Dans ce billet, je voudrais faire œuvre de … pédagogie et m’adresser aux … pirates de la toile.
Mon film Les moissons du futur a été diffusée sur la RTBF (Belgique) le 25 septembre, avec une catch-up de sept jours (l’équivalent de ARTE +7). Cette diffusion était géolocalisée, mais a été largement piratée par des internautes de bonne volonté qui m’ont faire l’honneur d’apprécier mon film au point de contourner la géolocalisation pour le mettre à disposition du plus grand nombre.
Dans ce billet, je voudrais faire œuvre de … pédagogie et m’adresser aux … pirates de la toile.
Mon film Les moissons du futur a été diffusée sur la RTBF (Belgique) le 25 septembre, avec une catch-up de sept jours (l’équivalent de ARTE +7). Cette diffusion était géolocalisée, mais a été largement piratée par des internautes de bonne volonté qui m’ont faire l’honneur d’apprécier mon film au point de contourner la géolocalisation pour le mettre à disposition du plus grand nombre.
Encore une fois, je suis heureuse de ce choix, car il confirme que Les moissons du futur sont appelées à faire le tour du monde, comme Le monde selon Monsanto qui fut piraté aux quatre coins du monde… Toutefois, j’ai dû agir, avec la RTBF, pour faire retirer le documentaire de Daily Motion et de You Tube, car ce piratage, disons « intempestif », me mettait en grande difficulté avec ARTE, qui diffusera le documentaire, demain, à deux reprises, à 16 heures 55 et à 20 heures 50.
Je m’explique : pour pouvoir réaliser mes enquêtes au long cours, j’ai besoin du soutien financier de chaînes comme ARTE, sans lesquelles je n’aurais plus qu’à changer de métier.
Pour Les moissons du futur, j’ai, d’abord enquêté pendant trois mois, puis j’ai voyagé dans dix pays (quatre continents) avec un caméraman et un ingénieur du son, j’ai monté pendant seize semaines avec une monteuse, fait travailler un musicien, des comédiens pour les doublages, sans oublier le matériel qu’il faut louer : la caméra, le matériel son, le studio de montage, l’étalonnage, le mixage, les sous-titrages. Bref, tout cela a un coût (élevé) car l’information de qualité nécessite des moyens.
Si le film est piraté avant sa diffusion « légale » sur les chaînes qui ont contribué à son financement, son audience sera moindre ( ah ! l’audimat) et je risque de perdre le soutien des télévisions, sans lesquelles, encore une fois, je ne pourrais pas réaliser ce genre de films.
J’ai donc dû envoyer une dizaine de requêtes pour violation des droits de propriété intellectuelle à des sites, et surtout à Daily Motion et You Tube, qui avaient hébergé mon film J’ai constaté que le premier réagissait assez rapidement ; quant au second, il est carrément sourd aux demandes, ce qui m’étonne fortement…
Certains « pirates » ont bien compris mes arguments. C’est ainsi que j’ai écrit un mail très « pédagogique » au Cercle des volontaires qui avait mis Les moissons du futur en ligne sur son site que je vous invite à découvrir. Aussitôt, Raphaël Berland m’a répondu pour s’excuser (et retirer le film !) Du coup, il m’a demandé s’il pouvait m’interviewer et j’ai , bien sûr, accepté. Il a mis cet entretien, tourné avec les moyens du bord, sur le Cercle des volontaires, avec une reprise sur Agoravox :
Par ailleurs, je vous invite à lire le reportage de Sophie Vernet-Caillat paru dans Rue 89 qui a interviewé Olivier de Schutter, le rapporteur des Nations Unies pour le droit à l’alimentation (voir son interview sur ce Blog) :
Me voici de retour de ma petite virée au Luxembourg et à Bruxelles.
Au Luxembourg, où le film Les Moissons du futur sera diffusé sur RTL le 28 octobre prochain, j’ai eu une journée marathon, organisée par Greenpeace, SOS faim et Caritas qui ont décidé de se servir du documentaire comme un outil de conscientisation des enjeux mondiaux qu’incarne l’agriculture.
Me voici de retour de ma petite virée au Luxembourg et à Bruxelles.
Au Luxembourg, où le film Les Moissons du futur sera diffusé sur RTL le 28 octobre prochain, j’ai eu une journée marathon, organisée par Greenpeace, SOS faim et Caritas qui ont décidé de se servir du documentaire comme un outil de conscientisation des enjeux mondiaux qu’incarne l’agriculture.
C’est ainsi que j’ai rencontré Laurent Mosar, le président de la Chambre des députés, les représentants des commissions parlementaires de l’agriculture, de la santé et du développement durable, ainsi que Mars Di Bartolomeo, le ministre de la santé, à qui j’ai remis un DVD et un exemplaire de mon livre Les moissons du futur (photos).
Lors de mes entretiens avec les élus luxembourgeois nous avons beaucoup parlé de la réforme de la Politique Agricole Commune (PAC), annoncée pour 2014. J’ai insisté sur la nécessité d’infléchir la PAC vers la nécessaire transition écologique, en réorientant les subventions agricoles ( neuf milliards d’Euros par an) vers le soutien aux agriculteurs européens qui veulent passer à un modèle d’agriculture biologique et durable. J’ai rappelé que l’agriculture conventionnelle est dans une impasse qui menace sa capacité à produire dans un avenir très proche, puisqu’elle dépend d’engrais et de pesticides chimiques, dont le prix est indexé sur celui de pétrole et du gaz, qui va irrémédiablement continuer à augmenter, en raison de l’épuisement des ressources. Déjà largement affectée par les effets du réchauffement climatique ( plusieurs études européennes montrent que les rendements du blé et du maïs ont baissé de 5 à 10% au cours de la dernière décennie, ainsi que je le montre dans mon livre Les moissons du futur), la productivité de l’agriculture conventionnelle a atteint ses limites, lesquelles sont encore renforcées par l’érosion des sols, ainsi qu’on le verra dans mon film (n’oubliez pas : le 16 octobre sur ARTE !!) Enfin, ai-je ajouté, si on tient compte de tous les coûts indirects générés par le modèle agroindustriel ( contamination de l’eau, de l’air, paysans malades, destruction de la biodiversité ou des abeilles), la facture est si élevée que le maintien du système actuel constitue une aberration économique pure et simple.
