La banque de semences de Spitzberg (Norvège) (2)

Le bilan de la première « révolution verte »

Je suis heureuse de voir que le sujet de la banque de semences de Spitzberg soulève les passions… Plus de quarante commentaires en deux jours! Normal: dans un premier temps, on ne peut que se réjouir de cette magnifique initiative qui vise à mettre à l’abri les semences du monde… Et puis, on s’interroge: qui sont les parrains du joli bébé? On découvre alors qu’il y a la Fondation de Bill Gates, et la Fondation Rockefeller, aux côtés des principaux fabricants d’OGM, comme Syngenta et Monsanto. Tiens! Tiens!
Avant de s’interroger sur les raisons qui ont pu pousser les multinationales de l’agro-industrie à donner dans la philanthropie et les oeuvres caritatives à grande échelle, je voudrais rappeler qui est la Fondation Rockefeller.
Celle-ci a été créée en 1913 par le magnat du pétrole John Rockefeller pour « promouvoir le bien être de l’humanité dans le monde » et « le progrès scientifique ».
Au cours de son histoire, l’institution caritative s’est effectivement investie sur tous les continents, en particulier dans les domaines de la santé publique, de la recherche scientifique, et des arts.
Mais c’est surtout dans le domaine de l’agriculture qu’elle a joué un rôle éminemment important en lançant et parrainant la première « révolution verte » dans les pays du sud, aux côtés de sa fidèle alliée, la Fondation Ford (bien placée pour fournir tracteurs et machines agricoles).

C’est ce que je raconte dans mon film « Blé : Chronique d’une mort annoncée? « , diffusé sur ARTE, le 15 novembre 2005, dans une soirée Thema , intitulée « Main basse sur la nature » .

Je recopie ici la partie de mon livre que j’ai consacrée au bilan de la « révolution verte  » en Inde, l’un des pays qui fut longtemps cité comme l’emblème d’un modèle agro-industriel dont , aujourd’hui, même ses promoteurs reconnaissent les effets pervers, pour ne pas dire catastrophiques.
L’une des premières conséquences dramatiques , notamment pour la sécurité alimentaire, c’est la perte de biodiversité et la disparition de milliers de variétés locales (de blé ou de riz) que voudrait , aujourd’hui, mettre à l’abri les promoteurs de la banque de semences de Spitzberg…

DÉBUT EXTRAIT (chapitre 16)

S’il est quelqu’un en Inde qui connaît bien le sujet de la « révolution verte », c’est Vandana Shiva, physicienne, docteur en philosophie des sciences et lauréate du « prix Nobel alternatif », dont l’un des ouvrages, publié en 1989, est intitulé La Violence de la révolution verte. Dégradation écologique et conflit politique au Pendjab .

Dans ce livre fondamental, cette figure féminine et féministe de l’altermondialisme décortique les méfaits de cette « révolution » agricole lancée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et qui sera plus tard qualifiée de « verte », parce qu’elle était censée freiner l’expansion de la « révolution rouge » dans les pays « sous-développés », notamment en Asie, où l’arrivée au pouvoir de Mao Dzedong en Chine en 1949 risquait de faire des émules.

« Je ne dis pas que la révolution verte ne partait pas de bonnes intentions, à savoir augmenter la production alimentaire dans les pays du tiers monde, m’explique Vandana Shiva, mais les effets pervers du modèle agricole industriel qui la sous-tend ont eu des conséquences environnementales et sociales dramatiques, en particulier pour les petits paysans. »

Lors de cette deuxième rencontre, en décembre 2004, l’intellectuelle et militante indienne me reçoit dans la ferme de « Navdanya » (« les neuf graines »), association pour la conservation de la biodiversité et la protection des droits des agriculteurs qu’elle a créée en 1987, située dans l’État de l’Uttaranchal, dans le nord de l’Inde, aux confins du Tibet et du Népal.
C’est à quelques kilomètres de Dehradun, sur les contreforts de l’Himalaya où elle est née, qu’elle a ouvert un centre de formation agricole destiné à promouvoir la culture des semences traditionnelles de blé et de riz que la « révolution verte » a bien failli faire disparaître, au profit de variétés dites « à haut rendement » importées du… Mexique.

