-ci avait décidé de voler au secours de la firme de Saint Louis, en organisant des contre-feux pour parer les révélations accablantes de mon film et livre Le monde selon Monsanto.

Comme je l’ai expliqué à Aurélie Champagne, cela ne m’a pas surprise mais a tout simplement confirmé le « système » de collusion bien rôdé que j’ai longuement décrit entre le géant des OGM et l’administration américaine.

Il est dommage que l’on ne sache pas en détails comment la diplomatie américaine a organisé la riposte, notamment en France, où manifestement son action a été très poussée. Je sais seulement que les résultats ont été particulièrement efficaces en Espagne, et surtout en Catalogne : TV3, la chaîne publique catalane, qui avait pré-acheté mon documentaire et à ce titre figure dans le générique de fin, a bloqué la diffusion du film pendant deux ans ! On a même vu des choses incroyables : TV3, qui avait mis le film dans un tiroir, n’a jamais répondu aux sollicitations de Peninsula, mon éditeur espagnol, qui voulait organiser un lancement commun du film et  du livre à Barcelone ! Le journal La Vanguardia, qui avait consacré une page entière à mon livre, a vainement tenté d’avoir une explication des dirigeants de la chaîne, qui , sous la pression de nombreuses associations a fini par diffuser mon encombrant documentaire. Il faut savoir que la Catalogne est , avec l’Aragon, la région d’Espagne qui cultive le plus d’OGM (du maïs BT)…

Par ailleurs, l’actualité récente vient également de confirmer que Monsanto n’en a pas fini avec les pratiques douteuses et délictueuses : dans son édition du 18 août, Le Monde a révélé que les autorités indiennes allaient attaquer la multinationale pour « biopiraterie ». L’agence,en charge de la biodiversité lui reproche  d’avoir mis au point une aubergine génétiquement modifiée à partir de variétés locales sans en avoir demandé l’autorisation. Cela n’aurait pas empêché la firme de réclamer ensuite des royalties sur une aubergine, qui pousse en Inde depuis la nuit des temps, au motif fallacieux qu’elle y avait introduit un nouveau gène ! Alors que l’aubergine, très présente dans l’alimentation du sous-continent,  compte des dizaines de milliers de gènes patiemment entretenus par les paysans indiens ! L’affaire pourrait bien porter un coup fatal à l’aubergine BT, dont la commercialisation a été suspendue à la suite d’un moratoire décrété par le ministre de l’environnement en février 2010. Ce moratoire faisait suite à un rapport circonstancier du professeur Gilles-Eric Séralini soulignant le «  risque grave pour la santé des humains et des animaux » que comportait l’aubergine insecticide :

http://www.criigen.org/SiteFr/index.php?option=com_content&task=view&id=238&Itemid=113

« Escadrons de la mort: l’école française » et « Torture made in USA »: ou comment fabriquer des terroristes

Au moment où on s’apprête à célébrer , avec moult documentaires, interviews, et dossiers spéciaux, le dixième anniversaire des attentats du 11 septembre 2001, je voudrais anticiper en proposant une réflexion sur la « lutte contre le terrorisme » à partir des deux enquêtes que j’ai réalisées pour ARTE « Escadrons de la mort : l’école française » et « Torture made in USA » qui viennent de sortir en DVD.

Après la diffusion récente de “Torture made in USA”, j’ai reçu de nombreux courriels et lettres me demandant si j’établissais un lien entre l’expérience menée par les Français en Algérie et celle de l’administration de Georges Bush dans sa “guerre contre la terreur”.

Je publie ici un texte, sous forme d’une interview fictive, que j’ai réalisée en rassemblant différents entretiens que j’avais accordés à Claude Katz et Gilles Manceron de la Ligue des Droits de l’homme pour la revue Hommes et Libertés, lors de la sortie de “Escadrons de la mort: l’école française”, mais aussi à Benoît Bossard pour le magazine Rouge, auxquels j’ai ajouté des informations provenant de mon livre éponyme et de mes notes de travail préparatoires pour les deux documentaires.

Chapô

Journaliste, documentariste et écrivain, Marie-Monique Robin est l’auteure de Escadrons de la mort : l’école française, un documentaire diffusé sur Canal + en septembre 2003, puis sur ARTE en 2004, ainsi que du livre éponyme, paru aux Éditions La Découverte [1].  Elle y retrace comment, dans les années 1950  à partir de son expérience dans les guerres d’Indochine puis d’Algérie, l’armée française a élaboré la théorie de la “guerre antisubversive”, où la torture constitue l’arme principale, et comment  le gouvernement  a exporté cette « doctrine française » vers l’Amérique du Nord et du Sud. Elle a  aussi réalisé Torture made in USA, un documentaire diffusé en juin 2011 sur ARTE[2].

Plusieurs fois primées, ces deux enquêtes au long cours montrent comment au nom de la lutte contre le terrorisme, deux grandes démocraties du monde – la France, puis les États Unis – ont violé les lois internationales prohibant l’usage de la torture et contribué à sa banalisation, alors que les responsables de ces politiques criminelles n’ont jamais été poursuivis.

Marie-Monique Robin révèle la filiation entre la politique de « lutte contre le terrorisme » développé par le président Bush après les attentats du 11 septembre, et celle conduite par les militaires et le gouvernement français pendant la guerre d’Algérie.

Des guerres d’Indochine et d’Algérie aux dictatures d’Amérique latine

Question: Comment s’est élaborée cette théorie française de « la guerre antisubversive » ?

Marie-Monique Robin : Tout a commencé  en Indochine. La théorie de la « guerre antisubversive »  est née au sein d’une génération d’officiers qui, après avoir connu l’humiliation de la défaite française de 1940, puis la Résistance durant laquelle ils avaient été confrontés aux méthodes de la Gestapo, ont rejoint le Corps expéditionnaire envoyé en Indochine.  Nous sommes en 1948, le général de Gaulle est aux  affaires et le pouvoir politique  est sourd aux revendications d’émancipation des colonies, pourtant conformes à la Charte de l’Atlantique qui proclame le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Et plutôt que de négocier l’indépendance des trois pays qui forment alors l’Indochine – le Vietnam, le Laos et le Cambodge – le gouvernement français choisit l’option militaire, pour maintenir dans son giron l’un des fleurons de l’empire colonial.   A peine arrivés, les militaires sont complètement désemparés par le type de guerre que mène le Viet-Minh du chef indépendantiste communiste Hô Chi Minh. Malgré des effectifs et des moyens  militaires nettement supérieurs, ils n’arrivent pas à venir à bout de ses combattants qui mènent une guerre de guérilla.  Disséminés dans la population, et ne portant pas d’uniforme, ceux-ci ne conduisent pas une guerre classique , avec un front qu’on essaie de repousser, au moyen de chars et d’avions, mais une guerre de surface, en s’appuyant sur un puissant appareil idéologique et des relais dans toute la population. C’est ainsi que le   colonel Charles Lacheroy, que j’ai pu interviewer epu avant sa mort,  invente la théorie de la “guerre révolutionnaire”, dont il prétendra concevoir l’antidote, baptisé  “guerre contre-révolutionnaire” ,  puis « guerre antisubversive » pendant la guerre d’Algérie.   Celle-ci consiste, d’abord, à  retourner contre leurs auteurs certaines méthodes de la guerre révolutionnaire comme la propagande auprès de la population : c’est ce que Lacheroy appelle l’ “ action psychologique ”, dont l’objectif est de « conquérir les âmes » pour couper « l’ arrière-garde » du Viet-Minh, car, dit-il, « quand on gagne l’arrière-garde, on gagne la guerre ».  Cela entraînera la création du 5ème Bureau au sein de l’armée française. Ensuite, la « guerre contre-révolutionnaire » se caractérise par l’obsession du renseignement qui, par ailleurs, change de nature : dans la guerre classique, le renseignement visait à obtenir des informations sur la position de l’ennemi ; dans la « guerre contre-révolutionnaire », il cherche à infiltrer les populations qui sont suspectées de collaborer avec les hommes du Viet Minh, soit en les hébergeant, en leur prêtant assistance ou en servant de messagers.  Charles Lacheroy m’a raconté qu’il avait lu les textes de Mao Tsé Toung et connaissait sa théorie du « poisson dans l’eau ». Le « poisson » c’était le guérillero et l’ « eau » la population. Il en conclut que pour se débarrasser du « poisson », il faut donc vider l’eau, d’où la prééminence du renseignement, et donc de la torture, érigée en arme absolue de la guerre contre-révolutionnaire.

Question: Était-ce vraiment nouveau ?  La torture était présente en Indochine, par exemple, dès les débuts de la colonisation ?

Marie-Monique Robin : Il est vrai que les conquêtes coloniales ont été marquées par des violences à l’égard des populations et que la torture a toujours fait partie de l’arsenal des pratiques policières dans les colonies, mais elle devient désormais le pivot de la nouvelle doctrine militaire.  En effet, dans « la guerre moderne », – d’après le titre d’un livre du colonel Roger Trinquier qui deviendra la bible des académies militaires nord et sud-américaines – , l’ennemi prend la forme d’une organisation politique invisible mêlée à la population civile , dont on ne peut connaître les cadres que par une guerre de renseignement reposant sur des arrestations massives de “ suspects ” civils et leur interrogatoire, au besoin sous la torture. À la conception classique de l’ennemi qui désigne un soldat en uniforme de l’autre côté de la frontière se substitue celle d’un “ ennemi intérieur ” similaire au  concept de la “ cinquième colonne ” utilisé par les franquistes dans la guerre d’Espagne, où n’importe qui peut être suspect.  Une fois que les chefs de l’organisation ennemie sont identifiés, on ne peut s’en débarrasser qu’en les assassinant, d’où le recours à des “ escadrons de la mort ” — le général Paul Aussaresses m’a confirmé qu’on appelait son équipe pendant la bataille d’Alger “ l’escadron de la mort ” ; le terme sera repris plus tard en Amérique latine. La recherche du renseignement implique aussi la technique du “ quadrillage ” des zones dont on veut contrôler la population et éliminer l’ennemi.