J’ai transmis le même message à mes confrères de la presse luxembourgeoise du Quotidien et du Luxemburger Wort.
Le soir, la projection des Moissons du futur au cinéma Utopia ( j’attends les photos) a rassemblé quelque 200 personnes, et le lendemain, j’ai eu un échange très riche avec une centaine d’élèves du lycée agricole d’Ettelbruck , qui ont été « remués » par le film, pour reprendre l’expression de l’un d’entre eux. À la fin de la matinée, les professeurs ont proposé de les emmener sur la ferme de Manfred et Friedrich Wenz, pour qu’ils puissent découvrir les techniques culturales simplifiées pratiquées par les deux agriculteurs biologiques de la Forêt Noire avec d’excellents résultats.
Enfin, jeudi soir à Bruxelles, Les moissons du futur ont ouvert le festival Alimenterre, organisé par SOS Faim (photos à venir) , qui représente un co-producteur du film. Les appels pour réserver étaient si nombreux qu’il a fallu que le cinéma Vendôme ouvre une deuxième salle ! Au final, plus de quatre cents personnes ont participé au débat, enrichi par la présence de trois Africains, un éleveur et un journaliste sénégalais, et une paysanne béninoise. Invités par SOS Faim, ceux-ci avaient vu le film à … Prague, où il a été présenté en version tchèque !
Enfin, aujourd’hui, j’ai participé à l’émission CO2 mon amour (France Inter) de Denis Cheissoux, avec le géographe Jean-Paul Charvet.
Au moment où j’écris ces lignes, mon film Les moissons du futur est diffusé sur la RTS, en Suisse. Le 25 septembre, il avait été diffusé sur la RTBF, en Belgique.
Demain, je pars à Luxembourg, pour une avant-première du film, qui sera diffusé sur RTL Luxembourg, le 14 octobre. Pendant cette journée très chargée, je rencontrerai notamment le ministre de la Santé Mars Di Bartolomeo, à qui je remettrai mon livre Les moissons du futur.
Jeudi 11 octobre, je serai à Bruxelles, où le film fera l’ouverture du festival Alimenterre :
Par ailleurs, cette semaine vont sortir les articles de presse et émissions de radio présentant mon nouveau film et livre. Voici quelques rendez-vous :
– demain (mercredi 10), vers 13 heures 40, la Nouvelle édition de Canal + diffusera un reportage sur la Greenpride (voir sur ce Blog), dans lequel je suis interviewée comme marraine de l’événement.
– samedi 13 octobre, Europe 1 diffusera une interview à 15 heures.
– ce même samedi, je participerai à l’émission C02 mon amour sur France Inter
– lundi 15 octobre, je serai à 8 heures dans le journal de Radio Nova
– mercredi 16 octobre, le jour de la diffusion du film sur ARTE, je serai à 8 heures 30 dans Le Mouv, puis sur France Info
– jeudi 18 octobre, de 14 à 15 heures sur France Culture
Par ailleurs, j’invite les internautes à lire cet article paru dans Libération , le 25 septembre dernier. Sylvestre Huet y rapporte l’expérience menée pendant plus de dix ans par Nicolas Munier-Jolain, un chercheur de l’INRA, qui a testé la possibilité de se passer de poisons agricoles (herbicides) dans des grandes cultures, notamment de blé.
Et (bien sûr) ça marche !
La solution c’est de sortir des monocultures, en reconstituant la qualité des sols, grâce à la (ré)introduction dela biodiversité dans les champs. Comme le dit très bien l’agronome, « il faut revenir à l’agronomie », et, donc, cesser de considérer les sols comme un simple support sur lequel on déverse des produits, en oubliant qu’un sol est un organisme vivant que l’ont doit soigner, faute d’avoir des problèmes insurmontables avec les « adventices » (les plantes sauvages qui poussent au milieu des cultures que les promoteurs de l’agriculture industrielle appellent « mauvaises herbes ») ou les ravageurs.
Dans mon film Les moissons du futur , on verra comment Manfred et Friedrich Wenz, deux agriculteurs bios allemands, se sont complètement débarrassés de ces problèmes depuis qu’ils ont arrêté les engrais, herbicides et insecticides chimiques. On verra aussi comment, chaque année, des dizaines d’agriculteurs allemands se ruent sur les journées portes ouvertes que les Wenz organisent, car ils sont confrontés à l’érosion de leurs sols et à la résistance insoluble des « mauvaises herbes » et ravageurs aux poisons chimiques.
La bonne nouvelle c’est qu’avec un soutien approprié (espérons que la réforme de la PAC ira dans ce sens) et un échange de savoir entre paysans, on peut réussir l’indispensable transition en quatre à cinq ans.
Voici le papier de Libération (l’internaute notera la présence de l’incontournable Wackes Seppi dans les commentaires…) :
Enfin, je mets en ligne l’interview que j’ai réalisée de Catherine Badgley, une paléoécologiste de l’université du Michigan, qui a publié une étude en 2006 (avec sept autres chercheurs) où elle a comparé l’agriculture biologique et conventionnelle.[i]
Cette interview, que j’ai réalisée le 22 octobre 2011, a été mise en ligne par la RTBF, comme « bonus ».
[i] Catherine Badgley et alii, « Organic agriculture and the global food supply », Renewable Agriculture and Food Systems, vol. 22, n° 2, 2006, p. 86-108.
