Tour de France et d’ailleurs…

Un vent de révolte

J’ai commencé mon tour de France, samedi soir à Melle, dans les Deux Sèvres, mon département d’origine, où j’ai reçu cinq demandes de projections/signatures.

C’est le début d’un long périple qui me mènera aux quatre coins de la France, même si je ne pourrai pas honorer toutes les demandes, car elles sont tout simplement trop nombreuses (plus d’une centaine à ce jour, auxquelles s’ajoutent des demandes d’Amérique du Nord et du Sud)…

Ce qu’il se passe autour de cette enquête est incroyable: le buzz ne cesse de croître (près d’un million de hits pour « Le monde selon Monsanto » , et si l’on tape « Monsanto, mit Gift und Genen », titre du film en allemand, on est à plus de 90 000, et « The World according to Monsanto » décolle aussi lentement mais sûrement)…

À Melle, ville que je ne connaissais pas (je suis née à soixante-dix kilomètres au nord!), les organisateurs du festival « Courts à la campagne » et le gérant du cinéma le Méliès n’avaient jamais vu cela: ils ont dû organiser une deuxième projection du film, car la salle fut littéralement prise d’assaut!
Le débat a duré tard dans la nuit, tant les questions – précises, pointues, attentives- étaient nombreuses.

Dans ce pays rural, où paysans et jardiniers, comme partout en France, ont utilisé en toute innocence les « produits phytosanitaires » – l’euphémisme qui désigne les poisons que nous ingurgitons depuis un demi siècle- promus par le lobbying agroindustriel avec le soutien des pouvoirs publics, soufflait comme un vent de révolte inédit.

« Que pouvons-nous faire? » fut la question la plus longuement débattue.

Les réponses ont émergé de l’assistance, simples et évidentes:
– manger bio
– interpeler nos élus pour que soit revue la politique des subventions agricoles qui ne doivent plus aller aux plus grands pollueurs, mais encourager les paysans qui veulent revenir à une agriculture biologique ( chacun sait que ce processus de (re)conversion s’accompagne de quatre ou cinq années difficiles qu’il faut donc aider)
– exiger que soient revues les processus d’homologation des produits chimiques ( avec en tête le roundup)
– demander la transparence sur toutes les décisions qui concernent l’alimentation et la production agricole, et donc les OGM.

Mes rendez-vous de la semaine:

– Mercredi 26 mars, 20 heures 30: projection débat/ signatures organisée par l’AMAP de Noisy le Roy , avec l’association E-MAJ. On y présentera mon film « Blé: chronique d’une mort annoncée? »
– Vendredi 28 mars: soirée spéciale au FIGRA, Le Touquet, avec projection de « Le Monde selon Monsanto » et débat sur le journalisme d’investigation.
– Samedi 29 mars, 20 heures, Ruffec, projection (Le monde selon Monsanto) /débat/signatures avec Yves Manguy.

« Buridan » et les « pères fondateurs » (3)

Je poursuis ma lecture de l’article de « Buridan » dont la mauvaise foi atteint des sommets rares, à moins qu’il n’ait tout simplement pas la capacité de comprendre réellement ce qu’il entend ( et voit).

Voici l’extrait que je commente point par point:

« MMR s’entretient avec James Maryanski, qui fut responsable des biotechnologies à la FDA de 1985 à 2006. Cette interview est saucissonnée au gré de la démonstration, selon la méthode rodée par Karel. Interrogation serrée sur un acide aminé transgénique, le L-tryptophane, qui a provoqué en 1999 l’apparition d’une maladie orpheline, l’EMS. La seule chose qu’elle laisse dire à ce malheureux, c’est qu’il a eu à connaître de cette affaire. Rien sur la façon dont la FDA l’a vécue. Rien surtout sur la façon dont elle s’est terminée. Cela aurait pu être dangereux : Maryanski aurait pu dire par exemple que Monsanto n’était pas impliqué dans cette affaire .

