La recherche corrompue ou étouffée par l’industrie

Pour les internautes qui, comme moi, ont quelques doutes sur l’ indépendance désintéressée des scientifiques qui peuplent les agences de réglementation, je recommande la lecture du dossier du magazine Books d’avril 2009, intitulé « le scandale de l’industrie pharmaceutique. Notre santé otage de la corruption ».

On y découvre comment les professeurs d’université se font acheter par les majors de l’industrie pharmaceutique, en faisant la promotion de médicaments très mal évalués ou en publiant des articles de complaisance dans de grandes revues scientifiques, et pourquoi « il n’est plus possible de croire les recherches publiées, ni de se fier au jugement de son médecin de famille », comme l’écrit Marcia Angell, qui fit partie de la rédaction en chef du New England Journal of Medicine, et est l’auteur de La vérité sur les compagnies pharmaceutiques. Comment elles nous trompent et comment les contrecarrer.

Ce qu’elle décrit – encore une fois corruption, conflits d’intérêts, noyautage des agences de réglementation, censées protéger l’intérêt des consommateurs, par l’industrie – ne concerne pas que les Etats Unis, ainsi que le prouve l’interview de Philippe Even, ancien doyen de la faculté de médecine de l’hôpital Necker, professeur émérite à l’Université Paris V, qui dirige aujourd’hui l’Institut Necker.

À LIRE ABSOLUMENT!

Par ailleurs, je participais récemment à un colloque sur « Cancer et environnement », où le Docteur Annie Sasco, qui travailla pendant vingt-deux ans au CIRC, le Centre international de recherche sur le cancer ( un organisme dépendant de l’Organisation mondiale de la Santé, installé à Lyon) a présenté l’épidémie de cancers qui frappe le monde depuis vingt ans.

De fait, les chiffres officiels de l’OMS révèlent que l’incidence du cancer a augmenté de 63% entre 1980 et 2000, avec une augmentation annuelle de 1 à 3% pour les jeunes enfants. L’augmentation est telle qu’on parle désormais d’ « épidémie », alors que le terme désigne normalement des maladies virales ou infectieuses.

Le même constat a été fait pour l’incidence des maladies de Parkinson et d’Altzheimer, qui frappent des personnes de plus en plus jeunes. Sans oublier le diabète (de type 2) ou les maladies autoimmunes, qui connaissent aussi une explosion.

Le coupable? La pollution environnementale et notamment les pesticides organochlorés ou organophosphorés.

Pour mettre fin à ce fléau qui touche toutes les familles de France ou d’ailleurs, il faudrait interdire tout ce qui est à l’origine de l’épidémie, à savoir les molécules chimiques qui ont des effets cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques et qui ont envahi notre environnement et notre assiette depuis une cinquantaine d’années.

Ce qui ne fait pas l’affaire de l’industrie pharmaceutique ni des scientifiques, au CV prestigieux, qu’elle arrose généreusement…

Les manoeuvres décrites ci-dessus ne concernent pas que l’industrie pharmaceutique, mais aussi les multinationales de la biotechnologie.

Récemment, 26 scientifiques américains ont dénoncé dans une déclaration commune, adressée à l’agence de protection de l’environnement (EPA) l’impossibilité de conduire des recherches sur les effets possibles des OGM,car les fabricants , comme Monsanto et Syngenta, leur interdisent d’utiliser leurs semences transgéniques sous prétexte qu’elles sont couvertes par des brevets!

Résultat: les seules études disponibles sont celles qui sont contrôlées par les fabricants!!

Voici le texte de la Déclaration :

« Les accords de technologie / gestion exigés pour l’achat de semences modifiées génétiquement interdisent explicitement la recherche. Ces accords empêchent les scientifiques publics de poursuivre le rôle qui leur est imparti au nom du bien public, à moins que l’industrie n’approuve la recherche. Il résulte de cet accès limité qu’aucune recherche vraiment indépendante ne peut être légalement menée sur de nombreuses questions critiques concernant la technologie, ses performances, ses implications pour la gestion (des cultures), la gestion des résistances aux insectes et ses interactions avec la biologie des insectes. Il en résulte que les données en provenance du secteur public parvenant à un panel scientifique consultatif de l’EPA, sont excessivement restreintes. »

Pour les anglophones, voici l’article du New York Times qui a révélé le « malaise des scientifiques ».