Parmi les questions que me posent les journalistes qui m’interviewent pour la sortie de mon film et livre Les moissons du futur, il en est une qui revient systématiquement : « Qu’est-ce qui vous a poussée à faire cette enquête ? »
À huit jours de la diffusion du film sur ARTE le 16 octobre, lors de la Journée mondiale de l’alimentation (il y aura deux diffusions : la première à 16 heures 55 et la seconde à 20 heures 50), je mets en ligne l’introduction de mon livre, qui répond précisément à cette question.
Introduction
« Ne faisons pas croire aux Français que l’on pourra cultiver des pommes, des poires ou des fruits sans aucun pesticide : ça a toujours existé et ça continuera d’exister, parce que sinon vous ne produirez pas suffisamment de produits et puis vous aurez des vers, vous aurez d’autres risques d’intoxication alimentaire liés à l’absence d’utilisation de pesticides. » C’était le 21 février 2011, dans l’émission « Mots croisés » de France 2, animée par Yves Calvi. Intitulé « Du poison dans nos assiettes », le débat de ce soir-là réunissait Bruno Le Maire, le ministre de l’Agriculture, de l’Alimentation, de la Pêche, de la Ruralité et de l’Aménagement du territoire,qui a prononcé cette phrase, Jean-René Buisson, le président de l’Association nationale des industries alimentaires (ANIA)[1], José Bové, député européen d’Europe Écologie Les Verts, et moi-même. J’avais été invitée à l’occasion de la sortie de mon film et livre Notre poison quotidien[i][2], où je démontrais l’inefficacité de la réglementation des produits chimiques qui contaminent la chaîne alimentaire, comme les pesticides, les additifs ou les plastiques alimentaires.
« Il n’y a pas d’alternative »
Comme on pouvait s’y attendre, l’échange avec mes deux contradicteurs avait été vif, notamment quand nous avions abordé l’impact des fameux « produits phytosanitaires », selon l’euphémisme de rigueur, sur les agriculteurs qui les utilisent, mais aussi sur nous les consommateurs qui en ingérons quotidiennement des résidus (sauf si nous mangeons bio). Se voulant rassurant, Bruno Le Maire avait affirmé que « nous avons le système de normes le plus strict au monde en matière de contrôle sanitaire », sans préciser d’où il tenait cette « information » (sur quels critères pourrait-on se fonder pour effectuer une telle comparaison ?) ; puis, il avait évoqué le « chemin parcouru » : « Il y avait 1 000 substances chimiques autorisées en Europe en 2000 pour cultiver des produits agricoles, aujourd’hui, il n’y en a plus que 250. » En clair : 750 pesticides hautement toxiques ont récemment été retirés du marché, après avoir empoisonné notre environnement pendant des décennies. Malheureusement, dans le feu du débat, je n’ai pas eu l’occasion de rappeler au ministre de Nicolas Sarkozy qu’en 2010, il avait demandé à l’Union européenne de lui accorder soixante-quatorze dérogations pour que les agriculteurs français puissent utiliser des pesticides interdits[3]…
Toujours est-il que sur le plateau de France 2, Bruno Le Maire avait affirmé avec l’aplomb du « spécialiste » qu’il n’est pas possible de « cultiver des pommes, des poires ou des fruits sans aucun pesticide », avant d’ajouter : « Le risque majeur, c’est d’affaiblir l’agriculture française, de faire baisser la production française et de nous retrouver en situation de dépendance alimentaire vis-à-vis de pays qui, eux, ne respectent absolument pas les normes sanitaires ou environnementales. » Enfonçant le clou, Jean-René Buisson, l’ancien secrétaire général du groupe Danone, qui préside l’ANIA depuis 2004, avait, de son côté, martelé : « Il faut rappeler, aujourd’hui, qu’il n’y a pas, aujourd’hui (sic), de solution totalement alternative aux pesticides. Et d’autre part : comment on nourrit les gens ? Je vous rappelle les chiffres : si on fait des produits absolument sans pesticides aujourd’hui, c’est 40 % de production en moins, 50 % de coûts en plus. » « Diantre ! », m’étais-je dit, les chiffres avancés par Buisson ont l’air sérieux ! Et je m’étais juré d’en rechercher la source, car, bien sûr, le patron de l’industrie agroalimentaire s’était bien gardé de la fournir. C’est notamment pour vérifier la validité des pourcentages assénés, la main sur le cœur, par Jean-René Buisson que j’ai décidé de réaliser l’enquête qui est à l’origine de ce livre.
En transcrivant les paroles des deux défenseurs de l’agriculture chimique, j’ai repensé au livre Il n’y a pas d’alternative, de l’économiste Bertrand Rothé et du cinéaste et romancier Gérard Mordillat, publié deux mois après l’émission de France 2[ii]. Reprenant la fameuse expression de Margaret Thatcher, « There is no alternative »[4], les deux auteurs y analysent trente ans de discours libéral et montrent comment « TINA » – l’acronyme de « There is no alternative » – est devenu depuis une trentaine d’années une « arme rhétorique redoutable », que les « élites économiques européennes vont répéter et faire répéter par tous les médias jusqu’à ce qu’il soit entendu comme une vérité révélée » : « Il n’y a pas d’alternative au capitalisme, au marché, à la mondialisation, à la déréglementation financière, aux baisses de salaires, aux délocalisations, à la disparition des protections sociales, etc. Cette idéologie va infester les sociétés occidentales, provoquer le déclassement social du plus grand nombre et des profits gigantesques pour quelques-uns. »
« Que voulez-vous, il faut être réaliste ! Il n’y a pas d’alternative aux pesticides ! » Combien de fois ai-je entendu cette « vérité révélée », pour reprendre l’expression de Bertrand Rothé et de Gérard Mordillat, assortie généralement d’un argument culpabilisant : si on renonce aux biocides, « on ne pourra pas nourrir la France » (Le Maire) ni « le monde » (Buisson). L’assertion représente l’un des outils de communication favoris de Monsanto, le leader mondial des organismes génétiquement modifiés (OGM), qui, dès juin 1998, inondait la presse européenne de cet encart, conçu par l’agence de communication britannique Bartle Bogle Hegarty : « Nous sommes à l’aube d’un nouveau millénaire et nous rêvons tous de lendemains sans faim. Pour réaliser ce rêve, nous devons accueillir la science qui promet l’espoir. La biotechnologie est l’outil du futur. Freiner son acceptation est un luxe que le monde affamé ne peut pas se permettre », ainsi que je l’ai rapporté dans mon livre Le Monde selon Monsanto[iii].