Le téléspectateur attentif a bien sûr compris qu’à ce stade du film, le problème n’est pas de savoir qui était le fabricant du L Triptophan d’origine transgénique , mais de comprendre que James Maryanski n’excluait pas que la manipulation génétique soit à l’origine de la mystérieuse maladie.
Or, il a sciemment mis ses inquiétudes sous le boisseau, pour soutenir la publication de la « directive » de la FDA sur les OGM qui scella dans le marbre le « principe d’équivalence en substance ».

Je transmets ici ce que j’ai écrit dans mon livre sur cette affaire.

EXTRAIT DE MON LIVRE

L’affaire du L-tryptophane : une étrange épidémie mortelle

A-t-il compris où je voulais en venir ? Toujours est-il que les paupières de James Maryanski ont vivement tressauté quand je lui ai demandé sur quelles données scientifiques la FDA s’était fondée pour déclarer les transgènes « GRAS » ( generally recognized as safe » ou « généralement reconnus comme sûrs » .

« L’agence disait : si on introduit un gène dans une plante, ce gène est de l’ADN… Comme nous consommons de l’ADN depuis longtemps, nous pouvons donc conclure que cette plante est “GRAS”, a-t-il argumenté, en cherchant ses mots.
– Si on reprend l’exemple du soja de Monsanto, cela signifie que l’agence considère qu’un gène provenant d’une bactérie qui confère la résistance à un herbicide puissant est a priori moins dangereux qu’un agent colorant ?, insisté-je en observant le redoublement des tressaillements.

– Exact », répond l’ancien « chef de la biotechnologie ».

L’« argument » de la FDA, défendu par Maryanski, fait bondir le Dr. Michael Hansen, l’expert de l’Union des consommateurs, qui va éclairer ma lanterne en mettant le doigt sur la question que Monsanto et consorts ont précisément toujours voulu éviter :

« Actuellement, quand on veut ajouter dans un aliment une goutte microscopique d’un conservateur ou d’un produit chimique, c’est considéré comme un “additif alimentaire” et donc on doit faire toutes sortes de tests pour prouver qu’il y a une “certitude raisonnable qu’il ne soit pas nuisible”. En revanche, lorsqu’on manipule génétiquement une plante, ce qui peut engendrer d’innombrables différences dans l’aliment, on ne demande rien ! En fait, tout le malentendu, pour ne pas dire l’embrouille, vient du fait que la FDA a toujours refusé d’évaluer la technique de la manipulation génétique et pas seulement le produit final ; elle est partie du principe que la biotechnologie était intrinsèquement neutre, alors qu’elle avait eu un signal d’alerte qui aurait dû l’inciter à beaucoup plus de prudence. »

Et l’expert de l’Union des consommateurs de me raconter la dramatique affaire du L-tryptophane: il s’agit d’un acide aminé que l’on trouve naturellement dans la dinde, le lait, la levure de bière ou le beurre de cacahuète.

Reconnu pour favoriser la production de la sérotonine, il était prescrit sous forme de complément alimentaire pour lutter contre l’insomnie, le stress et la dépression.
À la fin des années 1980, des milliers d’Américains furent atteints d’une maladie mystérieuse qui sera baptisée « syndrome éosinophilie-myalgie » (« EMS » en anglais), notamment parce que les douleurs musculaires (myalgie) étaient un symptôme commun à toutes les victimes.

Celles-ci souffraient par ailleurs d’une kyrielle de maux récurrents : œdèmes, toux, éruptions cutanées, difficultés respiratoi-res, durcissement de la peau, ulcères de la bouche, nausées, problèmes visuels et de mémoire, perte de cheveux et paralysie.

L’étrange épidémie a été signalée pour la première fois le 7 novembre 1989 par Tamar Stieber, un journaliste du Albuquerque Journal, lequel avait constaté que les victimes avaient toutes consommé du L-tryptophane (son enquête lui vaudra le prix Pulitzer en 1990).

Quatre jours plus tard, cent cinquante-quatre cas étaient signalés aux autorités médicales et la FDA demandait au public de ne plus consommer le complément alimentaire.