Question: Comment la théorie de la « guerre contre-révolutionnaire » ou de la « guerre antisubverisve » s’est elle propagée dans l’armée ?

Marie-Monique Robin Elle a été enseignée très officiellement dans des établissements prestigieux comme l’École militaire,  l’École de Saint-Cyr ou à l’Institut des hautes études de la Défense nationale, à l’instigation du colonel Lacheroy, qui remporta l’adhésion de l’État major et connut une apogée fulgurante. Elle obtint le soutien d’hommes politiques comme Max Lejeune, Robert Lacoste ou Maurice Bourgès-Maunoury, ministre de la Guerre dans le gouvernement Guy Mollet en février 1956, qui confia à Lacheroy les rênes d’un nouveau Service d’information et d’action psychologique. Toute une génération d’officiers français a adopté cette doctrine et l’a mise en pratique dès le début de la guerre Algérie. La plupart des adeptes de la « guerre anti-subversive » sont arrivés directement d’Indochine, où ils ont connu l’humiliation de la défaite de Dien Bien Phu, et pour certains l’horreur des camps de prisonniers du Viet-Minh. Ils avaient la rage et jurèrent que l’Algérie qui était un département français , avec un million de pieds noirs, ne connaitrait pas le même sort que l’Indochine. Pour eux, les militants du Front de Libération Nationale (FLN) appartenaient à la même classe d’ennemis que les combattants du Viet Minh. Ils ont utilisé les techniques de la « guerre antisubversive » d’abord localement dès 1955, puis  de manière systématique lors de la Bataille d’Alger, qui s’est déroulée de janvier à septembre 1957.  La « Bataille d’Alger »,  – qui ne fut en rien une « bataille » mais plutôt une vaste opération de répression urbaine -, constitua un laboratoire, puis un modèle de la « doctrine française ». Investis des pouvoirs spéciaux, et notamment des pouvoirs de police, les parachutistes de la 10ème division du général Massu peuvent enfin mener la guerre comme ils l’entendent, en violant le droit de la guerre qui prohibe l’usage de la torture. Dans son livre La guerre moderne, le colonel Trinquier justifie cet état d’exception, en arguant que les « terroristes » du FLN ne respectent pas les lois de la guerre, en posant des bombes dans les lieux publics,  et qu’il n’y a donc aucune raison qu’on leur applique les conventions de Genève. Dans l’histoire militaire, Trinquier est le premier à élaborer un statut du « terroriste » qu’il considère comme un « combattant illégal » dont les méthodes exceptionnelles appellent un traitement exceptionnel .  Voici un extrait de son ouvrage qui inspirera bientôt les généraux argentins, mais aussi les juristes de l’administration Bush , quand ils s’emploieront à justifier l’usage de la torture dans la « guerre contre la subversion », pour les premiers, ou « contre le terrorisme » pour les seconds :  “ Blessé sur le champ de bataille, le fantassin accepte de souffrir dans sa chair. […] Les risques courus sur le champ de bataille et les souffrances qu’il y endure sont la rançon de la gloire qu’il y recueille. Or, le terroriste prétend aux mêmes honneurs, mais il refuse les mêmes servitudes. […] Mais il faut qu’il sache que lorsqu’il sera pris, il ne sera pas traité comme un criminel ordinaire, ni comme un prisonnier sur un champ de bataille. On lui demandera donc […] des renseignements précis sur son organisation. […] Pour cet interrogatoire, il ne sera certainement pas assisté d’un avocat. S’il donne sans difficulté les renseignements demandés, l’interrogatoire sera rapidement terminé ; sinon, des spécialistes devront lui arracher son secret. Il devra alors, comme un soldat, affronter la souffrance et peut-être la mort qu’il a su éviter jusqu’alors.

A cette justification théorique de la torture s’ajoute un  argumentaire, baptisé le « scénario de la bombe à retardement » qui sera brandi systématiquement par tous ceux qui, de l’Algérie à l’Argentine, en passant par l’administration Bush, s’emploieront à justifier cette entorse criminelle au code de la guerre que constitue l’usage de la torture. «  Supposez qu’un après-midi une de vos patrouilles ait arrêté un poseur de bombes, explique ainsi Trinquier dans une interview qu’il a accordée à mon confrère André Gazut. Ce poseur de bombes avait sur lui une bombe, mais il en avait déjà posé quatre, cinq ou six, qui allaient sauter à six heures et demie de l’après-midi. Il est trois heures, nous savons que chaque bombe fait au moins dix ou douze morts et une quarantaine de blessés (…) Si vous interrogez cet individu, vous épargnerez des vies parce qu’il vous le dira –il vous le dira même peut-être sans le bousculer fort surtout s’il sait que vous allez l’interroger de manière sévère -, il y a de fortes chances pour qu’il vous donne l’endroit où il  a posé les bombes. Vous sauverez le nombre de morts ou de blessés dont je vous ai parlé. Alors qu’est-ce que vous allez faire ? C’est un problème de conscience auquel vous ne pouvez pas échapper. Si vous ne l’interrogez pas, que vous le vouliez ou non vous aurez la responsabilité des quarante morts et des deux cents blessés. Moi, personnellement, je suis prêt à l’interroger jusqu’à ce qu’il réponde à mes questions ».

On sait aujourd’hui que la torture fut utilisée systématiquement pendant la Bataille d’Alger. Le mot n’apparaît par écrit dans aucun rapport officiel, mais une directive du général Massu dit, par exemple, que, lorsque la persuasion ne suffit pas, “ il y a lieu d’appliquer les méthodes de coercition ». Et la “ corvée de bois ” permet de faire disparaître des militants du FLN ou suspects que la torture a trop “ abîmés ” ; l’une des techniques consistant à jeter les victimes depuis un hélicoptère – on parlait de « crevettes Bigeard » – , ce que les militaires argentins pratiqueront   à grande échelle avec les « vols de la mort ».

Question: Comment la théorie de la guerre antisubversive a-t-elle été exportée?

M-M Robin: Je dirais très officiellement ! Dès 1957, de nombreuses armées étrangères, intéressées par ce qu’on appelle la « french school », envoient des officiers se former en France : Portugais, Belges, Iraniens, Sud-Africains, ou Argentins… Certains iront en Algérie suivre des cours au Centre d’entraînement à la guerre subversive, qu’on surnommait “ l’école Bigeardville ”, inauguré le 10 mai 1958 dans le hameau de Jeanne-d’Arc, près de Philippeville, par Jacques Chaban-Delmas, éphémère ministre des armées. Pendant la guerre d’Algérie, le nombre de stagiaires étrangers à l’École supérieure de guerre à Paris augmente (avec un pic en 1956-1958), dont beaucoup de latino-américains (24% de Brésiliens, 22% d’Argentins, 17% de Vénézuéliens et 10% de Chiliens) et ils font des “ voyages d’information ” en Algérie. Parmi eux, par exemple, de 1957 à 1959, figure le colonel argentin Alcides Lopez Aufranc que l’on retrouvera en 1976 dans l’entourage du général Videla. À l’inverse, dès 1957, en pleine Bataille d’Alger, deux lieutenants-colonels français spécialistes de la guerre révolutionnaire sont envoyés à Buenos Aires, et, en 1960, un accord secret élaboré sous la houlette de Pierre Messmer, ministre des armées (que j’ai pu interviewer)  crée une “ mission permanente d’assesseurs militaires français ” en Argentine, chargée de former les officiers à la guerre antisubversive : elle sera active jusqu’en 1980, quatre ans après le coup d’Etat du général Videla.

Question: Pourquoi l’  «  école française » a-t-elle connu un tel « succès » en Argentine ?

Marie-Monique Robin À n’en pas douter, les Argentins furent les meilleurs élèves des Français. Le général Martin Balza, chef d’Etat major de l’armée argentine dans les années 90 , m’a parlé d’une « contamination néfaste » des officiers de son pays par les instructeurs français. Tous les généraux que j’ai interviewés – le général Harguindéguy, ministre de l’Intérieur de Videla, le général Diaz Bessone, ex ministre de la planification et idéologue de la junte, le général Bignone, le dernier dictateur argentin, tous m’ont confirmé que la « bataille de Buenos Aires » était une « copie de la bataille d’Alger », inspirée directement des enseignements des Français. Quadrillage, renseignement, torture, escadrons de la mort, disparitions, les  Argentins ont tout appliqué aux pieds de la lettre, en se comportant comme une armée d’occupation dans leur propre pays… La brutalité de la dictature argentine, qui a fait 3OOOO disparus, tient notamment au fait que dès 1959 toute une génération d’officiers a littéralement « mariné » dans la  notion d’ennemi interne inculquée par les Français. S’ajoute à cela l’implantation des intégristes français de la Cité Catholique de Jean Ousset, qui vont d’ailleurs organiser la fuite des chefs de l’OAS dans ce pays. Dans toutes les phases du « cocktail », – militaire, religieux ou idéologique- qui président à la dictature argentine- les Français sont présents. À la fin des années 70, les Argentins transmettront le modèle, notamment en entraînant la contra contre le gouvernement sandiniste nicaraguayen.