En effet, le concept agro-industriel qui sera appelé « révolution verte » en 1968 est né en 1943 dans la capitale mexicaine.
Cette année-là, Henry Wallace, vice-président des États-Unis (et patron, comme nous l’avons vu au chapitre 9, de Pioneer Hi-Bred, qui inventa les hybrides de maïs), propose à son homologue mexicain de créer une « mission scientifique » destinée à augmenter la production nationale de blé.
Parrainé par la Fondation Rockefeller, sous l’auspice du ministère de l’Agriculture mexicain, ce projet pilote s’installe dans la banlieue de Mexico, où il prendra en 1965 le nom de Centre international d’amélioration du maïs et du blé (CIMMYT, Centro internacional de mejoramiento de maíz y trigo).

En octobre 2004, je me suis rendue dans cet organisme de recherche réputé, qui fonctionne toujours sur le mode d’une association à but non lucratif et qui emploie aujourd’hui une centaine de chercheurs internationaux hautement qualifiés, ainsi que plus de cinq cents collaborateurs issus d’une quarantaine de pays.
Dans le hall de l’entrée, un immense tableau rend hommage à celui qui est considéré comme le père de la révolution verte : Norman Borlaug, né sur une ferme de l’Iowa en 1914, qui fut recruté par la Fondation Rockefeller, en 1944, et obtint le prix Nobel de la paix en 1970 « en reconnaissance de son importante contribution à la révolution verte », selon les termes de la vénérable institution.
Pendant vingt ans, cet agronome, qui est aujourd’hui un fervent défenseur des OGM, n’eut qu’une obsession : augmenter la productivité du blé, en créant des variétés qui permettent de décupler les rendements.
Pour y parvenir, il eut notamment l’idée de croiser les variétés du CIMMYT avec une variété japonaise naine, la « Norin 10 ».
En effet, augmenter les rendements implique de contraindre la plante à produire des graines plus grosses et plus nombreuses, au risque de faire casser la tige. D’où l’astuce de « raccourcir les pailles », comme on dit dans le jargon des sélectionneurs, par l’introduction d’un gène de nanisme .
C’est ainsi qu’en l’espace d’un siècle, les rendements de blé sont passés de dix quintaux à l’hectare (en 1910) à une moyenne de quatre-vingts quintaux, tandis que la taille des épis de blé perdait près d’un mètre de hauteur.

Mais cet exploit s’est accompagné d’une contrepartie, que dénoncent les adversaires de la « révolution verte » : l’augmentation de la consommation des produits phytosanitaires, sans lesquels les « semences miraculeuses », comme furent surnommées les variétés du CIMMYT, ne sont strictement bonnes à rien.
Car pour parvenir à produire une telle quantité de grains, la plante doit être littéralement gavée d’engrais (azote, phosphore, potassium), ce qui entraîne à terme un affaiblissement de la fertilité naturelle des sols. De plus, elle doit être copieusement arrosée, ce qui épuise les réserves d’eau. Par ailleurs, l’extrême concentration végétale fait le bonheur des insectes ravageurs et des champignons, d’où l’usage massif d’insecticides et de fongicides. Enfin, l’obsession des rendements a entraîné une baisse générale de la qualité nutritive des grains et une réduction de la biodiversité du blé, dont de nombreuses variétés ont tout simplement disparu.

Dans les années 1960, conscient du caractère irrémédiable des pertes liées à sa promotion des variétés à haut rendement, le CYMMIT a ouvert une « banque de germoplasme », dans laquelle sont conservées aujourd’hui, dans une chambre froide à – 3 degrés, quelque 166 000 variétés de blé. Pour l’alimenter, ses collaborateurs sillonnent les campagnes du monde à la recherche d’épis rares, comme ces spécimens de blé sauvage retrouvés aux confins iraniens du Croissant fertile, que ses techniciens étaient en train d’étiqueter au moment de ma visite dans le centre.

Toujours est-il que les variétés naines du CIMMYT ont fait le tour de la planète : au Nord, y compris dans les pays communistes, les sélectionneurs les ont utilisées dans leurs programmes de croisement. Quant aux pays du Sud, avec en tête l’Inde, ils ont envoyé des techniciens se former dans le centre, surnommé l’« École des apôtres du blé ».
En 1965, une sécheresse exceptionnelle terrasse la récolte de blé dans le sous-continent indien, et la famine guette. Le gouvernement d’Indira Gandhi décide d’acheter 18 000 tonnes de semences à haut rendement, importées du Mexique. C’est le plus grand transfert de semences jamais réalisé dans l’histoire.
Formés par le CIMMYT, les agronomes indiens propagent la révolution verte dans les régions du Pendjab et de l’Haryana, considérées comme le grenier à blé de l’Inde. Ils sont soutenus financièrement par la Fondation Ford, bien placée pour fournir tracteurs et machines agricoles.