Mais la liste des victimes s’allongera : un premier bilan établi en 1991 fera état de trente-sept morts et de 1 500 handicapés à vie . Et d’après les estimations fournies plus tard par le Center for Disease Control, l’EMS aurait tué au total une centaine de patients et rendu malades ou paralysées de 5 000 à 10 000 personnes.

Or, comme le rapporte Jeffrey Smith, dans un livre très documenté, aux États-Unis, le L-tryptophane était importé du Japon, où six fabricants se partageaient le marché.
L’enquête des autorités sanitaires a révélé que seul le produit fabriqué par Showa Denko K.K. était lié à l’épidémie. C’est ainsi que les enquêteurs ont découvert qu’en 1984, l’entreprise avait modifié son processus de production en utilisant la biotechnologie pour augmenter les rendements : un gène avait été introduit à l’intérieur des bactéries d’où est extraite la substance après fermentation.
Progressivement, le fabricant modifia la construction génétique, au point que la dernière souche (« Strain V »), produite en décembre 1988, se révéla contenir cinq transgènes différents et un grand nombre d’impuretés .

Commence alors une étrange bagarre sur l’origine de la maladie, dont tout indique qu’elle visait surtout à évacuer l’hypothèse que celle-ci avait pu être déclenchée par la manipulation génétique.
Certains chercheurs ont argumenté que le problème pouvait provenir d’un changement de filtre opéré par Showa Denko pour purifier le produit ; mais il a été depuis prouvé que cette modification n’avait eu lieu qu’en janvier 1989, c’est-à-dire après le déclenchement de l’épidémie.
D’autres ont suggéré que c’était le L-tryptophane lui-même qui posait problème ; mais, comme le soulignera l’expert Gerald Gleich : « Ce n’est pas le tryptophane qui est la cause de l’EMS, puisque les individus qui ont consommé les produits qui ne venaient pas de Showa Denko mais d’autres fabricants n’ont pas développé l’EMS .»

De fait, seule l’entreprise Showa Denko sera traînée en justice et, après des règlements à l’amiable négociés en 1992, elle paiera plus de 2 milliards de dollars de dommages et intérêts à plus de 2 000 victimes.

Toujours est-il que la FDA a décidé en 1991 d’interdire définitivement la vente de L-tryptophane, y compris celui fabriqué de manière conventionnelle. Et que, dans les rapports officiels qu’elle a publiés depuis, elle n’évoque même pas le fait que les sou-ches incriminées étaient transgéniques …

Pourtant, à la FDA, il est un homme qui a envisagé très sérieusement l’hypothèse que l’EMS avait peut-être été provoquée par la technique de manipulation génétique. Cet homme s’appelle… James Maryanski.

En septembre 1991, six mois avant que la FDA publie sa réglementation sur les OGM, selon un document déclassifié dont je garde précieusement une copie, celui-ci a rencontré des représentants du GAO, le bras investigateur du Congrès, « à leur demande » :

« Ils voulaient discuter des problèmes liés aux aliments transgéniques dans le cadre des études qu’ils conduisaient sur les nouvelles technologies, écrit-il. Ils m’ont interrogé sur le L-tryptophane et la possibilité que la manipulation génétique soit concernée. Je leur ai dit que […] nous ne connaissions pas la cause de l’EMS et que nous ne pouvions pas exclure que ce soit la manipulation de l’organisme . »

Quand je rencontre l’ancien cadre de la FDA en juillet 2006, il ne sait pas que j’ai pris connaissance de ce document.
« La FDA s’était penchée sur l’usage de la manipulation génétique, mais elle n’avait aucune information qui indique que la technique elle-même puisse créer des produits qui soient différents en terme de qualité ou de sécurité, m’explique-t-il avec assurance.