Question: Et comment la « doctrine française » est-elle arrivée aux Etats Unis ?

Marie-Monique Robin À l’instigation du président Kennedy,  le secrétaire à la Défense Robert McNamara a demandé des « experts », et Pierre Messmer a envoyé à Fort Bragg, siège des Forces spéciales, Paul Aussaresses (alors commandant) et une dizaine d’officiers de liaison, qui avaient tous participé à la guerre d’Algérie. J’ai retrouvé deux anciens élèves du général Aussaresses, le général John Johns et le colonel Carl Bernard,   qui m’ont raconté que l’Opération Phénix, qui a fait au moins 20000 victimes civiles à Saïgon pendant la guerre du Vietnam, avait été inspirée directement de la Bataille d’Alger. Les écrits théoriques des Français ont entraîné une reformulation de la doctrine de la sécurité nationale : désormais, les Etats Unis demanderont à leurs alliés sud-américains de se recentrer sur « l’ennemi intérieur » et sur la « subversion ». La « doctrine française » inspirera aussi la nouvelle orientation de l’Ecole des Amériques, installée à Panama, qui va devenir une école de guerre antisubversive, en clair une école de tortionnaires.

La  « guerre contre les terrrorisme » de l’administration Bush

Question: Sait-on si la « doctrine française » a inspiré l’administration Bush ?

Marie-Monique Robin Il est frappant de constater que dans les semaines qui suivent les attentats du 11 septembre l’usage de la torture est publiquement débattu.  En janvier 2002, le magazine 60 Minutes de CBS lui consacre un numéro spécial , auquel participe le général Aussaresses. Celui-ci affirme que la torture est “ le seul moyen de faire parler un terroriste d’Al-Qaida ”. Le 21 janvier 2003, le général Johns et le colonel Bernard, les deux anciens élèves d’ Aussaresses à Fort Bragg, participent à un séminaire organisé à Fort Myer et consacré au livre du général Aussarresses[3] qui vient d’être traduit sous le titre The Battle of the Casbah .  Le 27 août 2003, la Direction des opérations spéciales du Pentagone organise une projection de La Bataille d’Alger à des officiers d’Etat major en partance pour l’Afghanistan (et bientôt l’Irak). Il faut souligner au passage l’incroyable “carrière” du film de Gillo Pontecorvo qui avait été réalisé pour dénoncer les crimes de l’armée française en Algérie en reconstituant précisément les techniques de la “guerre antisubversive”. Le film a été détourné par l’armée argentine, israélienne ou américaine pour former les officiers aux méthodes de l’”école française”.

Dans le même temps , la torture fait l’objet d’un débat inconcevable quelques années plus tôt dans les grands journaux américains, comme le Los Angeles Times ou Insight of the News, où Alan Dershowitz, professeur de droit à Harvard, propose de légiférer sur la torture et de l’autoriser au cas par cas. De même le juriste Richard Posner et le philosophe Jean Bethke Elshain prennent officiellement position en faveur de l’usage de la torture contre une petite catégorie de terroristes  qui peuvent avoir de l’information permettant de sauver la vie d’innocents. L’organisation Human Rights First a aussi montré le rôle joué par des séries comme « Vingt-quatre heures chrono », diffusées en prime time,  où la torture est systématiquement employée, qui ont largement contribué à sa banalisation dans l’opinion publique américaine.

Question: Quand l’administration Bush a-t-elle décidé d’utiliser la torture pour “lutter contre le terrorisme”?

Marie-Monique Robin Dès le soir du 11 septembre 2001, ainsi que me l’a expliqué Matthew Waxman, qui était alors l’assistant de Condoleeza Rice, conseillère à la sécurité  à la Maison Blanche. Cette décision fut prise par le vice-président Dick Cheney qui a joué un rôle capital dans la mise en place du programme de torture. Dès le début de la “guerre contre le terrorisme”, Cheney suggère de se débarrasser des Conventions de Genève et de contourner les lois internationales –comme la convention contre la torture de 1984, ratifiée par les Etats Unis dix ans plus tard-  et nationales, comme le War Crimes Act de 1996 qui prévoit la … peine de mort pour ceux qui utilisent ou ont ordonné la torture ou qui n’ont rien fait pour empêcher son usage. Afin d’éviter d’éventuelles poursuites judiciaires pour “torture et crimes de guerre” qui pourraient être engagées à la faveur d’un changement d’administration ou par des victimes dans un pays tiers, l’administration Bush  tente de se “protéger” en demandant à des juristes ultraconservateurs de détricoter et de vider de leur substance les textes qui fondent le droit humanitaire international. Il est absolument fascinant de voir le nombre de documents que vont produire les « petites mains » de l’administration censés mettre Bush, Cheney et Donald Rumsfeld, le secrétaire à la Défense, à l’abri des tribunaux, car ceux-ci savent pertinemment qu’ils vont délibérément violer les lois internationales et américaines.

Question: Comment ces juristes ont-ils procédé ?

Marie-Monique Robin La première manœuvre a consisté à obtenir de l’Office of Legal Counsel (OLC), le bureau juridique dépendant du ministère de la justice, chargé de vérifier la légalité des décisions prises par la Maison Blanche, une “opinion” établissant que les conventions de Genève ne s’appliquent pas aux Talibans ni aux membres de Al Qadha, car ceux-ci ont déclenché une guerre d’un « genre nouveau » . Le 9 janvier 2002, John Yoo, le directeur adjoint de l’OLC,  écrit un mémorandum qui sera repris par le Pentagone , puis la Maison Blanche, où il tente de justifier d’un point de vue juridique le fait que les prisonniers présumés de Al Qadah et les Talibans ne peuvent pas jouir du statut de « prisonniers de guerre »  et donc du traitement que leur garantiraient les Conventions de Genève, car ils ne portent pas d’uniforme et ne portent pas leurs armes ouvertement.  Les pseudos « arguments juridiques » de Yoo ont été vivement critiqués par Colin Powell, le secrétaire d’Etat,  dans un mémorandum où il explique que le fait de ne pas respecter les conventions de Genève allait saper l’autorité morale des Etats Unis dans le reste du monde et mettre en danger les soldats américains. Finalement , Powell sera mis sur la touche puis finira par démissionner.

Pour bien comprendre l’ampleur de l’affrontement, il faut savoir que, depuis la fin de la seconde guerre mondiale,  les Etats Unis avaient toujours été des promoteurs inconditionnels du statut de prisonnier de guerre :  lors du procès de Nuremberg (dirigé par les juristes américains), le fait que le général maréchal Wilhelm Keitel, chef de l’armée allemande, ait refusé  ce statut aux soldats russes, avait constitué un fait aggravant conduisant à sa peine de mort.

Voilà pourquoi,  le désaccord de Powell embarrasse la Maison Blanche qui demande à Alberto Gonzales d’affuter la couverture juridique. Le 25 janvier 2002, celui-ci adresse un nouveau mémorandum au président Bush où il suggère que pour se protéger de poursuites éventuelles, il suffit de dire que dans le cadre de la guerre contre le terrorisme les Conventions de Genève sont « obsolètes » et « bizarres » et qu’elles ne peuvent donc pas s’appliquer ;   si elles ne peuvent pas s’appliquer, alors on ne peut  pas les violer… Ce mémorandum sera entériné par un décret secret de  Bush, le 26 janvier 2002, où , pour la première fois, il parle de « unlawful combattants » (de « combattants illégaux ») , un concept nouveau qui permettra tous les abus.

Question: Dans le même temps, l’administration Bush a revu la définition de la torture?

Marie-Monique Robin Effectivement. La deuxième manoeuvre consiste à établir une nouvelle définition  de la torture. Capital, ce problème de définition avait déjà fait l’objet d’intenses débats, en 1994, lorsque le  sénat américain avait ratifié la  convention de l’ONU contre la torture de 1984.  Il avait finalement opéré une différence subtile entre ce qui peut être considéré comme relevant d’ un « interrogatoire coercitif et légal » et de la torture. Pour le sénat, celle-ci désignait une « souffrance ou peine physique et mentale grave » provoquant un «  dégât mental prolongé ».

Avec la “guerre contre le terrorisme”,  la frontière est largement déplacée. Dorénavant, pour qu’un acte puisse être considéré comme de la torture  il faut qu’il soit équivalent en intensité à la « douleur accompagnant une blessure physique grave, comme une défaillance organique, l’altération d’un fonction corporelle ou même la mort ». C’est ce qu’écrit John Yoo dans un mémorandum de l’OLC du 2 août 2002, surnommé le « Torture memo ». Ce texte servira à couvrir les agents de la CIA qui torturent des prisonniers en Afghanistan, Irak, à Guantanamo ou dans un centre de détention clandestin faisant partie du programme des « extraordinary renditions ». Ce programme secret  permet  l’enlèvement et la séquestration de suspects n’importe où dans le monde, pour les conduire dans des prisons cachées où ils peuvent être soumis à la torture, notamment dans des pays du Moyen Orient, comme l’Egypte et la Syrie, sous la houlette d’officiers américains.

Question: L’armée américaine a-t-elle pratiqué la torture?