Pour les non anglophones, voici la traduction réalisée par les Amis de la Terre.

Enfin, j’ai présenté récemment les travaux du Pr. Andres Carrasco, qui dirige depuis trente ans un laboratoire d’embryologie moléculaire en Argentine. Son étude a montré l’impact du roundup qui tue les embryons d’amphibiens, ce qui confirme les résultats obtenus par le chercheur américain Rick Relyea, de l’Université de Pittsburgh (cf: mon livre).

Son étude avait entraîné la décision du ministère de la défense d’interdire l’usage du roundup sur les terrains lui appartenant.

Et bien le Professeur Carrasco a été menacé de mort, victime d’une campagne d’intimidation (des gros bras ont débarqué dans son laboratoire) et de diffamation.

J’invite les lecteurs hispanophones à lire son interview dans Página 12.

Agenda du mois de mai

Bonne nouvelle!

La campagne de Greenpeace aura été de courte durée, puisque le parlement du Québec a déjà programmé la projection de mon film!

Voici mon programme pour les trois semaines qui viennent:

– Mercredi 6 et jeudi 7 mai: présentation de mon film au Festival de l’environnement de Torsby en Suède (voir affiche en suédois). Je vais aussi rencontrer des journalistes et des universitaires.

– Lundi 11 mai: présentation du film au 5ème Congrès mondial d’éducation relative à l’environnement, à Montréal.

– Mercredi 13 mai: présentation à l’Assemblée nationale à Québec.

Grippe porcine et dengue: le désastre de l’agriculture intensive

Drôle de coïncidence… Au moment où la »grippe porcine » faisait la Une des journaux, j’étais en Bretagne, très exactement à Pontivy au coeur d’une région qui pratique l’agriculture industrielle intensive: cultures et élevage de… porcs en hors sol.

Avant de rejoindre le cinéma où allait être projeté mon film devant plus de 300 personnes, dont de nombreux agriculteurs (voir photo), j’ai dîné sur la ferme de Joseph et Martine Servel, un couple d’ agricuteurs bio. Leur fils a travaillé chez des maraîchers, qui produisent notamment des choux sur un mode intensif. Avant de semer, ils désherbent avec un herbicide bien connu …, puis aspergent leurs cultures d’insecticides, et, enfin, chaque chou récolté est trempé dans une cuve de pesticides avant d’être expédié sur les marchés et supermarchés.

L’histoire de cette famille est dramatique: l’an dernier, leur petit garçon de cinq ans est mort d’une leucémie, et le frère du maraîcher, qui travaillait sur l’exploitation, est décédé d’un cancer , en pleine jeunesse, ainsi que, peu après le grand-père…

Après la projection de mon film, un débat très intense s’est installé dans la salle, car l’histoire de cette famille est malheureusement banale: l’épidémie de cancers et de maladies de Parkinson ou d’Alzheimer , due notamment à l’usage massif des pesticides, frappe massivement les familles d’agriculeurs, qui sont les premières victimes de ce modèle agricole industriel criminel, – dont les OGM représentent le dernier avatar -, qui empoisonne l’environnement et les humains et détruit les écosystèmes, en provoquant des catastrophes sanitaires comme le prouve l’épidémie de « grippe porcine », au Mexique, ou de dengue, en Argentine.

Concernant le virus H1N1 tout semble indiquer, en effet, qu’il est parti d’une usine à porcs (950 000 porceaux à l’année) appartenant au géant américain de l’agroalimentaire Smithfield Foods, « le plus gros producteur mondial de porc, sanctionné jadis aux Etats Unis pour pollution de l’environnement », comme l’écrit Le Monde , dans son édition du 29 avril. Suite à sa condamantion, la multinationale a ouvert une filiale dans le petit village de La Gloria, dans l’Etat du Veracruz, avec « des conditions d’hygiène désastreuses dénoncées depuis des années », selon les termes du Monde, qui poursuit : « Les trois mille habitants se sont plaints tout le mois de mars d’une épidémie galopante de pneumonies et autres maladies infectieuses , attribuées aux millions de mouches que nourrissent les charognes de porc pourrissant à l’air libre ».