Moralisateur – qui oserait s’opposer à des « technologies », les pesticides ou les OGM[5], censées résoudre le fléau de la faim ? –, l’argument comprend, cependant, une zone d’ombre que ses énonciateurs sont prompts à oublier : promu sans relâche depuis un demi-siècle, le modèle agroindustriel n’est pas parvenu à « nourrir le monde ». Loin s’en faut. D’après la FAO, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, 925 millions de personnes souffraient de la faim en 2010, tandis que la malnutrition et les maladies qui y sont associées tuent, chaque année, 7 millions d’enfants. Dans son livre Destruction massive, géopolitique de la faim, où il cite ces chiffres, Jean Ziegler, qui fut rapporteur des Nations unies pour le droit à l’alimentation de 2000 à 2008, dénonce la « doxa néolibérale sur la fatalité des hécatombes ». « La destruction, chaque année, de dizaines de millions d’hommes, de femmes et d’enfants par la faim constitue le scandale de notre siècle, écrit-il avec sa franchise légendaire. Toutes les cinq secondes, un enfant de moins de dix ans meurt de faim. Sur une planète qui regorge pourtant de richesses. Dans son état actuel, en effet, l’agriculture mondiale pourrait nourrir sans problème 12 milliards d’êtres humains, soit deux fois la population actuelle. Il n’existe donc à cet égard aucune fatalité. Un enfant qui meurt de faim est un enfant assassiné[iv]. » Et de conclure : « La faim est faite de main d’hommes, et peut être vaincue par les hommes[v]. »
Quand on referme l’ouvrage de celui qui « entretient sa colère en voyant la misère des pays[vi] », on se dit que le « TINA » de Le Maire, Buisson et consorts est un peu court et qu’au minimum les recettes chimiques qu’ils brandissent comme la panacée universelle appellent à un peu plus de modestie. Non, l’agriculture industrielle, malgré les sommes colossales englouties pour la développer, voire l’imposer, du Nord au Sud de la planète, n’est pas parvenue à nourrir l’humanité ! Et si le modèle qu’elle incarne représentait, au contraire, l’une des causes principales de la progression de la faim ? Si j’ai décidé de mener l’enquête, qui constitue la matière de ce livre, c’est aussi pour voir ce qui se cache derrière les « TINA » répétés à l’envi pas les vendeurs des poisons agricoles et leurs relais politiques.
« L’agroécologie peut nourrir le monde »
Deux semaines après l’émission « Mots croisés », j’étais au Palais des Nations unies de Genève pour assister à un événement qui m’a définitivement convaincue que je devais reprendre la route. Le 8 mars 2011, en effet, Olivier de Schutter, le successeur de Jean Ziegler au poste de rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l’alimentation, présentait un rapport intitulé Agroécologie et droit à l’alimentation, qui fut largement commenté dans la presse internationale[vii]. D’une durée de sept minutes, ainsi que l’exige le règlement de l’ONU, l’allocution du juriste belge a été prononcée devant le Conseil des droits de l’homme, réuni en séance plénière. Je reviendrai longuement sur le travail d’Olivier de Schutter, que j’ai eu le privilège de rencontrer à Genève, Mexico, New York et Accra (Ghana), mais je me contenterai de citer ici un extrait de sa présentation, qui a dû passablement irriter les adeptes de l’agriculture chimique.
« Je présente ce rapport à un moment où les prix alimentaires mondiaux ont augmenté pendant huit mois consécutifs, a commencé l’expert onusien. Les prix à l’exportation des principales céréales ont crû d’au moins 70 % depuis février 2010. […] Or, cette crise n’est pas le résultat de quelques accidents isolés. […] La crise que nous affrontons n’est pas seulement une crise de l’offre, c’est aussi une crise de la pauvreté : il faut augmenter les revenus dans les zones rurales, où résident 75 % des personnes les plus pauvres, afin qu’elles puissent se nourrir dignement. C’est une crise de la nutrition. […] Et enfin, c’est une crise écologique : des méthodes de production non durables accélèrent le changement climatique et la dégradation des sols et épuisent les réserves d’eau douce, menaçant à terme notre capacité à nourrir la planète. […] Au sein de la communauté scientifique, un constat s’impose : il faut changer de cap. Les recettes anciennes ne valent plus aujourd’hui. Les politiques de soutien à l’agriculture visaient à orienter celle-ci vers l’agriculture industrielle. Il faut à présent qu’elles s’orientent vers l’agroécologie, partout où cela est possible. »
Puis l’expert onusien a évoqué les « quatre atouts majeurs de l’agroécologie » (voir infra, chapitre 1), avant d’inviter les « États qui sont attachés à la réalisation du droit à l’alimentation » à « transformer en programme d’action gouvernementale cette vision d’une agriculture nourricière et productive, créatrice de prospérité dans les campagnes et dans les villes, moins dépendante du pétrole et plus résistante aux extrêmes climatiques ». Après les affirmations intempestives de Bruno le Maire et de Jean-René Buisson, le lecteur reconnaîtra que j’avais de quoi être troublée !
Qu’est-ce que l’agroécologie et en quoi constitue-t-elle une solution aux défis que l’humanité aura à relever au cours du xxie siècle ? Ma nouvelle enquête vise précisément à vérifier sur le terrain le « potentiel de l’agroécologie pour faire reculer la faim et la pauvreté », selon les mots d’Olivier de Schutter.