Marie-Monique Robin. Très largement! Le 27 novembre 2002, Donald Rumsfeld signait une directive secrète,  (rédigée par son conseiller juridique William Haynes) intitulée « Counter – Resistance Techniques » où il autorise seize techniques d’interrogatoire  formellement interdites par le Army Field Manuel 34-52 (FM 34-52) qui constitue la bible du soldat américain. Parmi elles : le port de la cagoule, la mise à nu, l’usage de chiens («  utiliser les phobies individuelles des détenus – comme la peur des chiens – pour induire le stress »),  la privation de sommeil, les positions de stress, ou la technique du sous-marin (le “waterboarding”) considéré comme un acte de torture depuis l’Inquisition. La diffusion de ce document a suscité beaucoup de réserve, voire d’opposition, au sein des trois corps d’armée, très attachés aux Conventions de Genève et inquiets des conséquences que pourrait avoir pour les soldats américains cette banalisation de la torture. Et c’est  peut-être, la seule bonne nouvelle de mon enquête : le programme de torture qui accompagne la « guerre contre le terrorisme »  a été vivement critiqué à l’intérieur de l’administration  Bush et la plupart de mes interlocuteurs qui étaient pourtant des républicains de pur sucre continuent de le dénoncer en affirmant que ce fut une grave erreur qui a terni pour longtemps l’autorité morale des Etats Unis. Tous rappellent aussi qu’outre la dimension éthique, la torture est techniquement inefficace puisque les « aveux » qu’elle arrache sont inexploitables car « on peut faire dire n’importe quoi à n’importe qui sous la torture ». Certains, comme Larry Wilkerson, le chef de cabinet de Colin Powell, soulignent que la torture provoque la haine de ceux qui l’ont subie ou de leurs familles, et qu’elle engendre, à terme, de nouvelles recrues pour le terrorisme. La plupart, comme  le général Ricardo Sanchez, qui dirigea les forces de la coalition en Irak, regrettent qu’à ce jour aucun responsable de ce programme criminel n’ait été jugé.

Quelles conclusions tirez-vous de vos deux enquêtes ?

Marie-Monique Robin. La solution au problème du terrorisme ne peut pas être militaire, mais politique. Dans le cas de l’Algérie, si le gouvernement français avait su apprécier le Front de Libération Nationale pour ce qu’il était, à savoir un mouvement d’indépendance nationaliste tout à fait légitime, il aurait éviter sept ans d’une guerre très sale qui continue de hanter notre histoire. C’est la même chose pour les attentats terroristes du 11 septembre : si l’on veut éradiquer le fléau de l’islamisme radical, il faut s’interroger sur ses racines, et donc chercher une solution politique qui passe vraisemblablement par la Palestine et les structures politiques des pays arabes qui essaient aujourd’hui de s’émanciper de pouvoirs dictatoriaux. À chaque fois que l’on choisit la réponse militaire à un problème de terrorisme, on tombe systématiquement dans l’obsession du renseignement qui conduit tout aussi immanquablement à l’usage de la torture, en arguant que la fin justifie exceptionnellement les moyens. Ce faisant, non seulement on ne résoud pas le « problème », mais on alimente sa pérennité, tout en perdant son âme, car la torture finit par anéantir ceux qui la subissent mais aussi ceux qui la pratiquent.


[1] Marie-Monique Robin, Escadrons de la mort: l’école française, La Découverte, Paris, 2004, édition poche, 2006. Le documentaire a reçu le Prix du meilleur documentaire politique  (Laurier du Sénat), le Prix de l’investigation du FIGRA, le Prix du mérite de la Latin American Studies Association (LASA).  Ce film est disponible en DVD (Editions ARTE).

[2] Le film a reçu le Prix Olivier Quemener du FIGRA et le Prix spécial du jury au Festival des Libertés de Bruxelles. Ce film est disponible en DVD (Editions ARTE).

[3] Paul Aussaresses, Services spéciaux : Algérie 1955-1957, Editions Perrin, Paris, 2001.

Le rapport Barbier sur les pertubateurs endocriniens

C’est ce qu’on appelle une « bonne nouvelle » ! Le sénateur Gilbert Barbier – un chirurgien de Franche Comté et vice-président de la commission des affaires sociales du Sénat –  qui m’avait auditionnée le 7 juin dernier, vient de rendre son rapport intitulé  « Les perturbateurs endocriniens, le temps de la précaution ».

http://www.senat.fr/notice-rapport/2010/r10-765-notice.html

 

Cela fait plaisir de lire sous la plume d’un élu de la nation les mêmes conclusions que celles auxquelles je suis parvenue dans mon livre (et film) Notre poison quotidien qu’il cite d’ailleurs à plusieurs reprises. Quand il m’avait auditionnée, avec son assistant parlementaire, j’avais constaté qu’il avait soigneusement épluché mon ouvrage, abondamment surligné et marqué de stickers.

Agissant à la demande de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, le sénateur commence son rapport en ces termes :

« La question d’une recrudescence voire d’une « épidémie » de maladies environnementales est clairement posée aujourd’hui. Votre rapporteur s’intéressera à deux groupes principaux de pathologies : les cancers et les problèmes de fertilité. Il cherchera à en mesurer les causes ».

Concernant les cancers hormono-dépendants, il confirme ce que j’ai écrit dans mon livre (c’est le sénateur qui surligne) :

« Le cancer de la prostate est le cancer le plus fréquent chez l’homme. Il représente, en France, 25 % des nouveaux cas, soit 40 000 en 2000.En France, on constate une très forte augmentation de 5,3 % par an entre 1975 et 2000, soit une quasi multiplication par quatre de leur nombre (…)

Le cancer du sein est le plus fréquent chez la femme au niveau mondial (22 %). Il s’agit d’un cancer des pays développés puisque le rapport est de 1 à 5 entre les pays occidentaux et les pays d’Afrique et d’Asie à l’exception du Japon. Des phénomènes de rattrapage existent dans certains pays. En outre, des études ont pu montrer que l’incidence s’accroissait sur une à deux générations du fait d’un changement de mode de vie lié, par exemple, à une immigration aux États-Unis.

En France, le nombre de cancers du sein a plus que doublé depuis 1980, passant de 21 000 à près de 50 000. Il représente 36 % des nouveaux cancers féminins. En éliminant l’effet de l’âge, l’incidence a doublé en France passant de 56,8 à 101,5 pour 100 000, soit une hausse de 2,4 % par an. Le risque de développer un cancer du sein est passé de 4,9 % pour une femme née en 1910 à 12,1 % pour une femme née en 1950″.

Le sénateur Barbier note aussi que contrairement à la doxa industrielle, l’épidémie d’obésité qui frappe les nations riches et émergentes, n’est pas due exclusivement à la malbouffe et au manque d’exercice, mais à la pollution chimique, ainsi que me l’avaient expliqué plusieurs scientifiques que j’avais rencontrés lors du colloque sur les perturbateurs de la Nouvelle Orléans (chapitre 17 de mon livre) :

« Beaucoup d’autres maladies sont aujourd’hui considérées comme pouvant avoir une composante environnementale et seraient liées au mode de vie moderne à l’occidentale. Depuis le début des années 1980, les données relatives à la fréquence de l’obésité paraissent littéralement s’envoler. Usuellement inférieur à 10 % de la population sauf aux États-Unis, le phénomène paraît devoir toucher 20, 30 ou 40 % des habitants d’ici à 2030 au Brésil, en Australie, au Royaume-Uni et aux États-Unis. Cette évolution très rapide et générale exclut les explications génétiques et paraît induire une causalité environnementale.

Les perturbateurs endocriniens paraissent jouer un rôle tout particulier car leur effet a été démontré pour plusieurs substances : le Distilbène (DES-Diethystilbestrol) sur les rongeurs et constat chez les femmes traitées, le Tributylétain (TBT) sur les mousses et les mollusques, certains phtalates avec des effets différents chez l’homme et la souris par action sur le foie et les adipocytes. Le Bisphénol A semble lui aussi impliqué dans une possible propension à l’obésité. Dans une étude datant de 20091, des rates gestantes ont été exposées à 70 μg/kg/j de BPA du 6e jour après la fécondation jusqu’à la fin de la lactation. A la naissance le poids des petits était supérieur de 7,3 %. A la fin de l’allaitement, seules les femelles présentaient un surpoids de l’ordre de 12 %. Cet effet persiste à l’âge adulte et sur leur descendance. Ces tissus adipeux se révèlent aussi être de véritables pièges pour les polluants organiques persistants présents dans l’environnement. Ils favorisent leur concentration dans l’organisme et constituent une réserve de toxicité à long terme mais, en même temps, ils protègent les organes sensibles d’une exposition aigüe ».

Puis, Gilbert Barbier dresse un constat similaire au mien sur les effets dévastateurs des perturbateurs endocriniens sur le système de la reproduction notamment des sujets mâles : baisse de la quantité et de la qualité des spermes, malformations congénitales (cryptorchidie, hypospadias) , cancer des testicules, etc. (lire le chapitre 16 de mon livre).

Citant Rachel Carson, puis Theo Colborn – les deux grandes pionnières à qui j’ai consacré deux chapitres – , il souligne :

« Dans l’environnement, on dispose donc de preuves indiscutables que certaines substances agissent comme des perturbateurs endocriniens et ont de graves effets sur le système reproducteur ».