Si l’on ajoute à cela le problème du lisier produit par les malheureux porcs – à qui les hommes de Smithfield Foods arrachent les dents, car leur entassement provoque des comportements cannibales …- alors on a tous les ingrédients d’une catastrophe sanitaire annoncée: en effet, comme le décrit William Reymond dans son livre Toxic, les « lagons » d’excréments de porcs comprennent, entre autres, des millions de bactéries, dont certaines sont hypervirulentes et résistantes aux antibiotiques, qui contaminent l’environnement.

Pour en savoir plus sur ce « système alimentaire qui tue », j’invite les internautes à lire l’excellent article de GRAIN, intitulé « la peste porcine, dernier fléau de l’industrie de la viande »:

Au même moment, en Argentine, le gouvernement lutte contre une épidémie de dengue, dont l’origine est liée aux épandages massifs de roundup sur les dix-huit millions d’hectares de cultures de soja roundup ready et à la déforestation que provoque la ruée sur le nouvel or vert. C’est en tout cas ce qu’a expliqué l’agronome Alberto Lapolla à Horacio Verbitsky, dans le journal Página 12, qui enchaîne les révélations sur le fléau du soja.

Pour les non hispanophones, je résume la dernière partie de l’article qui explique que l’épidémie de dengue est liée à une invasion du moustique Aedes Aegypti, également vecteur de la fièvre jaune, qui s’est abattue sur les régions où l’on produit du soja transégnique, en Argentine, Bolivie, Brésil et Paraguay. En effet, note l’agronome, le roundup et les herbicides utilisés pour venir à bout des mauvaises herbes résistantes … au roundup, comme le 2,4-D (composant de l’agent orange) « tuent les poissons et amphibiens, les crapauds, grenouilles, rainettes, etc, c’est-à-dire les prédateurs naturels des moustiques, desquels ils s’alimentent tant à l’état de larves que d’adultes ».

De plus plusieurs études révèlent la « quasi disparition des amphibiens dans les prairies de la pampa et dans ses cours d’eau principaux, rivières, lagunes ou mares, ainsi que le nombre élevé de poissons morts ou présentant des déformations physiques ainsi que des perturbations graves de leur capacité de reproduction ».

Enfin, la déforestation massive dans le Nord Est de l’Argentine (voir sur mon Blog mon film « Argentine: le soja de la faim ») entraîne la destruction de tout un écosystème, « qui est aussi l’habitat naturel de d’autres prédateurs des moustiques… »

Photo: la projection à Pontivy

campagne pour que « Le monde selon Monsanto » soit présenté au parlement du Québec

Aïe!Aïe! « Capitaine Poltron » et « GFP » (qui sont peut être la même personne…), à vos claviers!

Je vous informe que mon film « Le monde selon Monsanto » va être présenté bientôt au parlement d’Ottawa et que Greenpeace fait campagne pour qu’il soit vu aussi à l’Assemblée nationale du Québec:

Voici le communiqué de Greenpeace:

Bientôt à l’affiche dans une Assemblée nationale près de chez vous?
Greenpeace: Le monde selon Monsanto doit être vu par nos élus

Montréal, le 29 avril 2009. Greenpeace rend publique aujourd’hui une lettre envoyée au président de l’Assemblée nationale du Québec, le député Yvon Vallières. Sans plus tarder, l’organisation demande que les députés visionnent le documentaire Le monde selon Monsanto. Par le fait même, Greenpeace lance la campagne Internet OGM :Ce que Monsanto nous cache… et invite la population à écrire aux députés pour qu’ils visionnent ensemble le documentaire.

Pour Greenpeace, il est grand temps que nos représentants politiques voient le film. D’ores et déjà, celui-ci a déjà pris l’affiche devant des politiciens en France, au Brésil au Paraguay et dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique des Nations-Unies. Il devrait également être présenté la Chambre des communes à Ottawa ce printemps.