« La maison brûle »
« Notre maison brûle, et nous regardons ailleurs. » Cette phrase prononcée par le président Jacques Chirac le 2 septembre 2002, lors du Sommet de la Terre de Johannesburg (Afrique du Sud) a été reprise, mais détournée, dans un éditorial du journal Le Monde du 8 avril 2012. « La maison brûle, mais ils regardent ailleurs », titrait le quotidien du soir. Oui, mille fois oui ! Combien de fois ai-je « pesté » pendant la campagne électorale française du printemps 2012, enrageant de voir à quel point les candidats à la charge suprême étaient sourds aux « avertissements lancés de tous côtés, sans cesse plus nombreux et argumentés », ainsi que l’écrivait mon confrère qui ajoutait : « Pas un mois ou presque sans qu’une étude scientifique pointe tel ou tel dérèglement progressif, insistant et, au bout du compte, inquiétant. »
En préparant ce livre, j’ai relu des dizaines de coupures de journaux, accumulées au cours des dernières années, et ayant trait à l’évolution de la planète. Je les ai classés par thème : « crise du climat », « crise de la biodiversité », « crise de l’eau », « crise alimentaire », « crise énergétique », « crise sanitaire », « crise financière ». Et, de fait, tous les signaux sont au rouge. Étroitement imbriquées, toutes ces crises sont l’expression d’un système économique dévastateur qui nous mène droit dans le mur si nous ne changeons pas de toute urgence de paradigme. Car les défis à relever sont énormes : d’après la FAO, il faudra augmenter la production agricole de 70 %, si l’on veut nourrir les 9 milliards d’habitants que comptera le monde en 2050. Comment y parvenir sans épuiser définitivement les ressources de la planète ?
C’est à cette question, fondamentale pour la survie de l’humanité, que tente de répondre ce livre. Contrairement à mes ouvrages précédents, celui-ci ne vise pas à l’exhaustivité, car je l’ai conçu comme un carnet de voyages, où j’assume pleinement le choix des histoires que j’ai décidé de raconter ou celui des témoins que j’ai rencontrés : des agriculteurs – chaque expérience agroécologique présentée est incarnée par un paysan et/ou une paysanne –, des scientifiques qui travaillent dans le domaine de l’agroécologie et des représentants des organisations internationales. Inutile d’y chercher des interviews de représentants de l’industrie chimique ou des promoteurs du modèle agroindustriel : il n’y en a pas. D’abord parce que j’ai longuement exposé leurs arguments dans mes films et livres précédents ; et puis parce que je voulais avant tout répondre à la question que l’on me pose régulièrement lors des multiples débats ou conférences auxquels j’ai participé depuis plusieurs années : « Peut-on faire autrement ? »
Que le lecteur soit rassuré : les alternatives existent, ainsi que le prouvent les nombreuses pratiques agroécologiques que j’ai pu observer dans les neuf pays où je me suis rendue (Mexique, États-Unis, Kénya, Malawi, Sénégal, Allemagne, France, Inde, Japon). Oui, on peut nourrir le monde, si on pratique une agriculture biologique à hauteur d’homme, ainsi que nous l’ont enseigné il y a déjà plusieurs décennies les pères fondateurs de l’agriculture biologique, comme Albert Howard, Rudolf Steiner, Hans et Maria Müller, Hans Peter Rusch et Masanobu Fukuoka, qui m’ont accompagnée tout au long de ce livre. À condition aussi que l’on donne les moyens aux paysans et aux scientifiques de travailler ensemble, pour que le spectre de la faim, mais aussi de la malbouffe, ne soit plus qu’un mauvais souvenir. À condition enfin que l’on revoie de fond en comble le système de distribution des aliments, en l’arrachant des mains des multinationales et des spéculateurs.
Dans cette indispensable évolution, chacun de nous à un rôle à jouer, car plus que jamais l’acte de consommation est un acte politique. Faute de quoi, nous finirons tous comme le troupeau de Panurge si bien décrit par Rabelais : « Panurge, sans autre chose dire, jette en pleine mer son mouton criant et bêlant. Tous les autres moutons, criant et bêlant en pareille intonation, commencèrent soi jeter et sauter en mer après, à la file. La foule était à qui premier y sauterait après leur compagnon. Possible n’était les en garder, comme vous savez être du mouton le naturel, toujours suivre le premier, quelque part qu’il aille[viii]… »
[1]L’ANIA représente 10 500 entreprises de l’agroalimentaire, dont les géants du secteur comme Danone, Pernod-Ricard, Bonduelle, Bongrain ou Lactalis. En 2008, elles comptaient 412 500 salariés pour un chiffre d’affaires de 163 milliards d’euros.
[2] Toutes les notes de référence sont classées par chapitre, en fin de ce livre, p. xxx.
[3] Un rapport publié en janvier 2011 par Générations futures et Pesticides Action Network Europe a révélé qu’en Europe le recours aux dérogations pour utiliser des pesticides interdits avait augmenté de 500 % entre 2007 et 2010. La directive européenne sur les pesticides (91/414) comporte en effet un article, le 8.4, qui permet d’obtenir une « dérogation de cent vingt jours », donnant la possibilité à un État membre d’utiliser des pesticides interdits « en cas de danger imprévisible ». On est ainsi passé en Europe de cinquante-neuf dérogations en 2007 à trois cent vingt et un en 2010, dont soixante-quatorze pour la France (Générations futures et Pesticides Action Network Europe, « La question des dérogations accordées dans le cadre de la législation européenne sur les pesticides », 26 janvier 2011).
[4] Nommée Premier ministre en 1980, celle qu’on surnomma la « dame de fer » a prononcé cette expression la première fois le 25 juin 1980, lors d’une conférence de presse au 10, Downing Street devant les correspondants de la presse américaine.