Au même moment, les variétés de riz à haut rendement sont introduites dans le pays, à l’instigation de l’Institut de la recherche internationale sur le riz (IRRI), créé en 1960 par les fondations Rockefeller et Ford, sur le modèle du CIMMYT.

« On dit toujours que grâce à la révolution verte l’Inde a atteint l’autosuffisance alimentaire et qu’en cinq ans, de 1965 à 1970, sa production de blé est passée de 12 à 20 millions de tonnes, me dit Vandana Shiva, dont le dernier livre s’appelle Les Semences du suicide .
Aujourd’hui, le pays représente le deuxième producteur mondial de blé, avec une production de 74 millions de tonnes, mais à quel prix ? Des sols épuisés, une baisse préoccupante des réserves d’eau, une pollution généralisée, une extension des monocultures au détriment des cultures vivrières et l’exclusion de dizaines de milliers de petits paysans qui ont rejoint les bidonvilles, parce qu’ils ne pouvaient pas s’intégrer dans un modèle agricole extrêmement coûteux. La première vague de suicides signe l’échec de la première révolution verte. Malheureusement, la seconde révolution verte, celle des OGM, sera encore plus meurtrière, même si elle s’inscrit dans la droite ligne de la première.

– Pourquoi ? En quoi sont-elles différentes ?

– La différence entre les deux, c’est que la première révolution verte était dirigée par le secteur public : les agences gouvernementales contrôlaient la recherche et le développement agricole. La seconde révolution verte est dirigée par Monsanto. L’autre différence, c’est que la première révolution verte avait certes l’objectif caché de vendre plus de produits chimiques et de machines agricoles, mais sa motivation principale était tout de même de fournir plus de nourriture et d’assurer la sécurité alimentaire. Au bout du compte, même si cela s’est fait au détriment d’autres cultures, comme les légumineuses, on a produit plus de riz et de blé pour nourrir les gens. La seconde révolution verte n’a rien à voir avec la sécurité alimentaire. Son seul but est d’augmenter les profits de Monsanto, qui a réussi à imposer sa loi un peu partout dans le monde.

– C’est quoi, la loi de Monsanto ?

– C’est celle des brevets. La firme a toujours dit que la manipulation génétique était un moyen d’obtenir des brevets, c’est cela son vrai objectif. Si vous regardez la stratégie de recherche qu’elle déploie en ce moment en Inde, elle est en train de tester une vingtaine de plantes où elle a introduit des gènes Bt : la moutarde, le gumbo, l’aubergine, le riz et le chou-fleur… Une fois qu’elle aura imposé comme norme le droit de propriété sur les graines génétiquement modifiées, elle pourra encaisser des royalties ; nous dépendrons d’elle pour chaque graine que nous semons et chaque champ que nous cultivons. Si elle contrôle les semences, elle contrôle la nourriture, elle le sait, c’est sa stratégie. C’est plus puissant que les bombes, c’est plus puissant que les armes, c’est le meilleur moyen de contrôler les populations du monde.

– Pourtant, en Inde, il est interdit de breveter les semences, dis-je, un peu sonnée par le tableau que vient de décrire Vandana Shiva.

– Certes. Mais jusqu’à quand ? Cela fait dix ans que Monsanto et le gouvernement américain font pression sur le gouvernement indien pour qu’il applique l’accord ADPIC de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), et je crains fort que les digues finissent par lâcher… »

FIN DE L’EXTRAIT

Photos (Marc Duployer):
– Vandana Shiva dans sa fondation à New Dehli
– Funérailles d’un paysan de 25 ans, qui s’est suicidé, car sa récolte de coton BT n’avait rien donné.