Il illustre son propos avec ce tableau fourni par Jean-Pierre Cravedi , chercheur à l’INRA :

De même, cette diapositive communiquée par Rémy Slama de l’INSERM enfonce le clou :

Une longue partie du rapport sénatorial est consacrée à la genèse  du concept de perturbateurs endocriniens, ainsi que je l’ai longuement fait dans mon livre . Il remonte ainsi à la découverte fortuite  faite par Ana Soto et Carlos Sonnenschein un jour de 1987 en citant mon ouvrage  :

« Les données scientifiques collectées ces quarante dernières années montrant l’effet délétère de certaines substances chimiques a conduit à la création d’un nouveau concept scientifique fondé sur la description d’un mécanisme d’action : les perturbateurs endocriniens.

Ces résultats ont d’ores et déjà conduit à l’interdiction de nombreuses substances d’usage agricole, alimentaire ou industriel ou de certains usages pour protéger des publics cibles.

Aujourd’hui l’interrogation des scientifiques et du public s’est élargie à de nouvelles substances en se fondant sur un nombre croissant de publications.

Les décideurs publics doivent apporter une réponse. Il convient de définir quelle action entreprendre pour gérer ce risque nouveau. »

Puis, le sénateur s’interroge sur la nécessité d’une « révolution toxicologique », en retraçant l’histoire de la Dose Journalière Acceptable( DJA) , une interrogation qui constitue le cœur de mon enquête (chapitres 12 et 13) :

« Dans le véritable puzzle que sont les effets sur la santé des perturbateurs endocriniens sur la santé, on voit donc d’un côté des preuves de nocivité grave de certains produits, d’un autre côté une série de substance ayant ou susceptibles d’avoir des effets par des mécanismes extrêmement variés.

Dès lors se pose la question de savoir si ces substances et ces mécanismes sont bien pris en compte par la toxicologie « classique » qui fonde les réglementations en vigueur pour la protection des professionnels et des consommateurs ou si, au contraire, ils viennent bouleverser le champ traditionnel des savoirs et obligent à une remise en cause approfondie. »

Tout naturellement, Gilbert Barbier évoque longuement les problèmes des faibles doses et de l’effet cocktail qui nécessitent un « changement de paradigme » dans la conception toxicologique et la réglementation des produits chimiques.

C’est d’autant plus urgent que l’eau du robinet est contaminée par nombre de perturbateurs endocriniens (comme l’atrazine, l’herbicide de Syngenta auquel j’ai consacré un chapitre, mais aussi le glyphosate qui est la matière active du roundup de Monsanto) présents à des doses qui sont traditionnellement considérées comme « inoffensives », alors que les études scientifiques prouvent au contraire qu’elles peuvent être très dangereuses notamment pour les organismes en développement :

Si la lecture du rapport m’a remplie d’aise, tant j’étais heureuse de constater que les élus de ce pays allaient enfin prendre la mesure de l’urgence dans laquelle nous sommes, en revanche, les solutions préconisées par le sénateur Barbier me laissent perplexes .

Lisez plutôt :

C’est ce que j’appelle une « demi mesure » ou, pour être plus triviale, une « mesure de poule mouillée…

Lors de mon audition, j’avais fait remarquer que l’étiquetage mettant en garde les femmes enceintes contre des produits hautement toxiques pour leurs bébés, était une « mauvaise mesure » car celle-ci instituait une discrimination dans la protection. En effet, nombreuses sont les femmes en France qui savent à peine lire, ou qui du moins ne prennent pas la peine de lire les étiquettes, car leur seule et unique préoccupation est de nourrir leurs familles au moindre coût. Avec l’étiquetage des produits contenant des perturbateurs endocriniens on s’oriente inéluctablement vers la mise en place de deux filières : celle de produits « safe », sans produits chimiques toxiques, destinée à ceux et celles qui en ont les moyens et qui sont informés, et une autre concernant des produits au rabais destinée aux classes défavorisées.

J’estime que le devoir des élus est de prendre des mesures qui protègent toute la population, et que maintenir sur le marché des substances qui ont tous les effets terribles décrits dans le rapport est tout simplement irresponsable. À moins que l’objectif de cette « manœuvre » soit de laisser le temps aux industriels de s’organiser pour trouver des substances de substitution, applicables à tous. Mais que les élus le sachent : attendre c’est aussi courir le risque de devoir rendre des comptes, en creusant davantage la méfiance qui prévaut actuellement entre les citoyens et leurs représentants.

La bactérie E Coli bien connue des élevages intensifs

Je m’étais abstenue d’intervenir dans l’affaire de la bactérie E Coli, attendant de connaître les résultats de l’enquête, mais devant la mauvaise foi des commentaires que je lis sur ce Blog, j’ai décidé de sortir de mon silence (prudent). Comme le rappelle cet article du New York Times, qui est, comme chacun sait, un journal activiste radical (!!), la bactérie E Coli est surtout connue pour proliférer dans les élevages intensifson use et abuse d’antibiotiques.

http://www.nytimes.com/2011/06/12/opinion/12kristof.html?_r=2&hp

Dans cet article récent, Nicholas Kristof rappelle que chaque année 325 000 personnes sont hospitalisées aux Etats Unis, en raison d’une maladie liée à l’alimentation et que 5000 en meurent.  « La nourriture tue une personne toutes les deux heures« , note l’éditorialiste qui souligne le rôle joué par les bactéries, comme E Coli, qui habitent les intestins des animaux et que l’usage délirant d’antibiotiques dans les élevages intensifs a rendu résistantes aux antibiotiques.

Jugez en vous mêmes: d’après un rapport récent de la Food and Drug Administration, 80% des antibiotiques utilisés aux Etats Unis sont administrés bien souvent à titre préventif, aux pauvres poules et cochons , maltraités dans les « élevages hors sols », tandis que le seul Etat de Nord Caroline utilise à lui tout seul autant d’antibiotiques pour ses animaux martyrs que les Etats Unis pour sa population!

Le journaliste explique aussi que l’un des pathogènes les plus virulents générés dans les « usines à viande » est le MRSA (en français le Staphylococcus aureus résistant à la méticilline (SARM), qui prolifère dans les élevages de porcs intensifs.

Il tue plus d’Américains que le sida!

http://www.globalresearch.ca/index.php?context=va&aid=8307

D’après une étude publiée dans Applied and Environmental Microbiology, 70% des porcs industriels en sont affectés.

http://aem.asm.org/cgi/content/abstract/77/2/696

D’après une autre étude, 45% des ouvriers agricoles qui travaillent dans les usines à porc sont porteurs du SARM.

http://www.plosone.org/article/info:doi/10.1371/journal.pone.0004258

Nombreux sont aux Etats Unis, les hommes, femmes et enfants qui meurent, après avoir mangé un hamburger contaminé par les bactéries tueuses des élevages intensifs. L’une des histoires  qui avait attiré l’attention sur ce drame terrible concernait le petit Kevin Kowalcyl, décédé à trois ans, les « intestins rongés par la gangrène », après un barbecue estival fatal.

Et comme le note l’éditorialiste du New York Times :

« les végétariens ne sont pas à l’abri. La bactérie E Coli provient des animaux, mais elle peut se répandre dans l’eau utilisée pour arroser les légumes en les contaminant. »

Ce qui est sûr en tout cas c’est que l’ E coli qui a tué des Allemands s’est apparemment retrouvée sur des pousses de soja cultivé sur une ferme bio, mais que son origine remonte à des animaux. Quels animaux? Quels furent les mécanismes de transfert qui ont permis à  la bactérie  de passer des animaux aux pousses de soja? La retrouve-t-on dans les nappes phréatiques proches de la ferme incriminée?

Il est curieux que personne ne se soit intéressé à ces questions…

Photos: les joies de l’élevage intensif qui favorise la prolifération de bactéries ultra-résistantes.

Les propos incohérents de Jean-François Narbonne (4)

Ca bouge sur le front de l’aspartame et tout ce que j’ai révélé dans mon film et livre Notre poison quotidien est aujourd’hui confirmé par les démarches de Corinne Lepage (voir sur ce Blog), au niveau européen, et du député Gérard Bapt et du Réseau Environnement santé (RES) au niveau français :

http://www.rue89.com/dessous-assiette/2011/06/27/etudes-bidon-conflits-dinterets-laspartame-dans-de-sales-draps-211122

Autant dire que le professeur Jean-François Narbonne est, comme on dit, totalement à côté de la plaque, dans l’interview qu’il a donnée au journaliste, lobbyste de l’industrie des pesticides, Gil Rivière-Weckstein. Voici la suite de ce que toxicologue a déclaré :

Dans le dossier de l’aspartame, il y a des incohérences visibles dans le reportage. La journaliste va interroger les instances de la Food and Drug Administration (FDA) aux USA sur les observations très nombreuses portant sur les effets neurologiques de l’aspartame chez l’homme, ce qui constitue le coeur du dossier. Or, elle déplace la polémique sur les effets cancérigènes chez l’animal rapportés par le Dr Morando Soffritti en se servant de l’avis de l’Efsa, qui synthétise les critiques des experts européens et donne une vue générale sur les relations entre l’aspartame et la cancérogenèse. Au sujet de cet avis, elle interroge un fonctionnaire de l’Efsa, Hugues Kenigswald, qui est coordonnateur de l’unité sur les additifs. Il déclare que l’Efsa a rejeté les conclusions du Dr Soffritti au motif que les rats âgés présentaient des inflammations pulmonaires pouvant être la cause des cancers pulmonaires. Cet argument a été très facilement rejeté – et avec raison – par le Dr Soffritti, qui explique qu’il y a eu autant d’inflammations chez les rats nourris à l’aspartame que chez les rats témoins. Ce qui permet à Marie-Monique Robin de démontrer l’incompétence de l’Efsa. Sauf que la critique principale portant sur la première étude de Morando Soffritti ne concerne pas ce problème d’inflammation pulmonaire. En effet, les experts européens avaient noté que l’augmentation des cancers n’était significative que chez les femelles, et que les témoins femelles (qui n’avaient pas reçu d’aspartame) présentaient deux fois moins de cancers que ce qui est constaté d’ordinaire sur les femelles appartenant à cette souche particulière. En fait, il n’y avait pas augmentation des cancers chez les femelles ayant reçu de l’aspartame, mais diminution des cancers « spontanés » chez les femelles témoins.