« On ne demande pas la lune! », estime Éric Darier, directeur de Greenpeace au Québec. « On demande que dans le confort de leur siège parlementaire, les députés aient l’opportunité de réaliser la façon dont Monsanto s’y prend pour commercialiser ses semences génétiquement modifiées (OGM) sans que soient effectuées des évaluations scientifiques rigoureuses et indépendantes », fait valoir Darier.

Le visionnement a permis à certains pays de prendre des mesures de précaution. Peu de temps après le visionnement du Monde selon Monsanto, la France annonçait un moratoire sur un maïs OGM de Monsanto (MON810) et son intention de renforcer les règles d’étiquetage obligatoire des OGM. Dans un même ordre d’idée, à la suite du visionnement, le Pérou rejetait les OGM et l’Argentine mettait en branle la tenue d’une enquête publique sur l’herbicide Roundup qui accompagne la plupart des OGM.

Greenpeace ne peut qu’espérer qu’après un tel visionnement les députés soient aussi choqués que la plupart des gens qui ont déjà vu ce film et agiront rapidement en commençant par imposer l’étiquetage obligatoire des OGM comme le promettait d’ailleurs monsieur Charest en 2003.

Documentaire-choc, le Monde selon Monsanto dépeint en images la façon dont le géant mondial des semences commercialise coûte que coûte ses OGM. Le documentaire offre un éclairage percutant sur les raisons de l’absence de l’étiquetage des OGM au Canada et au Québec et du rôle qu’occupe la multinationale.

Le Monde selon Mosanto a été traduit en 16 langues et diffusé à la télévision dans une vingtaine de pays.
Le documentaire, coproduit entre autres par ARTE et l’Office national du film du Canada, est une réalisation de Marie-Monique Robin. Marie-Monique Robin est une journaliste française récipiendaire de nombreux prix dont celui du Laurier 2003 de la radio et de la télévision du Sénat (de la France) et le prix Albert Londres (1995). Elle est également l’auteure du livre du même nom (Le monde selon Monsanto).

Marie-Monique Robin sera en visite au Québec du 10 au 13 mai prochain pour participer notamment au 5e Congrès mondial de l’éducation relative à l’environnement.

Les « super mauvaises herbes » envahissent l’Amérique

Comme je le disais dans mon dernier message , les mauvaises nouvelles s’accumulent dans le ciel de Monsanto. Plusieurs articles récents, en France et aux Etats Unis, racontent le cauchemar des producteurs de plantes roundup ready (soja et coton) dont les champs sont envahis de « superweeds », de super mauvaises herbes, résistantes au roundup!

Il s’agit en l’occurrence de l’amarante, qui peut produire 10 000 graines en une fois, résiste à la sécheresse et peut attendre trois mètres de haut, et qui a proliféré dans cinq Etats du sud des Etats-Unis, la Géorgie, la Caroline du Sud, la Caroline du Nord, l’Arkansas, le Tennessee et le Missouri.

Pour venir à bout de ce fléau, Monsanto encourage les producteurs à mélanger le roundup avec du … 2,4-D, l’un des ingrédients de l’agent orange, interdit dans de nombreux pays, car c’est un puissant cancérogène et perturbateur endocrinien qui attaque le système de reproduction des personnes qui y sont exposées!

En attendant, la situation est tellement grave que 5OOO hectares infestés d’amarante ont été carrément abandonnés par les producteurs d’OGM de Géorgie et que bon nombre d’entre eux ont décidé d’abandonner les cultures transgéniques.

