La polémique autour de l’étude du professeur Séralini

Quelle semaine !

Lundi 17 septembre s’est tenue à ARTE la projection à la presse de mon film « Les moissons du futur », qui, je le rappelle, sera diffusé le 16 octobre prochain à 20 heures 50 (voir la bande annonce sur ce blog).

Une soixantaine de journalistes étaient présents (je mettrai bientôt en ligne une vidéo retraçant les grands moments du débat qui a suivi la projection).

Mardi 18 septembre, j’étais à Bruxelles pour les mêmes raisons. Le film a reçu un excellent accueil, ainsi que le montrent les deux articles publiés par Les Echos et La Belgique Libre (ci-dessous). Le film sera diffusé sur la RTBF, le 26 septembre. Ce soir là, je participerai à un Chat en direct, depuis mon domicile francilien.

Mercredi 19 septembre, j’étais à Venise pour filmer un colloque international sur la décroissance, car dès le mois de novembre je vais travailler à ma prochaine enquête, intitulée provisoirement « Sacrée croissance ! ». Mais pour l’heure, je n’en dis pas plus !

Alors que j’assistais aux conférences, mon portable n’a cessé de sonner. Ce jour-là, en effet, le professeur Gilles-Eric Séralini rendait publics les résultats de l’étude qu’il a conduite sur des rats nourris avec le maïs NK 603, un maïs transgénique produit par Monsanto : ITV, Le Nouvel Observateur, Elle, Sud-Ouest, etc.

http://www.sudouest.fr/2012/09/23/oser-se-confronter-aux-lobbys-829053-4778.php

Samedi matin , j’étais à France Inter dans le 7/9 de Fabrice Drouelle et Patricia Martin, où j’ai commenté l’incroyable polémique qu’a suscitée l’étude du professeur Séralini :

http://www.franceinter.fr/emission-le-79-du-week-end-marie-monique-robin-robert-rochefort-et-veronique-descacq

C’est sans étonnement que j’ai constaté la rapidité avec laquelle un certain nombre de scientifiques sont montés au créneau pour discréditer les travaux du chercheur de l’Université de Caen.

J’ai bien écouté leurs « arguments », et je dois dire qu’ils me laissent perplexes:

–       l’espèce de rats utilisée par Séralini – en l’occurrence des Sprague Dawley – est particulièrement sensible aux tumeurs. Certes, mais c’est l’espèce utilisée généralement pour ce genre de test toxicologique  par toutes les firmes, y compris Monsanto, lorsqu’elle a conduit son « étude » en 1996 pour prouver l’innocuité du soja Roundup Ready, qui allait bientôt envahir les élevages intensifs de porcs, poules et cochons européens. Cette étude, qualifiée de « mauvaise science » par le professeur Pryme (voir ci-dessous) – vingt-huit jours sur moins de quatre-vingt rats ADULTES -, le nombre n’étant même pas communiqué ! – n’a suscité, à l’époque,  aucun émoi chez les scientifiques qui hurlent, aujourd’hui, avec les loups…  De plus, que l’espèce Srague Dawley soit plus sensible aux tumeurs, n’est pas un problème : la question est de savoir s’il y a plus de tumeurs dans le groupe expérimental que dans le groupe contrôle, ce qu’indiquent apparemment les résultats de l’étude du professeur Séralini.

–       Le nombre de rats utilisés par Séralini est trop faible. L’argument fait carrément sourire : Séralini a utilisé 200 rats, ce qui est beaucoup plus que BASF pour la pomme de terre transgénique Amflora (30 rats) ou qu’une étude, considérée comme très sérieuse dans une méta-analyse publiée par Chelsea Snell, Agnès Ricroch, Marcel Kuntz, et Pascal Girard, où les groupes (témoin et expérimental) ne comptaient que trois rats ! Cette méta-analyse, citée ici et là, a été considérée par Marc Lavielle, membre du Haut conseil des biotechnologies, comme « biaisée » et « extrêmement orientée », ainsi qu’il l’a expliqué au Monde (édition du 16 décembre 2011) :

Cette méta-analyse, qui se fonde sur 24 études menées notamment aux Etats-Unis, au Brésil, au Japon ou en Norvège, conclut à l’absence de conséquences sanitaires, chez les animaux, d’une alimentation à base de maïs, riz, soja ou pommes de terre transgéniques. « Maintenant, le débat sur les OGM, d’un point de vue sanitaire, est clos », estime Agnès Ricroch. Ce n’est peut-être pas aussi simple que cela. Selon Marc Lavielle, statisticien à l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria) et membre du conseil scientifique du Haut Conseil aux biotechnologies (HCB), cette étude serait « biaisée » et « extrêmement orientée ».