– Vous souvenez-vous ce qui s’est passé avec le L-tryptophane en 1989 ?, lui dis-je avec une certaine appréhension.
– Oui…, bredouille-t-il dans un souffle.
– C’était un acide aminé génétiquement manipulé. A priori, nous connaissons très bien les acides aminés…
– Exact…
– Il a provoqué l’épidémie d’une maladie inconnue appelée EMS…
– C’est vrai…, lâche James Maryanski, dont les yeux sont soudain pris de tics nerveux.
– Combien de gens sont morts ?
– Oui, mais nous avons beaucoup…
– Au moins trente-sept… Et plus de 1 000 handicapés, dis-je . Vous souvenez-vous ?
– Je m’en souviens…
– Selon un document déclassifié de la FDA, vous avez dit : “Nous ne savons pas quelle est la cause de l’EMS, mais nous ne pouvons pas exclure l’hypothèse qu’elle soit due à la manipulation de l’organisme.” Est-ce que vous avez bien dit ce que je viens de lire ?
– Oui… »

Pourtant, six mois après sa déclaration aux représentants du GAO, James Maryanski ne rechignera pas à apposer son nom sur le texte de la FDA homologuant les OGM, qui affirme haut et fort :

« L’agence n’a jamais reçu d’information qui montre que les aliments dérivés des nouvelles méthodes diffèrent des autres aliments d’une manière significative ou uniforme, ni que, en tant que catégorie, les aliments dérivés des nou-velles techniques soient l’objet de préoccupations différentes ou plus grandes concernant leur sécurité que ceux développés par le croisement traditionnel . »

Au-delà de ce qu’elle révèle sur les « aveuglements » de la FDA, l’affaire du L-tryptophane est exemplaire à plus d’un titre. Comme le souligne Jeffrey Smith dans son livre Genetic Roulette, « il a fallu des années pour identifier l’épidémie. Si celle-ci a finalement été découverte, c’est seulement parce qu’elle concernait une maladie rare, aiguë, qui survint rapidement et dont la source était unique. Si l’une de ces quatre caractéristiques avait été absente, l’épidémie aurait pu ne jamais être découverte. De la même manière, si des ingrédients contenus dans les aliments transgéniques créent des effets secondaires, il est possible que les problèmes et leurs sources ne soient jamais détectés ».

Nous allons voir que, contrairement à ce qu’affirme James Maryanski, les scientifiques de la FDA étaient parfaitement conscients des inconnues et des risques liés à la biotechnologie et aux OGM, mais que l’agence a préféré ignorer leurs avertissements…

FIN DE L’EXTRAIT

Document: le compte rendu de James Maryanski sur sa rencontre avec les représentants du GAO.

Les liens entre l’AFIS et MONSANTO: la preuve

Un internaute vient de me transmettre un courrier adressé par le Dr. Marcel-Francis Kahn à Christian Vélot, où il dénonce les liens entre l’AFIS et Monsanto, raison pour laquelle il a démissionné de l’association scientiste.

Vous pouvez consulter ce document à l’adresse suivante.

J’ai copié la partie qui nous intéresse:

Le 4 févr. 08 à 16:11, Marcel Francis Kahn a écrit :

Mon cher collègue,

Je viens de signer la pétition protestant contre la suppression des facilités de recherche dont vous bénéficiez.L’élément suivant peut vous intéresser.Je faisais partie du Comité scientifique et de patronage de l’AFIS qui édite le bulletin « Science et pseudo-science ».Je combats depuis longtemps en médecine tous les charlatanismes.
Il ne vous a peut-être pas échappé que ,sous l’influence de son rédac chef Jean-Paul Krivine,l’AFIS s’est transformé-sans que notre avis soit sollicité- en un véritable lobby pro OGM.Certes,je ne suis pas du tout persuadé que le maïs 810 oud’autres soit toxique.Ce que j’ai lu ne m’en convainc pas.Mais en revanche je
combats la stratégie monopolistique agressive de Monsanto et de ses diverses sociétés écran.

J’ai donc demandé à la rédaction de Science et
Pseudoscience que mes lettres où je demandais( avec courtoisie et sans mettre encause a priori leur honnêteté scientifique…) que Marcel Kuntz et Louis-Marie Houdebine indiquent leurs liens avec Monsanto et ses filiales,comme en médecine ( je m’occupe d’un journal scientifique médical) il est devenu obligatoire de préciser ce qu’on nomme conflits d’interêt.