Cette catastrophe annoncée est l’illustration dramatique de ce miroir aux alouettes que représentent les plantes pesticides de Monsanto qui entraînent un recrudescence de la pollution environnementale, la destruction des sols et de la biodiversité, et une catastrophe financière pour les agriculteurs.

www.futura-sciences.com/fr/news/t/botanique-1/d/ogm-la-menace-des-super-mauvaises-herbes-samplifie_19036/

http://www.france24.com/fr/20090419-super-mauvaises-herbes-menace-patrie-monsanto-etats-unis-environnement-ogm-amarantes-agriculture-herbicide

J’ai longuement abordé le problème des « superweeds » dans mon livre et je copie ici la partie s’y rapportant:

EXTRAIT

Les problèmes que pose la contamination transgénique ne sont pas que juridiques, ils sont aussi environnementaux. En effet, lorsqu’une graine de colza transgénique atterrit dans un champ, par exemple de blé, par la grâce du vent, il est considéré comme une mauvaise herbe par l’agriculteur, qui a beaucoup de mal à en venir à bout, car « comme ce colza résiste au Roundup, un herbicide total, la seule façon de s’en débarrasser est de l’arracher à la main ou d’utiliser du 2-4 D, un herbicide extrêmement toxique »…

De même, un producteur d’OGM soucieux de maintenir une rotation de ses cultures, en alternant par exemple du colza Roundup ready avec du maïs Roundup ready, peut être aussi confronté à ce problème, renforcé par la spécificité du colza : ses cosses mûrissant de manière inégale, les producteurs ont pris l’habitude de couper les plants et de les faire sécher dans les champs, avant d’en récolter les grains. Immanquablement, des milliers de graines restent sur le sol et germeront l’année suivante, voire cinq années plus tard. C’est ce qu’on appelle du « colza volontaire » ou « rebelle », qui représente en fait une « super mauvaise herbe » (en anglais « superweed »)…

Grâce aux OGM, toujours plus d’herbicides

L’ironie de l’histoire, c’est que Monsanto a compris très tôt l’intérêt financier que pouvaient représenter ces plantes « rebelles » : le 29 mai 2001, la firme a obtenu un brevet (n° 6 239 072) portant sur une « mixture d’herbicides » qui permet à la fois de « contrôler les mauvaises herbes sensibles au glyphosate et des spécimens volontaires tolérants au glyphosate ».

Comme le souligne le rapport de la Soil Association, « ce brevet permettra à la firme de profiter d’un problème que ses produits ont eux-mêmes créé »…
Et à voir l’évolution dans les prairies d’Amérique du Nord, on peut s’attendre à ce que la fameuse « mixture d’herbicides » représente la nouvelle vache à lait de la firme de Saint-Louis. De fait, le développement des superweeds est devenu l’un des principaux casse-tête des agronomes nord-américains, qui notent que celles-ci peuvent émerger de trois manières.

Dans le premier cas, comme nous venons de le voir, ce sont des « volontaires » (résistants au Roundup), dont la destruction nécessite le recours à des herbicides plus puissants. Dans le deuxième cas, les OGM se croisent avec des adventices — le mot savant qui désigne les « mauvaises herbes » — qui leur sont génétiquement proches, en leur transférant le fameux gène de résistance au Roundup. C’est le cas notamment du colza, qui est un hybride naturel entre le navet et le chou, capable d’échanger des gènes avec des espèces sauvages apparentées comme la ravenelle, la moutarde ou la roquette, que les agriculteurs considèrent comme des mauvaises herbes. Ainsi une étude conduite par le Britannique Mike Wilkinson, de l’université Reading, a confirmé en 2003 que le flux de gènes entre le colza et la navette (Brassica rapa), l’une des adventices les plus répandues, était très courant, ce qui indique que « la pollinisation croisée entre des plantes OGM et leurs parents sauvages est inévitable et peut créer des super mauvaises herbes résistantes à l’herbicide le plus puissant », ainsi que le souligne The Independant .
Enfin, troisième cas, si des superweeds apparaissent, c’est tout simplement parce qu’à force d’être arrosées exclusivement de Roundup, plusieurs fois par an et d’une année sur l’autre, les mauvaises herbes développent une résistance à l’herbicide qui finit par les rendre aussi efficaces en la matière que les OGM qui les ont engendrées. Curieusement, la firme, qui a pourtant une longue expérience des herbicides, a toujours nié ce phénomène : « Après vingt ans d’utilisation, on n’a jamais entendu parler d’espèces d’adventices qui soient devenues résistantes au Roundup », affirme ainsi un document publicitaire vantant les mérites du soja RR . De même, dans son Pledge de 2005, la multinationale continue d’affirmer que les cultures transgéniques « permettent aux agriculteurs d’utiliser moins d’herbicides ».