« Ce qui est terriblement gênant, c’est qu’elle conclut à l’absence de différence [entre animaux ayant consommé des OGM et animaux n’en ayant pas consommé] sur la base d’une méthodologie ne correspondant pas aux lignes directrices publiées aussi bien par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation [ANSES] que par l’Autorité européenne de sécurité des aliments [EFSA] », estime-t-il.

« Les études passées en revue démontrent que les plantes transgéniques sont nutritionnellement équivalentes à leurs contreparties non transgéniques et peuvent être utilisées en toute sécurité », conclut l’étude, dont les auteurs estiment qu’il n’est donc pas nécessaire de procéder à des essais sur des durées supérieures à quatre-vingt-dix jours avant d’autoriser de nouvelles variétés d’aliments transgéniques destinées aux animaux.

Ils reconnaissent cependant avoir repéré des différences entre animaux nourris ou non aux OGM. « Mais quand ils trouvent des différences, ils considèrent soit que la comparaison n’est pas valable, soit que la différence n’est pas biologiquement significative, note Marc Lavielle. En revanche, ils tiennent compte sans la critiquer d’une étude portant sur des groupes de trois animaux, un échantillon bien trop faible pour permettre de conclure quoi que ce soit. »

Il est intéressant de noter que les scientifiques qui ont signé cette méta-analyse controversée sont aussi ceux qui attaquent Gille-Eric Séralini. Or, ils sont connus pour leur grande proximité avec … Monsanto et consorts. Sur mon Blog, j’ai déjà révélé les liens entre le Dr. Kuntz, qui dirige l’AFIS, et Monsanto :

http://robin.blog.arte.tv/2008/03/21/les-liens-entre-lafis-et-monsanto-la-preuve/

Ces informations ont été reprises il y a deux jours dans un article du Monde.fr :

Le rationalisme, au risque du biais anti-écolo

LE MONDE SCIENCE ET TECHNO | 20.09.2012 à 15h30 • Mis à jour le 20.09.2012 à 17h05

Par Stéphane Foucart

En France, le courant rationaliste – opposé au relativisme incarné par le sociologue Bruno Latour – est principalement représenté par deux associations : l’Union rationaliste (UR) et l’Association française pour l’information scientifique (AFIS). Très proches, les deux structures ont longtemps partagé la même adresse, rue de l’Ecole-Polytechnique à Paris, et ont en commun bon nombre de membres.

Présidée par le physicien Edouard Brézin, la première va au-delà de son credo – « faire connaître dans le grand public l’esprit et les méthodes de la science » – en s’engageant en faveur de la laïcité, considérée comme une conséquence naturelle du rationalisme. L’AFIS, de son côté, présidée par le biologiste Louis-Marie Houdebine, édite sa propre revue, Science & pseudo-sciences, et s’engage spécifiquement à mettre en lumière l’irrationalisme des médecines parallèles, de l’astrologie, de la numérologie, de l’archéologie fantastique, des multiples manifestations dites paranormales, etc.

L’AFIS n’hésite pas à critiquer vertement les médias ou les personnalités qui diffusent des informations en flagrant décalage avec l’état des connaissances scientifiques, sur les sujets à l’interface entre la science et la société. Ce qui ne va pas sans heurts.

L’association a ainsi été, à plusieurs reprises, au centre de vives polémiques au cours de ces dernières années. Y compris en son sein. Le médecin Marcel-Francis Kahn a ainsi quitté en 2008, avec fracas, le comité scientifique de l’association, peu après que celle-ci eut organisé un colloque sur les biotechnologies au Sénat. « Ce qui m’intéressait à l’AFIS, c’était de lutter contre les paramédecines, raconte-t-il. Mais l’association est devenue une sorte de lobby pro-OGM. J’ai demandé à Louis-Marie Houdebine et Marcel Kuntz [biologiste, directeur de recherche au CNRS et membre du comité de parrainage de l’AFIS] de déclarer leurs liens d’intérêts avec Monsanto et ses filiales. Cela a été refusé, de même qu’a été refusée la publication dans Science & pseudo-sciences de mon courrier demandant officiellement que soient déclarés ces possibles conflits d’intérêts. » Selon Jean-Paul Krivine, rédacteur en chef de la revue, « les accusations portées contre certains des animateurs de l’association sur leurs liens avec Monsanto sont fausses et n’ont jamais été étayées de la part de ceux qui les propagent ».