[5] Les OGM cultivés aujourd’hui dans le monde sont des plantes pesticides : ils ont été manipulés génétiquement pour pouvoir être arrosés d’herbicides (qui les épargnent tout en éliminant les autres végétaux), comme le Roundup de Monsanto, ou pour produire en permanence un insecticide, appelé Bt, comme le maïs MON810 de Monsanto.
Notes de l’introduction
[i] Marie-Monique Robin, Notre poison quotidien. Comment (et pourquoi) l’industrie chimique a provoqué l’épidémie des maladies de l’époque moderne, La Découverte/Arte Éditions, Paris, 2011. Le documentaire du même titre a été diffusé sur Arte le 15 mars 2011.
[ii] Bertrand Rothé et Gérard Mordillat, Il n’y a pas d’alternative ! Trente ans de propagande économique, Seuil, Paris, 2011.
[iii] Marie-Monique Robin, Le Monde selon Monsanto. De la dioxine aux OGM, une multinationale qui vous veut du bien, La Découverte/Arte Éditions, Paris, 2008, p. 214.
[iv] Jean Ziegler, Destruction massive, géopolitique de la faim, Seuil, Paris, 2011, p. 13 et 19.
[vi] Cité par Vittorio de Filippis, Libération, 26 novembre 2011.
[vii] Olivier de Schutter, Agroécologie et droit à l’alimentation. Rapport du rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, Conseil des droits de l’homme, seizième session, point 3 de l’ordre du jour, A/HRC/16/49.
[viii] Extrait du Quart Livre de Rabelais (cité par Pierre Le Hir, Le Monde, 6 février 2011).
Photos (Marc Duployer)
La salle de l’Arlequin était pleine, jeudi 4 octobre, lors de l’avant-première parisienne du film.
De gauche à droite: Jean-Xavier de Lestrade, président de la SCAM, Brigitte Morvant, du Comité français de radio télévision (CFRT), David Charrasse, producteur et gérant de m2rfilms, et Pierrette Ominetti,pour la direction d’ARTE
La polémique autour de l’étude de Gilles –Éric Séralini continue de faire rage.
Dans ce concert de critiques virulentes fortement orchestrées (suivez mon regard…), il est important d’entendre les arguments du chercheur de l’Université de Caen, qui répond point par point à ses détracteurs dans un entretien qu’il a accordé à Hervé Kempf, journaliste au Monde, et créateur du site Reporterre :
De son côté, Le Canard Enchaîné a enquêté sur Marc Fellous, Gérard Pascal et Louis-Marie Houbedine, les principaux détracteurs français du Prof. Séralini, que j’ai déjà présentés sur ce Blog. Les informations du Canard confirment les miennes :
Les scientifiques qui s’en prennent à l’étude de Séralini sur le maïs OGM sont d’une indépendance qui gagne à être connue ! Feu à volonté ! On sait le ramdam déclenché par l’étude de Gilles-Éric Séralini sur le maïs OGM de Monsanto. Les snipers de l’industrie agroalimentaire n’ont pas fini de dégainer…
Concernant l’avis précipité et très sévère de l’EFSA, je rappelle ce que j’écrivais dans Le Monde selon Monsanto, concernant l’ « indépendance » des experts qui constituent le « comité OGM » au sein de l’Autorité européenne de la sécurité euorpéenne:
« Les failles du système réglementaire » : l’exemple du maïs MON 863
Alors que le gouvernement français a annoncé en janvier 2008 qu’il activait la « clause de sauvegarde » pour le maïs MON 810, suspendant la culture de ce maïs Bt de Monsanto jusqu’à ce que l’Union européenne ait examiné à nouveau son autorisation, je voudrais rappeler l’histoire du MON 863, un cousin très proche du MON 810 : le premier (MON 863) contient une toxine (Cry3Bb1) censée le protéger contre la chrysomèle des racines du maïs[1], tandis que le second (MON 810) a été manipulé (Cry1Ab) pour résister aux attaques de la pyrale. L’affaire du MON 863 constitue une illustration parfaite de la manière pour le moins préoccupante dont sont réglementés les OGM en Europe.
Tout commence en août 2002, lorsque la firme de Saint-Louis dépose une demande d’autorisation de mise sur le marché auprès des autorités allemandes, à qui elle remet un dossier technique comprenant une étude toxicologique conduite pendant quatre-vingt-dix jours sur des rats. Conformément à la réglementation européenne (voir supra, chapitre 9), celles-ci examinent alors les données fournies par Monsanto, puis transmettent un avis… négatif à la Commission de Bruxelles, au motif que l’OGM contient un marqueur de résistance à un antibiotique qui enfreint la directive 2001/18 déconseillant fortement son utilisation. La Commission est alors tenue de distribuer le dossier aux États membres pour recueillir leurs avis, lesquels seront ensuite examinés par l’European Food Safety Authority (EFSA), le comité scientifique européen, chargé d’évaluer la sécurité alimentaire des OGM.