La publication de mes courriers et la réponse à mon interrogation) m’ont été refusées bien que j’avais indiqué que ma présence au sein des comités scientifique et de patronage dépendrait de cette publication;J’ai donc démissionné de ces deux comités et j’ai indiqué que je rendrai public cette démission.Si vous le jugez utile,vous pouvez utiliser cette lettre et mon nom.

Avec toute ma sympathie

Docteur Marcel-Francis KAHN,
Professeur (émérite) de Médecine Paris 7

On comprend mieux l’attaque malhonnête de l’AFIS contre mon film, à laquelle, je le rappelle, j’ai longuement répondu …

Monsanto communique sur mon enquête

Je suis heureuse de vous informer que la filiale française de Monsanto a dit quelques mots sur mon film et livre sur son site internet:

A mesure que se poursuit la croissance à deux chiffres des plantes biotechnologiques – cultivées en 2007 sur près de 115 millions d’hectares à travers le monde par 12 millions d’agriculteurs qui en ont fait le choix, la frustration des personnes qui sont opposées aux biotechnologies végétales augmente.
De fait, Monsanto continue de mettre au point des solutions innovantes pour relever le défi de l’agriculture mondiale, à savoir accroître la production sans augmenter les surfaces cultivées, tout en réduisant l’utilisation d’intrants et en préservant précieusement les ressources telles que l’eau.
Le film et le livre de Marie-Monique Robin sont les dernières illustrations de la frustration des opposants aux biotechnologies.
Ces travaux sont tellement partiaux qu’ils n’appellent aucun commentaire de la part de notre entreprise.
Néanmoins, si vous souhaitez en savoir plus sur qui nous sommes, ce que nous faisons et ce que nous représentons, nous vous invitons à cliquer sur les liens suivants :

. Leading brand
. Benefits of our products
. Product Pipeline

Pour plus d’informations sur les valeurs fondamentales qui nous animent et la manière dont nous opérons en tant que société :

. Charte éthique de Monsanto
. Politique des Droits de l’Homme de Monsanto
. Business Conduct
. Product safety summaries
. Biotech Advisory Council

La réponse de l’AFIS au Dr. Kahn…

Voici la réponse de l’AFIS au courrier rendu public par le Dr. Kahn où il expliquait les raisons de sa démission, à savoir les liens étroits qui unissent Monsanto à l’association scientiste.
A chacun de juger la richesse de l’argumentation…

www.pseudo-sciences.org/spip.php

Mise au point
Afis – Paris le 19 mars 2008
Certains réseaux diffusent par internet un courrier électronique du rhumatologue Marcel-Francis Kahn adressé à Christian Vélot. Ce courrier fait état que la rédaction de Science et pseudo-sciences aurait refusé de publier une lettre dans laquelle Marcel-Francis Kahn entendait demander publiquement aux biologistes Marcel Kuntz et Louis-Marie Houdebine, membres du conseil scientifique de notre association et du comité de parrainage de la revue Science et pseudo-sciences, d’indiquer l’existence éventuelle de « liens avec Monsanto et ses filiales ».

Nous avons tout d’abord demandé à Marcel-Francis Kahn de reformuler ses critiques relatives à l’introduction des biotechnologies végétales dans l’agriculture ainsi qu’au statut de l’expertise scientifique sous une forme dans laquelle les insinuations et attaques ad hominem seraient écartées car telle est notre conception de « l’éthique de la discussion ». Il a refusé.

Nous avons alors refusé de publier cette lettre en l’état pour ne pas céder, par principe, à des demandes de nature inquisitoriale, aussi bien pour notre association que pour ses membres à titre individuel ; nous savons également que le seul fait de publier de telles interrogations aurait donné corps à la calomnie.