VIVES CRITIQUES

Le biologiste Pierre-Henri Gouyon (Muséum national d’histoire naturelle) critique lui aussi la posture de l’association, « systématiquement favorable aux OGM et systématiquement opposée à l’écologie ». « Il suffit de se rendre sur le site Internet de l’Office américain des brevets pour se rendre compte que certains des membres de l’AFIS les plus engagés à défendre les OGM ont déposé des brevets avec des entreprises de biotechnologies », ajoute M. Gouyon.

La posture antiécologie de l’AFIS a été également critiquée, en 2010, par des climatologues qui reprochaient à l’association d’avoir renvoyé dos à dos les sciences du climat et les arguments climatosceptiques, dans la foulée de la parution de plusieurs livres remettant en cause la réalité ou les causes du réchauffement. Fait rare, la présidence de l’association soeur, l’Union rationaliste, a protesté officiellement contre le numéro de juillet 2010 de Science & pseudo-sciences consacré au climat.

M. Krivine, de son côté, rappelle que les vues divergentes exprimées sur la question climatique ne sont pas exceptionnelles et que des détracteurs des OGM ont également vu s’ouvrir à eux les colonnes de Science & pseudo-sciences

Reste que les entorses faites à la science sont plus férocement dénoncées quand elles sont le fait des écologistes. « Je n’ai jamais compris pourquoi l’AFIS s’intéressait si peu à l’affaire de l’amiante, par exemple », confie ainsi M. Kahn. A quoi M. Krivine répond que les manipulations de la science sont tout autant traitées lorsqu’elles sont le fait de l’industrie. Il faudrait tenter de le mesurer… scientifiquement.

Concernant Gérard Pascal, qui fut patron de l’INRA, et qui a violemment mis en doute l’étude de Séralini sur France Inter, j’avais révélé dans mon livre Le monde selon Monsanto, un document confidentiel de Monsanto, que j’ai toujours en ma possession, où était cité  son nom.

Lisez :

Pour preuve : un document interne de Monsanto classé « confidentiel », parvenu mystérieusement (très certainement par la grâce d’un lanceur d’alerte) au bureau de GeneWatch, une association britannique qui, comme son nom l’indique, suit de très près le dossier OGM[i]. Ce « rapport mensuel » de dix pages, rendu public le 6 septembre 2000, égrène l’activité de la cellule « Affaires réglementaires et enjeux scientifiques » (Regulatory Affairs and Scientific Outreach) de la firme pendant les seuls mois de mai et juin de la même année. « Ce document montre comment Monsanto tente de manipuler la réglementation des aliments transgéniques à travers le monde pour favoriser ses intérêts, explique le docteur Sue Mayer, la directrice de GeneWatch, dans un communiqué de presse. Apparemment, ils essaient d’acheter l’influence d’individus clés, de noyauter les comités avec des experts qui les soutiennent et de subvertir l’agenda scientifique. »

On y découvre, en effet, que la « cellule » est félicitée pour son « efficacité à assurer que des experts scientifiques clés reconnus au niveau international ont été nommés pour la consultation organisée par la FAO et l’OMS à Genève le mois dernier. Le rapport final a été très favorable à la biotechnologie végétale, en donnant son soutien y compris au rôle crucial de l’équivalence en substance dans les évaluations de la sécurité alimentaire. […] Des informations sur les avantages et la sécurité de la biotechnologie végétale ont été fournies à des experts médicaux clés et des étudiants de Havard. […] Un éditorial a été rédigé par le docteur John Thomas (professeur émérite de l’école médicale de l’université du Texas à San Antonio), qui sera placé dans un journal médical comme le premier d’une série planifiée pour toucher les médecins. […] Une réunion s’est tenue avec le professeur David Khayat, un spécialiste du cancer de renommée internationale pour qu’il collabore à un article qui démontre l’absence de liens entre les aliments transgéniques et le cancer. […] Les représentants de Monsanto ont obtenu que l’examen de deux propositions d’étiquetage soit repoussé par le comité du Codex [alimentarius]. Etc. »

Parmi les scientifiques qui ont généreusement prêté leur concours aux initiatives de la cellule, le rapport cite aussi l’Espagnol Domingo Chamorro, les Français Gérard Pascal (INRA), Claudine Junien (INSERM) ou le prix Nobel Jean Daucet, qui ont participé au « Forum des biotechnologies » (en français dans le texte) « organisé » par la « cellule ».