La question des inflammations pulmonaires des rats en fin de vie relève d’un autre problème : celui du protocole particulier utilisé par l’équipe de Soffritti, qui expose les rats jusqu’à leur mort naturelle, ce qui sort du cadre des normes OCDE. En effet, ces inflammations font partie des altérations physiopathologiques dues à la vieillesse et peuvent toucher aussi bien les témoins que les traités. Elles constituent l’une des raisons pour lesquelles le protocole officiel arrête les études de cancérogenèse après un maximum de 24 mois d’exposition et n’attend pas la mort des animaux d’expérience, contrairement à ce qu’a fait l’équipe de Soffritti. De plus, le rapport de l’Efsa fait le point sur l’ensemble des études de cancérogenèse effectuées avec l’aspartame. Contrairement à ce qui est ressassé au cours du reportage, les études sur l’aspartame ont été répétées depuis les années soixante-dix. En particulier, des études de cancérogenèse ont été effectuées avec des souris transgéniques dans le cadre du NTP (National Toxicology Program aux USA) en 2004. Elles se sont révélées négatives. Vous avez là un exemple particulièrement éclairant de présentation erronée de la journaliste.

Pauvre Jean-François Narbonne ! Il est vraiment dommage qu’il n’ait pas lu mon livre , ce qui eût constitué d’ailleurs une preuve de son honnêteté intellectuelle, ce qui n’est malheureusement pas le cas. Mais il est vrai qu’il est mandaté par l’industrie chimique pour tenter de discréditer mon enquête, quitte à perdre le soutien et l’admiration de nombreuses personnes un peu partout en France, qui m’ont manifesté leur déception de voir le toxicologue « changer de camp avec armes et bagages ».

Dans mes deux chapitres sur l’aspartame, je décortique soigneusement les « pauvres arguments » de Narbonne qui s’est contenté de ressasser la propagande des fabricants d’aspartame , relayée par l’Agence européenne de sécurité des aliments, pour rejeter les études de l’Institut Ramazzini de Bologne (Italie). Et contrairement à ce qu’affirme le professeur Narbonne, la principale raison pour laquelle l’EFSA a refusé de prendre en compte la première étude de l’Institut Ramazzini est bien le fait que les rats souffraient d’inflammations pulmonaires. J’invite les lecteurs a vérifier eux-mêmes dans l’avis de l’EFSA publié en 2006, dont le contenu a été réitéré dans l’avis de 2009 :

The majority of the lymphomas and leukemias observed appeared to have developed in

rats suffering from inflammatory changes in the lungs, which is characteristic for chronic

respiratory disease. In accordance with the previous view of the AFC Panel, these changes were not considered to be related to the treatment with aspartame.

Concernant les deux autres arguments de Narbonne – à savoir la durée des études conduites par l’Institut Ramazzini qui étudie les animaux de laboratoire jusqu’à leur mort naturelle , et l’étude conduite sur des souris transgéniques dans le cadre du National Toxicology Program,  pas de chance non plus ! Il se trouve que j’ai interviewé James Huff, le  directeur adjoint du département de la cancérogenèse chimique au National Institute of Environmental Health Sciences (NIEHS) avec qui je me suis longuement entretenue de ces deux points !

Voici ce que j’écris dans mon livre :

EXTRAIT

Associé à la création du National Toxicology Program, James Huff fut en effet l’un des premiers à mettre au point un protocole de recherche pour ce qu’on appelle les « bioessais », c’est-à-dire des études expérimentales destinées à tester les effets cancérigènes des produits chimiques sur les rongeurs, suivis jusqu’à leur mort naturelle. C’est ainsi qu’il montra, en 1979, alors que la bataille sur le benzène était à son paroxysme, que cette molécule induisait des cancers dits « multisites », c’est-à-dire sur plusieurs organes des souris et rats exposés[i].

L’Institut Ramazzini, « maison de ceux qui ont consacré leur vie à la recherche de la vérité »

« Cela fait vingt ans que je bataille pour que le National Toxicology Program (NTP) conduise une étude sur l’aspartame, m’a expliqué en 2009 James Huff, le directeur adjoint du département de la cancérogenèse chimique au National Institute of Environmental Health Sciences (NIEHS), un énorme complexe posé en pleine forêt dans le Research Triangle Park (RTP), en Caroline du Nord. Créé en 1959 et s’étendant sur 2 200 hectares, le RTP est « le plus grand parc de recherche de la nation », ainsi que l’affirme son site Web, avec quelque 50 000 salariés travaillant dans cent soixante-dix centres de recherche, publics ou privés, dont l’un des plus importants est le NIEHS.

Connu dans le monde entier, grâce à son magazine Environmental Health Perspectives, l’Institut est une référence incontournable dans le domaine de la santé environnementale. C’est lui qui supervise le National Toxicology Program, dont la mission est d’évaluer la toxicité des agents chimiques en développant des outils mis à la disposition des agences gouvernementales comme la Food and Drug Administration (FDA), chargée de la sécurité des aliments et des médicaments, ou l’Agence de protection de l’environnement (EPA), qui s’occupe notamment de la réglementation des pesticides.

«  Malheureusement, la FDA s’est toujours opposée à ce que le National Toxicology Program évalue le potentiel cancérigène de l’aspartame, en faisant jouer son droit de veto[1], m’a commenté James Huff.

– Comment l’expliquez-vous ?

– Je pense que l’agence craignait que nous prouvions que l’édulcorant est cancérigène[ii] », m’a répondu le scientifique en me renvoyant à un article de novembre 1996, qui faisait suite à la publication de l’étude de John Olney sur l’augmentation des tumeurs cérébrales. Y témoignait James Huff, ainsi que David Rall, l’ancien directeur du NIEHS, qui supervisa le NTP pendant dix-neuf ans (jusqu’à son départ à la retraite en 1990) : « C’est une manière efficace d’assurer que l’aspartame ne sera pas testé, déclarait ce dernier. On empêche les chercheurs de le tester, puis on dit qu’il est sûr[iii]. »

« J’ai lu, pourtant, que le NTP avait publié les résultats d’une étude sur l’aspartame en 2005[iv], ai-je poursuivi.

– C’est vrai, a reconnu James Huff, mais j’étais opposé à cette étude ainsi que plusieurs collègues du NIEHS. Elle a été menée sur des souris transgéniques à qui on a inséré un gène qui les rend plus susceptibles au cancer. C’est un nouveau modèle expérimental qui ne présente aucun intérêt pour les produits chimiques non génotoxiques. Or, l’aspartame n’est pas génotoxique, c’est-à-dire qu’il ne produit pas de mutations[2]. Le résultat de cette étude, qui a coûté beaucoup d’argent pour rien, fut bien sûr négatif et elle a fait le bonheur de l’industrie[3]… J’étais écœuré, c’est pourquoi j’ai participé activement à la conception des études conduites par l’Institut Ramazzini qui, elles, ont confirmé les pouvoirs cancérigènes de l’aspartame. Ce sont pour moi les meilleures études jamais réalisées sur cette substance. »

Créé en 1987, en hommage au « père de la médecine du travail » (voir supra, chapitre 7), l’Institut Ramazzini est l’œuvre du cancérologue italien Cesare Maltoni, dont les travaux sur le chlorure de vinyle avaient semé la panique chez les fabricants de plastique européens et américains (voir supra, chapitre 11). Installé dans le magnifique château renaissance de Bentivoglio, à une trentaine de kilomètres de Bologne, le centre de cancérologie environnementale définit ses programmes de recherche en collaboration avec le Collège Ramazzini, qui compte cent quatre-vingts scientifiques issus de trente-deux pays. Parmi eux, quelques-uns des scientifiques que nous avons croisés dans ce livre, comme James Huff, Devra Davis, Peter Infante, Vincent Cogliano, Aaron Blair ou Lennart Hardell, Une fois par an, cette assemblée exceptionnelle se réunit à Carpi, le « lieu de naissance du maître » Bernardo Ramazzini. Dans un article publié en 2000, qui constitue une véritable profession de foi, mais aussi son testament, Cesare Maltoni (décédé en 2001) a décrit ce qui fait l’originalité de ce collège académique à nul autre pareil. « Notre époque est caractérisée par l’énorme expansion et la suprématie de l’industrie et du commerce, au détriment de la culture (dont fait partie la science) et de l’humanisme, écrit-il. L’objectif premier et bien souvent unique de l’industrie et du commerce est le profit. La stratégie de l’industrie et du commerce pour atteindre leurs objectifs – dussent-ils entrer en conflit avec la culture et l’humanisme – a été marquée par la création d’une culture alternative pseudoscientifique, dont le but principal est de polluer délibérément la vérité, en opposant la culture et la science et en étouffant la voix des humanistes[v]. » C’est pourquoi, poursuit Cesare Maltoni, la raison d’être[4] du Collège Ramazzini, c’est d’« être la maison de ceux qui ont consacré leur vie à la recherche de la vérité et d’être solidaire avec ceux qui sont attaqués et humiliés parce qu’ils poursuivent la vérité ».