La banque de semences de Spitzberg (Norvège) (1)

Le 26 février dernier, le gouvernement norvégien a inauguré ce qui est appelé à devenir « la plus grande banque de semences du monde ».
Creusée dans la glace, sur l’île de Spitzberg, cette « arche de Noé » (Doomsday), a été financée par la fondation de Bill Gates ( 30 millions de dollars), un fervent promoteur des biotechnologies, la fondation Rockfeller, qui parraina la première révolution verte », et des géants des biotechnologies comme Syngenta et … Monsanto.
Avant de révéler les dessous de cette initiative, célébrée comme un « bienfait pour l’humanité », je me contente de copier une dépêche de l’agence Associated Press, typique de la manière dont nombre de médias ont traité ce sujet : à savoir au premier degré, sans s’interroger sur les raisons qui ont poussé les multinationales de l’agro-industrie à sponsoriser une banque de semences censée mettre à l’abri les variétés que leurs activités contribuent largement à faire disparaître …

AP | 26.02.2008 | 17:00
La Norvège a inauguré mardi dans l’archipel arctique de Svalbard, à environ 1.000 kilomètres du pôle Nord, une « Arche de Noé » souterraine destinée à abriter des semences des diverses espèces végétales de la planète en prévision d’un éventuel cataclysme.

Le complexe souterrain, conçu pour résister à des tremblements de terre et à une attaque nucléaire, « est notre police d’assurance », a déclaré le Premier ministre norvégien Jens Stoltenberg lors de la cérémonie d’ouverture. « C’est notre Arche de Noé pour garantir la diversité biologique pour les générations futures. »

Plusieurs dizaines d’invités ont assisté à l’inauguration, emmitouflés dans des vêtements chauds, dont le président de la Commission européenne José Manuel Barroso et la militante écologiste kényane Wangari Maathai, prix Nobel de la paix 2004. « C’est un jardin d’Eden gelé », a commenté M. Barroso.

Au cours de la cérémonie, marquée par des interprétations musicales représentant diverses cultures du monde, les invités ont apporté les 75 premières boîtes de semences qui seront conservées dans la structure.

M. Stoltenberg et Mme Maathai ont déposé la toute première, contenant des graines de riz provenant d’une centaine de pays. Il s’agit d’un projet « très visionnaire », a souligné Mme Maathai après la cérémonie. « C’est une précaution pour l’avenir. »

La structure, creusée profondément dans le sol perpétuellement gelé d’une montagne des îles Svalbard, également appelées Spitzberg, permettra de stocker jusqu’à 4,5 millions d’échantillons de semences du monde entier. Le chantier, lancé il y a moins d’un an, à environ 1.000 kilomètres du pôle Nord, a coûté 50 millions de couronnes norvégiennes (6,2 millions d’euros).

Le but du projet est de protéger le patrimoine végétal de la planète contre le changement climatique, les guerres, les catastrophes naturelles et d’autres menaces.

L’abri est censé constituer une réserve de secours dans le cas où les 1.400 autres banques de semences végétales du monde seraient touchées par des catastrophes, explique Cary Fowler, directeur du Fonds mondial pour la diversité des cultures (GCDT).

De telles banques ont déjà disparu en Irak et Afghanistan à cause de la guerre et une autre a été inondée aux Philippines à cause d’un typhon en 2006. « L’intérêt de Svalbard est qu’il est très éloigné des dangers », a précisé M. Fowler dans un entretien à l’Associated Press lundi.

La structure possède trois salles de stockage de 27×10 mètres creusées à 130 mètres à l’intérieur de la montagne Plataaberget. La Norvège possède le site, mais les pays qui y enverront des semences en garderont la propriété. La collecte des semences est financée par le GCDT, fonds créé par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et le groupe de recherche Biodiversity International, basé à Rome.

Bien que déjà glacial, l’air ambiant est refroidi un peu plus encore de manière à atteindre -18 degrés Celsius, une température qui permettrait de conserver de nombreuses semences pendant 1.000 ans, selon M. Fowler.

Cette « Arche de Noé » est conçue pour résister aux séismes -elle a essuyé sans problème un tremblement de terre de magnitude 6,2 à Svalbard la semaine dernière- et même à une attaque nucléaire directe, selon le responsable du chantier Magnus Bredeli-Tveiten.

Et selon M. Fowler, en cas de défaillance du système électrique, le permafrost autour du site permettrait de maintenir les semences « au froid pendant 200 ans même dans le pire des scénarios climatiques ». AP

Le bilan des traductions en cours

La question revenant régulièrement dans les commentaires, j’informe nos amis internationaux que le livre est actuellement en cours de traduction en douze langues (d’après les dernières informations fournies par La Découverte): il sortira d’abord en version portugaise (Brésil) fin septembre, puis en espagnol ( novembre), allemand (janvier). Les autres traductions sortiront d’ici le printemps 2009, dont l’anglaise assurée par un éditeur américain.