L’Association Française pour l’Information Scientifique (AFIS) est une association selon la loi 1901. Elle regroupe des adhérents de toute origine et toute formation. Le premier objectif qu’elle poursuit est d’informer sur l’avancement des sciences et des techniques en éclairant de façon active les choix de société dans l’optique de l’amélioration des conditions d’existence des êtres humains. Le second est de mettre en garde contre les fausses sciences et l’exploitation de la crédulité. Le troisième enfin réside dans la défense et la promotion de l’esprit scientifique. Elle est indépendante de tout intérêt privé. Ses ressources sont les cotisations de ses membres et les ventes de la revue Science et pseudo-sciences. L’orientation de l’AFIS est définie par ses adhérents. La ligne éditoriale de la revue Science et pseudo-sciences reflète son orientation.

Nous regrettons que le débat sur l’utilisation des biotechnologies végétales au bénéfice de l’agriculture et pour l’alimentation animale et humaine, au lieu de se concentrer sur des faits et des arguments, fasse place régulièrement à des accusations, des procès d’intention et des mises en cause personnelles. Nous ne sommes pas assez naïfs pour croire que les mises en cause personnelles cesseront, pas plus que nous ne sommes assez naïfs pour penser que les dénégations mettront fin aux rumeurs. Les rumeurs font partie des sujets sur lesquels notre association est amenée régulièrement à se pencher. Nous en sommes aujourd’hui à notre tour les victimes ; sans doute parce que notre propos, sans passion et ouvert aux arguments fondés dérange : nous restons en effet toujours attentifs et nous ne manquerions pas de corriger nos analyses si des données scientifiques qui auraient échappé à notre attention nous parvenaient, mais cela n’a pas été le cas jusqu’à présent et les « alertes »régulièrement relayées depuis quelques années se sont toutes révélées non fondées.

Réponse à l’apprenti journaliste de Libération

La rédaction du Libération d’aujourd’hui a été confiée à des « étudiants de Nanterre », clin d’oeil aux événements du 22 mars 1968 qui constituèrent le prélude au « joli mai  » de la même année .

Je n’épiloguerai pas sur l’intérêt d’une telle initiative, mais, dans tous les cas, il faut la prendre pour ce qu’elle est: l’occasion de donner la parole à des jeunes, issus de tous les horizons universitaires (qui n’étudient pas le journalisme) pour qu’ils donnent leur point de vue instantané sur l’actualité. L’opération a ses limites, car, bien évidemment, on ne s’improvise pas journaliste en quelques heures…

C’est ainsi que j’ai été contactée, hier, sur mon portable (j’aurais aimé savoir comment il avait eu mon numéro), par un jeune inconnu, dont je découvre le nom, ce matin, dans Libération: « Christopher Chriv licence 3 histoire-géo et anthropologie ».

De manière péremptoire il a asséné:

« Je prépare un article très critique sur votre film, et Libération m’a dit de vous appeler ».

Soit. J’étais alors en train de finir la rédaction urgente d’un texte pour mon prochain film, mais j’ai accepté d’accorder quelques minutes à l’inconnu.

« On reproche à votre film de ne pas avoir présenté les avantages que présentent les OGM », me dit-il.

Je lui réponds que mon « film n’est pas sur les OGM, en général, mais sur ceux que produit Monsanto, qui représentent 90% des plantes transgéniques cultivées, aujourd’hui, sur la planète » et que les « autres OGM sont des produits virtuels, puisqu’il n’existe pas dans les champs ». Et donc que « je me suis intéressée aux OGM existants, pas à ceux qui existeront peut-être un jour »…

L’argument de l’inconnu ressemblant étrangement à celui développé par l’AFIS, je lui signale que j’y ai déjà répondu longuement sur mon Blog, ce qu’il semble ignorer…

Je découvre , aujourd’hui, qu’effectivement c’était bien l’AFIS, et précisément Marcel Kuntz qui était derrière les inquiétudes de l’apprenti journaliste.