Au vu de toutes ces informations, que peut-on dire aujourd’hui ?

Il est très important que le professeur Séralini ait pu conduire cette étude toxicologique de deux ans, car , contrairement à ce que Monsanto voudrait nous faire croire, toutes les études conduites par la firme et ses collègues n’ont JAMAIS dépassé les trois mois. Ce qui, bien sûr, est insuffisant, pour mesurer les effets toxiques à long terme des OGM.

Pour être précise, l’étude de Séralini n’est pas la première du genre, mais la seconde, la première ayant été conduite par le laboratoire de l’Italienne Manuela Malatesta (voir ci-dessous).

Or, comme je j’avais révélé dans Le monde selon Monsanto, la multinationale a déployé une énergie considérable pour bloquer toute étude de longue durée conduite par des laboratoires indépendants.

Voici ce que j’écrivais dans mon livre :

EXTRAIT DU MONDE SELON MONSANTO

« C’est de la mauvaise science »

« Ce n’est pas à Monsanto de garantir la sécurité des aliments transgéniques, a déclaré en octobre 1998 Phil Angell, le directeur de la communication de la multinationale. Notre intérêt, c’est d’en vendre le plus possible. Assurer leur sécurité, c’est le job de la FDA[ii]. » La citation ne fait même pas sourire James Maryanski, qui assure manger du soja transgénique tous les jours, « parce qu’aux États-Unis, 70 % des aliments disponibles dans les magasins contiennent des OGM. La FDA est confiante que ce soja présente la même sécurité alimentaire que les autres variétés, m’affirme-t-il lors de notre rencontre en juillet 2006.

– Comment la FDA peut-elle en être sûre ?

– C’est fondé sur les données que la compagnie a fournies à la FDA et qui ont été évaluées par les scientifiques de l’agence. Et ce n’est pas dans l’intérêt d’une entreprise de conduire une étude pour ensuite en masquer les résultats », me répond l’ancien « coordinateur de la biotechnologie » de la FDA.

On aimerait bien partager l’optimisme de James Maryanski. Mais, pour être franche, tous les doutes sont permis. C’est en tout cas l’impression que j’ai eue après mon long entretien avec le professeur Ian Pryme — que j’ai rencontré le 22 novembre 2006 dans son laboratoire du département de biochimie et de biologie moléculaire de l’université de Bergen, en Norvège. En 2003, ce scientifique d’origine britannique et un collègue danois, le professeur Rolf Lembcke (aujourd’hui décédé), ont eu la bonne idée d’analyser les (rares) études toxicologiques conduites sur les aliments transgéniques[iii]. Parmi elles, il y avait la seconde étude publiée en 1996 par des chercheurs de Monsanto, qui visait cette fois-ci à évaluer l’éventuelle toxicité du soja Roundup ready[iv].

« Nous avons été très surpris de découvrir qu’il n’y avait que dix études recensées dans la littérature scientifique, m’explique Ian Pryme, c’est vraiment très peu au regard de l’enjeu.

– Comment l’expliquez-vous ?

– D’abord, il faut savoir qu’il est très difficile de se procurer des échantillons des matériaux transgéniques parce que les firmes en contrôlent l’accès. Elles exigent une description détaillée du projet de recherche, et elles sont très réticentes à fournir leurs OGM à des scientifiques indépendants pour qu’ils les testent. Quand on insiste, elles évoquent le “secret commercial”. Par ailleurs, il est très difficile d’obtenir des financements pour conduire des études sur les effets à long terme des aliments transgéniques. Avec des collègues provenant de six pays européens, nous avons demandé des fonds à l’Union européenne, qui a refusé sous prétexte que les compagnies avaient déjà conduit elles-mêmes ce genre d’études…

– Que dire de l’étude conduite par Monsanto sur les rats, poulets, poissons-chats et vaches laitières ?

– Elle est très importante, parce qu’elle a servi de base au principe d’équivalence en substance et elle explique, en partie, l’absence d’études complémentaires. Mais je dois dire qu’elle est très décevante d’un point de vue scientifique. Si on m’avait demandé de la relire avant publication, je l’aurais rejetée, car les données fournies sont trop insuffisantes. Je dirais même que c’est de la mauvaise science…

– Avez-vous essayé de vous procurer les données brutes de l’étude ?