MON 810: casse-tête gaulois

Dans un précédent post, j’ai copié une dépêche de l’AFP annonçant que des faucheurs volontaires (dont José Bové) avaient détruit, vendredi 15 août, deux parcelles de maïs MON 810 situées dans la Vienne. Je rappelle que ce maïs BT de Monsanto recouvrait quelque 20 000 hectares l’année dernière et qu’il a été interdit, en février, par le gouvernement.
Après la destruction des parcelles, la préfecture a déclaré que celles-ci étaient « cultivées à des fins d’expérimentation sous le contrôle du ministère de l’agriculture ».

Les parcelles étaient donc des « essais en plein champ ». D’abord, cela pose le problème de la dissémination de ces OGM interdits, et puis, des essais pour quoi?
A-t-on toujours besoin de tester ce maïs transgénique, alors qu’on a en a déjà cultivé 20 OOO hectares?

On aimerait comprendre la logique du gouvernement qui, d’un côté, interdit le MON 810 , en invoquant le principe de précaution , et de l’autre, autorise des essais en plein champ, qui menacent de contaminer les cultures environnantes et préparent le retour sur le marché du maïs interdit….

Un document de la CE prédit que la contamination est inévitable

La contamination des cultures conventionnelles et biologiques par les variétés transgéniques est inévitable en particulier pour des plantes comme le colza et le maïs qui sont des plantes allogames, c’est à dire qui se reproduisent par pollinisation croisée (à la différence des plantes autogames, comme le blé ou le soja, qui , ayant leurs propres organes mâles et femelles, assurent leur propre reproduction).
Transporté par le vent ou les insectes, le pollen des plantes allogames se déplace sur des dizaines de kilomètres, rendant impossible toute tentative de ségrégation des cultures, ainsi que le reconnaît un document secret de la Communauté Européenne dont Greenpeace international s’est procuré une copie:

www.biotech-info.net/high_costs.html

Je retranscris ici le passage de mon livre où je citais ce document, situé à la fin du chapitre ‘Blé transgénique: la bataille perdue de Monsanto en Amérique du nord » (voir mon Blog).
Je rappelle que si Monsanto a dû renoncer à la mise sur le marché de son blé roundup ready, c’est principalement parce que les grands producteurs d’OGM (colza, maïs, soja, coton) d’Amérique du Nord, n’en ont pas voulu, pour deux raisons: la première était d’ordre économique (ils allaient perdre leurs marchés à l’exportation), et la deuxième concernait précisément les risques de contamination des variétés conventionnelles. En effet, même si comme je viens de le dire le blé est une plante autogame pour laquelle on estime que seuls 10% du pollen se disséminent dans l’environnement (contrairement au maïs et au colza , dont la quasi totalité du pollen se déplace sur de larges distances), il n’en reste pas moins que la contamination transgénique n’allait pas épargner non plus la céréale dorée…
C’est ce qu’a conclu une étude dirigée par René van Acker, un agronome de l’université de Manitoba, à la demande de la Commission canadienne du blé, qui voulait vérifier les risques de dissémination, si le blé roundup ready était libéré dans les prairies.

DÉBUT EXTRAIT

« Nous avons réalisé des tests dans vingt-sept silos de semences certifiées de colza non transgénique et nous avons constaté que 80 % étaient contaminés par le gène Roundup ready, m’explique René van Acker, lorsque je le rencontre en septembre 2004 à Ottawa. Ce qui veut dire qu’aujourd’hui, la quasi-totalité des champs de colza canadiens comptent des plantes Roundup ready. Quant au colza biologique, il a déjà disparu au Canada où il est difficile de trouver cinq kilomètres carrés qui n’aient pas d’OGM.

– En quoi l’expérience du colza pouvait-elle servir pour le blé ?

– La Commission canadienne du blé nous a demandé de vérifier si le gène Roundup ready était susceptible de passer d’une culture de blé à l’autre, me répond l’agronome. Pour cela, nous avons construit une modélisation du flux de gènes, qui, dans le colza, s’opère à partir de ce que nous appelons des “ponts de gènes”. Nous avons comparé tous les éléments de la modélisation, un par un, et nous avons conclu que la situation serait similaire pour le blé et qu’un flux de gènes était aussi possible.