Interrogé, le scientifique, dont les liens avec Monsanto sont confirmés par la lettre du Dr. Kahn que j’ai postée hier sur mon Blog, ainsi que par une enquête d’ATTAC France, dont j’ai également parlé, ressert le même argument, concernant les « maïs monstrueux » qui inquiètent les paysans mexicains :

«Le film insinue que ces [mutations] aléatoires pourraient survenir par croisements d’une lignée transgénique de maïs avec des variétés non-transgéniques. Ce qui est faux, puisque la lignée transgénique commercialisée possède une seule insertion, qui est stable et ne saute plus aléatoirement dans le génome.» De plus, «la moitié du patrimoine génétique du maïs est formée […] d’éléments génétiques résultant d’insertions de fragments d’ADN, générés par le maïs lui-même, nommés rétro-transposons.»

Malgré la belle assurance de M. Kuntz ce point est loin de faire l’unanimité, ainsi que je l’ai déjà expliqué dans mon blog, à propos de l’affaire Chapela.

Bien au contraire, un certain nombre de scientifiques, dont les généticien Christian Vélot (Université de Paris Sud) et Pierre-Henri Gouyon (Muséum national d’histoire naturelle) soulignent que la technique d’insertion est aléatoire (elle s’effectue avec un canon!) et qu’elle ne garantit en rien la stabilité du gène inséré dans la génome hôte.

Mais par delà ces inquiétudes, je note l’arrogance qui sous-tend « l’argument » de M.Kuntz: les paysans mexicains, qui cultivent le maïs depuis la nuit des temps, sont des ignares et le fait qu’ils assurent n’avoir jamais vu de tels monstres dans leurs champs est absolument sans intérêt…

L’autre argument sur lequel s’appuie mon jeune détracteur est livré par Jean-Paul Charvet, « géographe à Paris X Nanterre », dont j’ai lu plusieurs livres fort intéressants, lorsque je réalisais mon film sur l’histoire du blé (« Blé : chronique d’une mort annoncée? », diffusé sur ARTE le 15 novembre 2005) :

«L’analyse économico-politique n’est pas mauvaise, ce que je critique en revanche, c’est que l’on met systématiquement en avant les aspects négatifs sans jamais regarder ce que les OGM peuvent apporter.» Un exemple ? «Le semis direct [avec OGM] permet d’économiser une tonne de CO2 par hectare cultivé».

En effet, la technique dite du « semis direct » est étroitement associée aux cultures roundup ready, c’est même l’un des arguments commerciaux récurrents de Monsanto, ainsi que je l’ai expliqué dans un autre film réalisé pour ARTE ( « Argentine: le soja de la faim » (diffusé le 18 octobre 2005), et dans mon livre (chapitre 13).

De quoi s’agit-il?
Avant d’ensemencer leurs champs, les paysans doivent les désherber , et donc labourer.

Depuis l’avènement des OGM dits « roundup ready » , les promoteurs des plantes transgéniques disent que ce n’est plus la peine de gaspiller du temps et de l’argent (fuel), puisqu’il suffit d’arroser les champs de roundup, puis de semer y compris dans les résidus de leur récolte antérieure.

Cet argument a séduit beaucoup d’agriculteurs, ce qui est bien normal, sauf qu’à l’usage, les bénéfices escomptés ( économie de temps, d’argent, préservation des sols ou réduction de l’émission de CO2) ont été anéantis par un phénomène constaté partout: la résistance des mauvaises herbes, qui fait basculer l’agriculteur dans un cercle vicieux
absolument dévastateur, ainsi qu’a pu le constater, notamment en Argentine, l’agronome Walter Pengue, un collègue de Michel Charvet, qui réalise depuis dix ans un suivi permanent de l’évolution des cultures roundup ready un peu partout dans le monde, et bien sûr dans son pays…

Cette question étant capitale, j’y consacrerai un message à part, en racontant ce que j’ai vu en Argentine.

En attendant, je n’en veux pas à Christopher Chriv (!) : son expérience d’un jour confirme que le journalisme est un métier qui suppose de travailler pour éviter de tomber dans des simplifications ou manipulations, surtout quand le sujet qu’on traite représente des enjeux économiques colossaux énormes…