« C’est faux ! », rétorque l’agronome américain Charles Benbrook, dans une étude publiée en 2004 et intitulée : « Les cultures OGM et l’usage des pesticides aux États-Unis : les neuf premières années . »

Selon lui, l’argument de la « réduction de l’usage des pesticides » a été valide durant les trois premières années qui ont suivi la mise en culture des OGM en 1995, mais « depuis 1999, ce n’est plus le cas ».

« Ce n’est pas une surprise, explique-t-il : cela fait dix ans que les scientifiques spécialistes des adventices mettent en garde contre le fait que l’usage intensif des cultures résistantes à un herbicide allait déclencher des changements dans les populations de mauvaises herbes ainsi que leur résistance, forçant les paysans à appliquer d’autres herbicides et/ou à augmenter leurs doses. […] Un peu partout dans le Midwest, les agriculteurs évoquent avec nostalgie l’efficacité et la simplicité initiales de la technique Roundup Ready, en regrettant ce “bon vieux temps”. »

Charles Benbrook connaît son sujet : après avoir travaillé comme expert agricole à la Maison-Blanche sous l’administration Carter, puis au Capitole, il fut directeur de la division agricole de l’Académie nationale des sciences pendant sept ans, avant de créer son cabinet de consultant indépendant à Sandpoint, dans l’Idaho. Depuis 1996, il épluche minutieusement les données de consommation d’herbicides enregistrées par le Service national des statistiques agricoles (NASS) qui dépend de l’USDA, en les comparant avec celles fournies par Monsanto, qu’il juge « trompeuses, à la limite de la malhonnêteté ».

Dans un article de 2001, il notait déjà que la « consommation totale d’herbicides utilisée pour le soja RR en 1998 était au moins 30 % supérieure en moyenne à celle du soja conventionnel dans six États, dont l’Iowa, où est cultivé un sixième du soja de la nation ».
Dans son étude de 2004, il constate que la quantité d’herbicides épandus sur les trois principales cultures des États-Unis (soja, maïs et coton) a augmenté de 5 % entre 1996 et 2004, ce qui représente 138 millions de livres supplémentaires. Alors que la quantité d’herbicides utilisés pour les cultures conventionnelles n’a cessé de baisser, celle de Roundup a connu une évolution inverse, ainsi que s’en félicite d’ailleurs Monsanto dans son « 10K Form » de 2006 : après avoir souligné que les ventes de glyphosate ont représenté un chiffre d’affaires de 2,2 milliards de dollars en 2006, contre 2,05 en 2005, la firme note que « toute expansion des cultures qui présentent la caractéristique Roundup ready accroît considérablement les ventes des produits Roundup ».

Ces résultats sont le fruit d’une stratégie planifiée de longue date :

« Un facteur clé pour l’augmentation du volume de Roundup est une stratégie basée sur l’élasticité et des réductions sélectives des prix suivies par une importante augmentation des volumes », écrivait la multinationale dans son rapport annuel de 1998 (p. 7). Quand on lui fait remarquer que cette évolution est bien la preuve que les OGM ne réduisent pas la consommation d’herbicides, la multinationale réplique qu’il est normal que les ventes de Roundup augmentent, puisque la surface des cultures Roundup ready ne cesse de progresser. Certes, neuf ans après leur mise sur le marché, les cultures transgéniques couvraient près de 50 millions d’hectares aux États-Unis et 73 % étaient Roundup ready (23 % Bt), mais ces surfaces étaient déjà cultivées avant l’arrivée des OGM (et donc arrosées de pesticides )…

De plus, ajoute Charles Benbrook, la fin du monopole de Monsanto sur le glyphosate, en 2000, a entraîné une guerre des prix qui a fait chuter celui du Roundup d’au moins 40 %, et pourtant le chiffre d’affaires de la firme n’a pas été affecté, bien au contraire. Enfin, écrit-il, « la dépendance vis-à-vis d’un seul herbicide, comme méthode unique de gestion des mauvaises herbes sur des millions d’hectares, est la principale raison qui explique la nécessité d’appliquer des doses d’herbicides plus élevées pour atteindre le même niveau de contrôle ».