Depuis sa création, l’Institut a testé quelque deux cents polluants chimiques, comme le benzène, le chlorure de vinyle, le formaldéhyde et de nombreux pesticides. Ses études ont souvent contribué à une baisse des normes d’exposition en vigueur, car leurs résultats sont inattaquables. D’abord, contrairement à la grande majorité des études industrielles, celles de l’Institut sont conduites sur des méga-cohortes, comprenant plusieurs milliers de cobayes, ce qui bien sûr renforce leur pouvoir statistique[vi]. Lors de ma visite, le 2 février 2010, j’avais été impressionnée par l’étendue du laboratoire, qui couvre 10 000 mètres carrés. D’énormes installations circulaires abritaient alors 9 000 rats soumis à différents niveaux d’ondes électromagnétiques pour une expérience que le docteur Morando Soffritti, qui a succédé à Cesare Maltoni, m’avait présentée comme « top secret », avec un large sourire entendu. « La deuxième caractéristique de notre Institut, m’avait-il expliqué, c’est que, contrairement aux recommandations du guide des “bonnes pratiques de laboratoire”, nos études expérimentales ne durent pas deux ans, mais nous laissons vivre nos animaux jusqu’à leur mort naturelle. En effet, 80 % des tumeurs malignes détectées chez les humains le sont après l’âge de 60-65 ans. Il est donc aberrant de sacrifier les animaux expérimentaux à la cent quatrième semaine, ce qui, rapporté à l’espèce humaine, correspond à l’âge de la retraite où la fréquence d’apparition des cancers ou des maladies neurodégénératives est la plus élevée[vii]. »

« C’est la principale force des études de l’Institut Ramazzini, m’a confirmé James Huff. Quand on interrompt arbitrairement une étude au bout de deux ans, on risque de passer à côté des effets cancérigènes d’une substance. Et plusieurs exemples le prouvent. Le cadmium est un métal largement utilisé, notamment pour la fabrication de PVC ou d’engrais chimiques, qui a été classé dans le groupe 1 (« cancérigène pour les humains ») par le CIRC. Pourtant, les études expérimentales de deux ans ne montraient aucun effet. Jusqu’au jour où un chercheur a décidé de laisser mourir les rats naturellement : il a constaté que 75 % développaient un cancer du poumon dans le dernier quart de leur vie. De même, le NTP a étudié le toluène et n’a trouvé aucun effet au bout de vingt-quatre mois. En revanche, l’Institut Ramazzini a vu plusieurs cancers apparaître à partir du vingt-huitième mois. Le protocole des études de l’Institut Ramazzini devrait être repris par tous les chercheurs, car l’enjeu est important : on se glorifie toujours de l’allongement de l’espérance de vie, mais à quoi bon vivre dix ou quinze ans plus vieux, si c’est pour vivre sa retraite, accablé par toutes sortes de maladies qui seraient évitables si on contrôlait mieux l’exposition aux produits chimiques ? C’est pourquoi les deux études de l’Institut Ramazzini sur l’aspartame sont très inquiétantes… »

« L’aspartame est un agent cancérigène multisite puissant »

Plus inquiétant encore est le rejet de ces deux études par l’EFSA et la FDA et, dans la foulée, par toutes les agences réglementaires nationales (dont, bien sûr, l’ANSES française). Et je dois dire que j’ai beau tourner leurs arguments dans tous les sens, ils ne parviennent pas à me convaincre…

Publiée en 2006, la première étude portait sur 1 800 rats, qui ont ingéré des doses journalières d’aspartame comprises entre 20 mg/kg et 100 mg/kg, depuis l’âge de huit semaines jusqu’à leur mort naturelle. Résultat : une augmentation significative, corrélée à la dose, des lymphomes, leucémies et tumeurs rénales chez les femelles, et des schwannomes (tumeurs des nerfs crâniens) chez les mâles. « Si nous avions tronqué l’expérience en l’arrêtant à deux ans, nous n’aurions sans doute pas pu montrer le potentiel cancérigène de l’aspartame, écrivent les auteurs dans leur publication. Les résultats de cette méga-étude indiquent que l’aspartame est un agent cancérigène multisite puissant, y compris à la dose journalière de 20 mg/kg, qui est bien inférieure à la DJA[viii]. »

Curieusement, alors qu’elle se contente en général fort bien des résumés de données que lui envoient les fabricants, la FDA a, dans ce cas précis, beaucoup insisté pour obtenir l’ensemble des données brutes de l’étude. C’est en tout cas l’argument officiel qu’elle n’a cessé de brandir, à l’instar de David Hattan, le toxicologue de la FDA qui suit le dossier de l’aspartame depuis plus de trente ans,  qui me l’a resservi sans sourciller : « Nous n’avons pu examiner qu’une petite partie des données brutes, m’a-t-il expliqué avec une moue navrée, et il nous a semblé que les changements observés étaient sporadiques et somme toute habituels dans ce genre d’expérimentation. Malheureusement, nous n’avons pas pu obtenir toutes les données, car l’Institut Ramazzini nous a dit que le règlement interne lui interdisait de les partager avec des tierces parties. »

« Pourquoi avez-vous refusé de communiquer les données brutes de l’étude ?, ai-je demandé à Morando Soffritti, le directeur scientifique de l’Institut Ramazzini.

– Je suis surpris que la FDA ait pu vous dire cela, m’a-t-il répondu, avec son indéfectible sourire en coin. Nous sommes entrés en contact avec la FDA dès 2005 et nous lui avons envoyé toutes les données en notre possession. »

Dans l’avis qu’elle a publié, le 20 avril 2007, l’agence américaine affirme, en tout cas, que « les données de l’étude ne permettent pas de conclure que l’aspartame est cancérigène[ix] ». Un an plus tôt, l’EFSA avait rendu un avis similaire, après une longue introduction où elle ne manquait pas de s’appuyer sur la « boîte noire » si laborieusement construite : « L’aspartame a notamment été l’objet de quatre études de cancérogénicité conduites sur des animaux pendant les années 1970 et au tout début des années 1980. Ces études, avec d’autres sur la génotoxicité, ont été évaluées par les agences réglementaires du monde et toutes ont conclu que l’aspartame n’avait pas de potentiel génotoxique ou cancérigène[x]. » Puis, l’Autorité européenne en vient à l’étude de l’Institut Ramazzini, qui comprend des « déficiences remettant en question la validité des résultats. […] L’explication la plus plausible des résultats de l’étude concernant les lymphomes et leucémies, c’est que ceux-ci sont dus à une maladie respiratoire chronique dont souffrait la colonie. […] En résumé, il n’y a pas de raisons de revoir la DJA de 40 mg/kg établie précédemment. »

– Alors, d’abord que ce soit bien clair : cette étude n’a absolument pas été rejetée, au contraire, elle a été étudiée (sic) avec le plus grand soin. Par contre, ce qui est très clair, c’est qu’il y a un certain nombre, pour ne pas dire un nombre certain, d’insuffisances méthodologiques qui ont été relevées dans cette étude…

– Par exemple ?

– En particulier, le fait que certains rats présentaient des pathologies respiratoires…

– Quel est le rapport entre le fait d’avoir une maladie respiratoire et un lymphome ou une leucémie ?

– La maladie respiratoire fait que ça provoque… est à l’origine de tumeurs et peut donc complètement brouiller les pistes ; c’est exactement ce qui s’est passé dans cette étude. »

L’argument de l’EFSA a (de nouveau) fait sourire Morando Soffritti qui, bien calé dans son fauteuil, a répliqué : « Nous ne sommes pas d’accord, pour une série de raisons. Premièrement, parce que les processus inflammatoires que nous observons dans nos animaux dépendent très souvent du fait que nous les laissons mourir naturellement sans interrompre leur vie de façon arbitraire. Et comme il arrive pour l’homme, dans la dernière phase de la vie, les complications pulmonaires et rénales sont très courantes. De plus, il n’a jamais été démontré que les infections pulmonaires ou rénales, qui apparaissent en fin de vie, soient capables de produire des tumeurs en si peu de temps.

– Est-ce que les rats du groupe contrôle avaient le même problème inflammatoire ?

– Bien sûr, nous l’avons observé à la fois dans les groupes traités et dans le groupe contrôle. La seule différence entre les deux groupes était que les groupes expérimentaux avaient ingéré de l’aspartame et que le groupe contrôle n’en avait pas ingéré. »

En 2007, l’équipe du docteur Soffritti a publié une seconde étude, encore plus inquiétante que la première. Cette fois-ci, quatre cents rates en gestation ont été exposées à des doses journalières d’aspartame de 20 mg/kg et de 100 mg/kg et leurs descendants ont été suivis jusqu’à leur mort. « Nous avons constaté que quand l’exposition commence pendant la vie fœtale, le risque d’avoir les tumeurs observées lors de la première étude augmente de manière très significative, a commenté Morando Soffritti. S’y ajoute l’apparition de tumeurs mammaires chez les descendantes femelles. Nous estimons que ces résultats devraient conduire les agences réglementaires à agir au plus vite, car les femmes enceintes et les enfants sont les plus grands consommateurs d’aspartame. » Dans leur publication, Morando Soffritti et ses collègues soulignent que, « à leur demande, nous avons fourni aux agences réglementaires toutes les données brutes de l’étude[xi] ».