– Ne pouvait-on pas organiser deux filières distinctes, fondées sur la ségrégation des grains ?, dis-je, en reprenant l’argument régulièrement avancé par les promoteurs des biotechnologies.

– C’est impossible, me répond l’agronome. Inévitable, la contamination dans les champs rend inefficace toute tentative de ségrégation en amont. »

De fait, cette conviction est partagée par les propriétaires de silos à céréales, ainsi que le confirme un sondage réalisé en 2003 par l’Institute for Agriculture and Trade Policy de Minneapolis . On y découvre que 82 % des professionnels contactés étaient « très préoccupés » par la commercialisation éventuelle du blé RR, parce qu’« il est impossible d’avoir un système de ségrégation avec une tolérance zéro ».

De même, en 2001, une note de service interne d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, adressée au ministre de l’Agriculture Lyle Vanclief, que Greenpeace a pu se procurer, révèle que l’argument de la ségrégation ne convainc pas les fonctionnaires ministériels eux-mêmes : « Si le blé transgénique est autorisé, il sera difficile et coûteux de le maintenir séparé du blé non transgénique dans l’ensemble des activités de production, de manutention et de transport », peut-on y lire .

À noter que c’est aussi l’avis des instances européennes qui, officiellement, tiennent pourtant un tout autre discours, censé rassurer leurs populations récalcitrantes. Ainsi, un rapport secret remis à l’Union européenne en janvier 2002, dont Greenpeace s’est procuré une copie, confirme que l’introduction des cultures transgéniques en Europe constituerait un coup fatal pour l’« agriculture biologique et familiale » du colza, mais aussi pour les « grands producteurs de maïs conventionnel » et que la coexistence de cultures conventionnelles et transgéniques « sur une même ferme semble un scénario irréaliste, y compris sur les grandes exploitations ».
Conscient de la « sensibilité » de ces conclusions, Barry McSweeney, le directeur du centre de recherche de l’Union européenne, a cru bon de joindre une lettre au rapport, dans laquelle il écrit :
« Étant donné la sensibilité du sujet, je suggère que ce rapport soit réservé uniquement à l’usage interne de la Commission . »

« Est-ce que la contamination transgénique est réversible ?, ai-je demandé à René van Acker, un peu affolée par toutes ces informations.

– Malheureusement, je pense que non, soupire-t-il. Il n’y a pas de marche arrière possible. Une fois qu’un OGM a été lâché dans la nature, on ne peut plus le rappeler… Si on voulait supprimer le colza transgénique dans l’Ouest du Canada, il faudrait demander à tous les paysans d’arrêter de cultiver cette plante pendant au moins dix ans. Ce qui est impossible, car le colza représente notre deuxième production nationale, avec 4,5 millions d’hectares cultivés…

– Quelles sont les conséquences pour la biodiversité ?

– C’est une question très importante, notamment pour le Mexique, qui est le centre d’origine du maïs, ou pour les pays du Croissant fertile, où est né le blé. Le Canada et les États-Unis exportent vers ces régions du monde : si les transgènes s’insèrent dans les espèces sauvages et traditionnelles de maïs ou de blé, cela entraînera un appauvrissement dramatique de la biodiversité. De plus, se pose le problème des droits de propriété intellectuelle. L’affaire de Percy Schmeiser montre que Monsanto considère que toute plante lui appartient dès lors qu’elle contient un gène breveté : si ce principe n’est pas remis en cause, cela veut dire qu’à terme, la firme pourrait contrôler les ressources génétiques du monde qui constituent un bien commun. Regardez ce qui se passe au Mexique, nous sommes déjà à la croisée des chemins… »

FIN DE L’EXTRAIT

Première du film à San Francisco

Je ne pourrai malheureusement pas y être physiquement , mais j’y serai – « for sure »- mentalement: le film sort aux Etats Unis le 29 août, au cinéma Roxie, de San Francisco:

Cette première coïncide avec le congrès national de l’organisation « Slow Food » qui a beaucoup insisté pour je vienne… Elle signe aussi le lancement du DVD aux Etats Unis.
En revanche, mon éditeur américain m’a demandé de faire un petit tour aux USA, lors de la sortie de mon livre au printemps prochain.