En France, c’est la Commission du génie biomoléculaire (CGB) qui récupère le dossier, en juin 2003. Cinq mois plus tard, le 28 octobre 2003, la CGB émet à son tour un avis défavorable, non pas à cause de la présence du marqueur antibiotique, mais parce que, comme l’expliquera Hervé Kempf dans Le Monde, elle a été « très troublée par les malformations observées sur un échantillon de rats nourris au maïs 863[i] ». « Ce qui m’a frappé dans ce dossier, c’est le nombre d’anomalies, explique Gérard Pascal, directeur de recherche à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) et membre de la CGB depuis sa création en 1986. Il y a ici trop d’éléments où l’on observe des variations significatives. Je n’ai jamais vu cela dans un autre dossier. Il faudrait le reprendre[ii]. »
Les « variations » incluent une « augmentation significative des globules blancs et des lymphocytes chez les mâles du lot nourri au MON 863 ; une baisse des réticulocytes (les jeunes globules rouges) chez les femelles ; une augmentation significative de la glycémie chez les femelles ; et une fréquence plus élevée d’anomalies (inflammation, régénération…) des reins chez les mâles[iii] », ainsi qu’une réduction du poids des cobayes. Or, comme le note mon confrère du Monde, « personne n’en aurait rien su » si l’avocate Corinne Lepage, ancienne ministre de l’Environnement d’Alain Juppé et présidente du CRII-GEN[2], « n’avait forcé la porte de la CGB » pour obtenir, « grâce à la commission d’accès aux documents administratifs (CADA) » les procès-verbaux des débats qui ont conduit à l’avis négatif de la CGB, « exceptionnel chez une commission qui a toujours été plutôt favorable à l’autorisation des OGM ». En effet, les délibérations des comités scientifiques des pays membres de l’Union européenne, tout comme d’ailleurs ceux de l’European Food Safety Authority (EFSA), sont confidentielles, ce qui donne une idée de la transparence du processus d’évaluation des OGM…
Toujours est-il que l’affaire rebondit, le 19 avril 2004, lorsque l’EFSA, justement, émet un avis… favorable à la mise sur le marché du MON 863. D’après le Comité scientifique européen, les anomalies observées par la CGB « rentrent dans la variation normale des populations de contrôle » ; quant aux malformations rénales, elles sont « d’une importance minimale »[iv].
Comment deux comités scientifiques peuvent-ils émettre des avis aussi différents sur un même dossier ? La réponse à cette question est fournie par la section européenne des Amis de la terre, qui a publié en novembre 2004 un rapport très détaillé (et très inquiétant) sur le fonctionnement de l’EFSA[v]. Créée en 2002, dans le cadre de la directive européenne 178/2002 sur la sécurité des produits alimentaires, cette institution compte huit comités scientifiques, dont un est chargé exclusivement de l’évaluation des OGM. C’est précisément ce dernier, que nous appellerons « comité OGM », qui est l’objet du rapport.
Premier constat des Amis de la terre : « Après un an d’activité, le comité a émis dix avis scientifiques, tous favorables à l’industrie des biotechnologies. Ces avis ont été utilisés par la Commission européenne, qui subit une pression croissante de la part des industriels et des États-Unis, pour pousser les nouveaux produits transgéniques sur le marché. Ils ont aussi servi à créer la fausse impression qu’il y avait un consensus scientifique, alors que la réalité est qu’il existe [au sein du Comité] un débat intense et continu et beaucoup d’incertitudes. Des inquiétudes quant à l’utilisation politique de leurs avis ont été exprimées par des membres de l’EFSA eux-mêmes. »
D’après le rapport, cette situation serait due aux liens étroits qui unissent « certains membres » du comité OGM avec les géants des biotechnologies, avec en tête son président, le professeur Harry Kuiper. Celui-ci est en effet le coordinateur d’Entransfood, un projet soutenu par l’Union européenne pour « favoriser l’introduction des OGM sur le marché européen et rendre l’industrie européenne compétitive » ; à ce titre, il fait partie d’un groupe de travail comprenant Monsanto et Syngenta. De même, Mike Gasson travaille pour Danisco, un partenaire de Monsanto ; Pere Puigdomenech est le co-président du septième congrès international sur la biologie moléculaire végétale, sponsorisé par Monsanto, Bayer et Dupont ; Hans-Yorg Buhk et Detlef Bartsch sont « connus pour leur engagement en faveur des OGM, au point d’apparaître sur des vidéos promotionnelles, financées par l’industrie des biotechnologies » ; parmi les (rares) experts extérieurs sollicités par le comité, il y a notamment le docteur Richard Phipps, qui a signé une pétition en faveur des biotechnologies pour AgBioWorld [vi] (voir supra, chapitre 12) et apparaît sur le site de Monsanto pour soutenir l’hormone de croissance laitière[vii]…
Les Amis de la terre examinent alors plusieurs cas, dont celui du MON 863. Il apparaît que les réticences émises par le gouvernement allemand sur la présence d’un marqueur de résistance à un antibiotique ont été évacuées d’un revers de main par le comité OGM, qui s’est fondé sur un avis qu’il a publié, le 19 avril 2004, dans un communiqué de presse : « Le comité confirme que les marqueurs de résistance aux antibiotiques sont, dans la majeure partie des cas, nécessaires pour permettre une sélection efficace des OGM », y déclarait son président, Harry Kuiper. Commentaire des Amis de la terre : « La directive européenne ne demande pas de confirmer si les marqueurs de résistance aux antibiotiques sont un outil efficace pour l’industrie de la biotechnologie, mais s’ils peuvent avoir des effets nocifs sur l’environnement et la santé humaine. »
La fin de l’histoire est tout aussi exemplaire : après la publication de l’avis positif de l’EFSA, Greenpeace demande au ministère de l’Agriculture allemand de rendre public le dossier technique fourni par Monsanto (1 139 pages), pour qu’il soit soumis à une contre-expertise. Réponse du ministère : impossible, Monsanto refuse que les données soient communiquées, parce qu’elles sont couvertes par le « secret commercial ». Après une bataille judiciaire de plusieurs mois, la firme de Saint-Louis sera finalement contrainte de les rendre publiques par une décision du tribunal de Munich, le 9 juin 2005. Menée par le professeur Gilles-Éric Séralini et le docteur Arpad Pusztai, la contre-expertise confirmera les « anomalies » constatées par la Commission française du génie génétique et conduira à l’interdiction définitive du MON 863 dans l’UE, le 20 juin 2005[viii].