Il rappelle qu’avant l’introduction des OGM, les scientifiques n’avaient identifié que deux adventices résistantes au glyphosate : l’ivraie (en Australie, Afrique du Sud et États-Unis) et le gaillet (en Malaisie), mais qu’aujourd’hui on en compte six sur le seul territoire américain, avec en tête la prèle, devenue un véritable fléau dans les prairies, mais aussi les amarantes, comme l’« herbe au cochon » ou l’ambroisie.

Ainsi, une étude réalisée à l’université de Delaware a montré que des plants de prèle prélevés dans des champs de soja RR survivaient à dix fois la dose de Roundup recommandée . À ces mauvaises herbes déjà identifiées comme résistantes au Roundup, s’ajoute une liste d’adventices dites « tolérantes au glyphosate », c’est-à-dire pas encore résistantes, mais pour lesquelles il faut multiplier les doses par trois ou quatre pour en venir à bout…

FIN DE L’EXTRAIT

Conférence annulée à l’Agrocampus de Rennes…

Lundi 27 avril, j’étais invitée à l’Agrocampus de Rennes pour présenter mon film « Le monde selon Monsanto ». Cette conférence avait été organisée par Dominique Vermersch, directeur de recherche à l’INRA et professeur d’économie et d’éthique à l’Agrocampus. Auteur de L’éthique en friche , il est à l’origine du groupe Éthos qui vise à introduire le questionnement éthique dans les thématiques de recherche de l’INRA., ce qui me paraît une fort bonne idée…

Préparée depuis quatre mois, en concertation avec la direction de l’Agrocampus, la conférence avait été largement annoncée au moyen d’une affiche, distribuée dans toute l’agglomération de Rennes (voir ci-dessous).

La semaine dernière, Dominique Vermersch m’a envoyé un e-mail quelque peu embarrassé où il m’explique que des « professeurs du département de la protection végétale ont demandé à ce que la conférence soit repoussée à l’automne pour qu’ils aient le temps de se préparer à ta venue… »

Diantre! Les « professeurs du département de la protection végétale », c’est à dire des pesticides (suivez mon regard…) ont besoin de « se préparer » pendant des mois, afin de participer à un débat sur mon film!!

Joint au téléphone, Dominique Vermersch m’a expliqué l’argument de ces professeurs: « pour nos élèves, le principal débouché professionnel c’est Monsanto… »

Voilà un argument , en effet, pour faire annuler une conférence largement annoncée!

Il faut ajouter que le président de l’Agrocampus c’est Jean-Michel Lemétayer, le patron de la Féderation nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), premier syndicat agricole de France et défenseur inévétéré des OGM de Monsanto. Alors que son homologue allemand s’est prononcé contre le maïs MON 863 (voir sur ce blog), la FNSEA continue de réclamer l’annulation du moratoire décidé par le gouvernement français et, aujourd’hui, suivi par le Luxembourg, l’Allemagne, l’Autriche, la Hongrie et la Grèce.

Malgré les mauvaises nouvelles qui s’accumulent dans le ciel de Monsanto: mauvais rendements, multiplication des plaintes en Argentine pour empoisonnement, fiasco des cultures de maïs BT en Afrique du Sud, et colère des paysans américains qui ne savent plus comment se débarrasser des « super mauvaises herbes » , résistantes au roundup, dont j’ai longuement parlé dans mon livre (j’y reviendrai).

En attendant, je serai , mardi, à Pontivy (près de Rennes), pour présenter mon film dans un lycée agricole, puis à 20 heures, dans une projection publique au cinéma Le Rex .

– Photo: 150 personnes, dont de nombreux agriculteurs, ont participé à la conférence que j’ai animée, dimanche 19 avril à Relanges, dans les Vosges.