Pourtant, David Hattan m’a soutenu le contraire : « Nous n’avons pas examiné la seconde étude de l’Institut Ramazzini, car malheureusement nous n’avons pas pu trouver un accord pour obtenir les données brutes », a affirmé le toxicologue de la FDA.

« Ce n’est pas vrai, a rétorqué le docteur Morando Soffritti., depuis son laboratoire de Bentivoglio.

– Vous prétendez que David Hattan ment ?, ai-je insisté.

– On peut dire qu’il ment. »

« Pourquoi avez-vous rejeté cette étude ?, ai-je insisté auprès d’Hugues Kenigswald, le chef de l’Unité des additifs alimentaires de l’EFSA (que nous avons déjà rencontré au cours du chapitre 14).

Dans l’avis qu’elle a rendu le 19 mars 2009, l’EFSA souligne aussi que « les données brutes de l’étude n’ont pas été fournies par les auteurs », ce que dément avec vigueur le directeur de l’Institut Ramazzini. Puis, l’Autorité européenne écarte de nouveau les leucémies et lymphomes constatés, qu’elle s’entête à considérer comme « caractéristiques d’une maladie respiratoire chronique » (décidément !), avant de se lancer dans une explication qui a carrément fait bondir les Américains James Huff et Peter Infante tant elle leur semblait « scabreuse et peu scientifique » : « L’augmentation de l’incidence des carcinomes mammaires n’est pas considérée comme étant indicative d’un potentiel cancérogène de l’aspartame, car l’incidence des tumeurs mammaires chez les rats femelles est relativement élevée et varie considérablement d’une étude de carcinogénicité à l’autre, écrivent les experts de l’EFSA. Le groupe scientifique a constaté qu’aucune augmentation de l’incidence des carcinomes mammaires n’a été signalée dans la précédente étude menée sur l’aspartame, dans laquelle des doses du produit beaucoup plus élevées ont été utilisées[xii]. »

« C’est incroyable que des experts puissent écrire cela, s’est étonné James Huff . On dirait qu’ils n’ont pas compris que l’originalité de l’étude, c’est de commencer l’exposition in utero. Ce qui est inquiétant, c’est précisément que les descendantes ont développé des tumeurs mammaires que les rates adultes n’avaient pas développées dans la première étude. On observe exactement le même phénomène avec les perturbateurs endocriniens : ce sont les filles exposées pendant la vie fœtale qui ont des cancers mammaires, mais pas leurs mères ! »

De fait, l’argument de l’EFSA a de quoi surprendre, mais c’est pourtant le seul qu’a évoqué Hugues Kenigswald pour justifier la décision d’ignorer les résultats de l’étude italienne : « Les tumeurs mammaires qui sont décrites dans la deuxième étude n’apparaissaient pas dans la première étude, m’a-t-il expliqué, en jetant des regards vers les deux fonctionnaires européens assis dans mon dos. Donc, les résultats des deux études sont incohérents. »

« Comment expliquez-vous cet argument de l’EFSA ? », ai-je demandé à Morando Soffritti, qui, manifestement, a cherché ses mots avant de me répondre : « Les évaluations faites par les experts des différentes agences sont souvent hâtives et pas toujours réfléchies, a-t-il lâché. S’ils avaient pris le temps de mesurer ce que peut impliquer une exposition commencée pendant la vie fœtale, peut-être n’auraient-ils pas émis un jugement aussi trivial d’un point de vue scientifique… »

En attendant, la décision européenne a fait le bonheur de l’Association internationale des édulcorants (ISA) qui, dans un communiqué d’avril 2009, s’est « félicitée de l’avis scientifique publié par l’EFSA qui reconfirme le précédent avis publié en mai 2006 sur la sécurité et l’innocuité de l’édulcorant aspartame, rejetant les affirmations de l’institut Ramazzini, en Italie, selon lesquelles l’aspartame serait dangereux pour la santé. Ces conclusions de l’EFSA sont entièrement compatibles avec le consensus scientifique mondial, etc.[xiii] ».

FIN DE L’EXTRAIT


[1]Le National Toxicology Program est placé sous la direction du NIEHS, mais ses sujets de recherche sont décidés par un comité exécutif, qui comprend des représentants de toutes les agences réglementaires américaines, comme l’OSHA, l’EPA ou la FDA.

[2] On considère qu’il y a deux types d’agents cancérigènes : les génotoxiques, qui agissent directement sur les gènes en initiant la première étape du processus de cancérisation par mutations géniques ; et les non génotoxiques, qui n’agissent pas directement sur les gènes, mais participent au processus de cancérogenèse (stade de promotion ou de progression) en favorisant la prolifération des cellules mutées ou « initiées » (voir la fiche « Cancers professionnels », sur le site <www.cancer-environnement.fr>).

[3] De fait, l’étude du NTP était accompagnée de cette remarque : « Étant donné qu’il s’agit d’un nouveau modèle, il y a une incertitude quant à sa sensibilité et sa capacité à détecter un effet cancérigène. »

[4] En français dans le texte.


[i] James Huff et alii, « Multiple-site carcinogenicity of benzene in Fischer 344 rats and B6C3F1 mice », Environmental Health Perspectives, 1989, vol. 82, p. 125-163 ; James Huff, « National Toxicology Program. NTP toxicology and carcinogenesis studies of benzene (CAS n° 71-43-2) in F344/N rats and B6C3F1 mice (gavage studies) », National Toxicology Program, Technical Report Series, vol. 289, 1986, p. 1-277.

[ii] Entretien de l’auteure avec James Huff, Research Triangle Park, 27 octobre 2009.

[iii] Cité par Greg Gordon, « FDA resisted proposals to test aspartame for years », Star Tribune, 22 novembre 1996.

[iv] National Toxicology Program, Toxicology Studies of Aspartame (CAS No. 22839-47-0) in Genetically Modified (FVB Tg.AC Hemizygous) and B6.129-Cdkn2atm1Rdp (N2) deficient Mice and Carcinogenicity Studies of Aspartame in Genetically Modified [B6.129-Trp53tm1Brd (N5) Haploinsufficient] Mice (Feed Studies), octobre 2005.

[v] Cesare Maltoni, « The Collegium Ramazzini and the primacy of scientific truth », European Journal of Oncology, vol. 5, suppl. 2, 2000, p. 151-152.

[vi] Morandi Soffritti, Cesar Maltoni et alii, « Mega-experiments to identify and assess diffuse carcinogenic risks », Annals of the New York Academy of Sciences, vol. 895, décembre 1999, p. 34-55.

[vii] Voir Morando Soffritti, Cesare Maltoni et alii, « History and major projects, life-span carcinogenicity bioassay design, chemicals studied, and results », Annals of the New York Academy of Sciences, vol. 982, 2002, p. 26-45 ; Cesare Maltoni et Morando Soffritti, « The scientific and methodological bases of experimental studies for detecting and quantifying carcinogenic risks », Annals of the New York Academy of Sciences, vol. 895, 1999, p. 10-26.

[viii] Morando Soffritti et alii, « First experimental demonstration of the multipotential carcinogenic effects of aspartame administered in the feed to Sprague-Dawley rats », Environmental Health Perspectives, vol. 114, n° 3, mars 2006, p. 379-385 ; Fiorella Belpoggi, Morando Soffritti et alii, « Results of long-term carcinogenicity bioassay on Sprague-Dawley rats exposed to Aspartame administered in feed », Annals New York Academy of Sciences, vol. 1076, 2006, p. 559-577.

[ix] Center for Food Safety and Applied Nutrition, « FDA Statement on European Aspartame Study », 20 avril 2007.

[x] « Opinion of the scientific panel on food additives, flavourings, processing aids and materials in contact with food (AFC) related to a new long-term carcinogenicity study on aspartame », EFSA-Q-2005-122, 3 mai 2006.

[xi] Morando Soffritti et alii, « Life-Span exposure to low doses of aspartame beginning during prenatal life increases cancer effects in rats », Environmental Health Perspectives, vol. 115, 2007, p. 1293-1297.

[xii] « Mise à jour de l’avis formulé à la demande de la Commission européenne sur la seconde étude de carcinogénicité de l’ERF menée sur l’aspartame, tenant compte de données de l’étude soumises par la Fondation Ramazzini en février 2009 », EFSA-Q-2009-00474, 19 mars 2009. C’est moi qui souligne.

[xiii] « Brèves et dépêches technologies et sécurité », 23 avril 2009. Ce n’est pas moi qui souligne. Au moment où j’écris ces lignes, j’apprends que l’Institut Ramazzini a publié une nouvelle étude conduite sur des souris gravides, qui montre que l’aspartame induit des cancers du foie et du poumon chez les mâles (Morando Soffritti et alii, « Aspartame administered in feed, beginning prenatally through life-span, induces cancers of the liver and lung in male Swiss mice », American Journal of Industrial Medicine, vol. 53, n° 12, décembre 2010, p. 1197-1206).

Photos de Marc Duployer

James Huff assistant sur le tournage au NIEHS!

– Le NIEHS

– Interview de Linda Birnbaum,  la directrice du NIEHS

– Interview de Morando Soffritti à l’Institut Ramazzini