Concernant l’étude de Gilles-Eric Séralini, il est dommage que l’EFSA ait agi dans l’urgence, en confiant la rédaction de son avis à Andrew Chesson, un expert britannique qui est loin d’être au-dessous de tout soupçon, ainsi que l’a révélé Guillaume Malaurie dans Le Nouvel Observateur :
Comme je l’ai déjà écrit, j’espère que le débat qu’a suscité l’étude de Séralini permettra de tout remettre sur la table, en contraignant les pouvoirs publics à exiger que soit conduite une nouvelle étude de toxicologie de deux ans, indépendante et transparente, qui permette de confirmer ou d’infirmer les résultats du chercheur de Caen, et de savoir – enfin !- quels risques nous courons en mangeant du maïs transgénique, comme le MON810, le maïs manipulé par Monsanto pour détruire la pyrale du maïs, un petit papillon nocturne, qui constitue le principal ravageur de la céréale.
Or, comme vous le découvrirez dans mon film (et livre) Les moissons du futur (sur ARTE, le 16 octobre, à 16 heures 55 et 20 heures 50)), on n’a pas besoin d’OGM pour venir à bout de ce fléau !!
Regardez cette petite vidéo que j’ai réalisée au Kenya, lors de mon tournage sur la ferme de John Otiep, qui utilise une méthode de contrôle biologique , appelée « push-pull », inventée par le Dr. Zeyaur Kahn , un entomologiste du centre de recherche internationale sur les insectes (ICIPE) que vous découvrirez dans mon film le 16 octobre !
Lors de la projection à la presse de mon film Les moissons du futur, j’ai évoqué , avec émotion, l’histoire de John Otiep, qui représente l’un des sept paysans clés des Moissons du futur.
Dans cet extrait choisi par Marc Duployer, je répondais à une question d’une journaliste qui me demandait pourquoi je n’avais pas demandé à un représentant de l’industrie chimique ce qu’il pensait de la technique du « push pull ». Quand vous aurez vu les résultats spectaculaires obtenus par John Optiep dans son champ (rendez-vous le 16 octobre !), vous comprendrez que l’avis de l’industrie présente peu d’intérêt…
[1] D’après Greenpeace, cet insecte très nuisible a été introduit en Europe lors de la guerre des Balkans : il serait arrivé avec les avions de l’armée américaine.
[2] Je rappelle que le CRII-GEN est le Comité de recherches et d’information sur le génie génétique, dont le professeur Gilles-Éric Séralini est membre (voir supra, chapitre 4).
[i] Hervé Kempf, « L’expertise confidentielle sur un inquiétant maïs transgénique », Le Monde, 23 avril 2004.
[v] Friends of the Earth Europe, « Throwing caution to the wind. A review of the European Food Safety Authority and its work on genetically modified foods and crops », novembre 2004, <www.foeeurope.org/GMOs/publications/EFSAreport.pdf>.
[viii] Gilles-Eric Séralini, « Report on MON 863 GM maize produced by Monsanto Company », juin 2005, <www.greenpeace.de/fileadmin/gpd/user_upload/themen/gentechnik/bewertung_monsanto_studie_mon863_seralini.pdf> (version française : <www.crii-gen.org/m_fs_cz.htm>). Voir aussi : « Uproar in EU as secret Monsanto documents reveal significant damage to lab rats fed GE Corn », The Independant, 22 mai 2005.
J’ai participé , ce week end, à la Greenpride, organisée par l’Appel de la Jeunesse (dont je suis la marraine, avec Florence Servan-Schreiber) :
Ce fut une belle parade dans les rues de Paris, festive et joyeuse (avec des concerts super au Divan du monde, samedi soir) pour célébrer la vie et la résistance face au processus d’empoisonnement collectif que j’ai longuement décrit dans mon film et livre Notre poison quotidien.
J’invite tous jeunes internautes qui lisent mon Blog à rejoindre l‘Appel de la jeunesse!
Voici une petite vidéo que j’ai tournée cet après-midi avec mon I phone !
Ce fut un grand moment d’émotion : samedi dernier, a été présenté en avant première nationale mon film Les moissons du futur au Palais des Congrès de Parthenay, dans les Deux Sèvres. Le choix de cette ville n’était pas anodin, puisque c’est à Parthenay que j’ai fait toute ma scolarité, très précisément au lycée Ernest Pérochon, du nom de l’écrivain régional (1885-1942) qui reçut, en 1921, le Prix Goncourt pour son roman Nêne.
L’avant-première était organisée dans le cadre de la troisième édition de l’ Ecofestival « Ca marche ! ».
700 personnes étaient présentes, et plusieurs dizaines n’ont pas pu entrer pour des raisons de sécurité, la jauge maximale étant atteinte !
Photos: Dominique Robin
Je mets en ligne un court extrait de cette soirée qui s’est terminée tard dans la nuit, tant les questions étaient nombreuses après la projection du film. Je n’oublierai jamais l’enthousiasme, qui planait dans l’assistance, comme un parfum de liberté et d’espérance retrouvés, je n’oublierai jamais non plus le sentiment de bonheur partagé, la sérénité et le désir de solidarité unissant le public qui a applaudi à tout rompre quand s’est terminé le générique des Moissons du futur.
J’espère que l’extraordinaire énergie (positive !) qui a baigné toute la soirée aura permis à chacun de recharger ses batteries pour pouvoir agir ici et maintenant en faveur de la nécessaire transition écologique dont la planète a besoin de toute urgence…
Vidéo: Dominique Robin
Samedi matin j’ai reçu la visite de France 3 sur la ferme de mes parents, située à douze kilomètres de Parthenay. Etait aussi présent Patrice Moyon, le responsable de la page « Agriculture » de Ouest France, qui était venu spécialement de Rennes, après avoir vu, à Paris, Les moissons du futur, lors de la projection à la presse, organisée dans les locaux d’ARTE, le lundi 17 septembre.
Enfin, je mets en ligne l’interview réalisée par Emmanuel Robin à Radio val d’Or qui a consacré quarante minutes à la présentation des Moissons du futur.