– Oui, mais malheureusement, Monsanto a refusé de les communiquer au motif qu’elles étaient couvertes par le secret commercial… C’est la première fois que j’entendais un tel argument concernant les données d’une recherche… Normalement, dès qu’une étude est publiée, n’importe quel chercheur peut demander à consulter les données brutes, pour répéter l’expérience et contribuer au progrès scientifique. Le refus de Monsanto donne immanquablement l’impression que la firme a quelque chose à cacher : soit que les résultats ne sont pas suffisamment convaincants, soit qu’ils sont mauvais, soit que la méthodologie et le protocole utilisés ne sont pas suffisants pour résister à une analyse scientifique rigoureuse. Pour faire notre étude, nous avons donc dû nous contenter du résumé fourni par la firme aux agences de réglementation. Et il y a des choses très troublantes.

Par exemple, à propos de l’étude sur les rats, les auteurs écrivent : “À part leur couleur marron foncée, les foies paraissaient normaux lors de la nécropsie. […] Cette couleur n’est pas considérée comme étant liée à la modification génétique.” Comment peuvent-ils prétendre cela sans faire des sections des foies et les observer au microscope pour être sûr que cette couleur marron foncée est normale ? Manifestement, ils se sont contentés d’une évaluation oculaire des organes, ce qui n’est pas une manière scientifique de conduire une étude post mortem. De même, les auteurs indiquent que “les foies, les testicules et les reins ont été pesés” et que “plusieurs différences ont été observées”, mais qu’elles ne furent “pas considérées comme étant liées à la manipulation génétique”… Encore une fois, comment peuvent-ils affirmer cela ? Manifestement, ils n’ont pas analysé les intestins ni les estomacs, ce qui constitue une faute très grave dans une étude toxicologique. Ils disent aussi que quarante tissus ont été prélevés, mais on ne sait pas lesquels ! D’ailleurs, je ne connais que vingt-trois tissus répertoriés, comme la peau, les os, la rate, la thyroïde… Quels sont les autres ?

De plus, les rats utilisés pour l’expérience avaient huit semaines : ils étaient trop vieux ! D’habitude, pour une étude toxicologique, on utilise de jeunes cobayes, pour voir si la substance testée a un impact sur le développement de leur organisme qui est en pleine croissance. Le meilleur moyen de cacher des effets nocifs éventuels, c’est d’utiliser des cobayes âgés, d’autant plus que, malgré les anomalies constatées, l’étude n’a duré que vingt-huit jours, ce qui n’est pas suffisant… Le dernier paragraphe du texte résume bien l’impression générale : “Les études toxicologiques fournissent une certaine assurance qu’aucun changement majeur ne s’est produit avec le soja modifié génétiquement…” Je ne veux pas une “certaine assurance”, mais une assurance à 100 % ! En fait, quand on sait que cette étude a justifié l’introduction des OGM dans la chaîne alimentaire, on ne peut qu’être inquiets… Mais que faire ? Regardez ce qui est arrivé récemment à ma collègue Manuela Malatesta… »

La peur de Monsanto

J’ai rencontré Manuela Malatesta le 17 novembre 2006, à l’université de Pavie en Italie. Elle était encore traumatisée par l’expérience qu’elle venait de vivre et qui l’avait contrainte à quitter l’université d’Urbino, où elle avait travaillé pendant plus de dix ans. « Tout ça à cause d’une étude sur les effets du soja transgénique[v] », me dit-elle avec un soupir. En effet, la jeune chercheuse a fait ce que personne n’avait fait : répéter l’étude toxicologique conduite en 1996 par Monsanto. Avec son équipe, elle a nourri un groupe de rats avec une diète habituelle (groupe contrôle) et un autre groupe avec la même diète à laquelle avait été ajouté du soja Roundup ready (groupe expérimental). Pris dès le sevrage, les cobayes ont été suivis jusqu’à leur mort (en moyenne deux ans plus tard). « Nous avons étudié les organes des rats au microscope électronique, m’explique Manuela Malatesta, et nous avons constaté des différences statistiquement significatives, notamment dans les noyaux des cellules du foie des rats nourris avec du soja transgénique. Tout semble indiquer que les foies avaient une activité physiologique plus élevée. Nous avons trouvé des modifications similaires dans les cellules du pancréas et des testicules.

– Comment expliquez-vous ces différences ?

– Malheureusement, nous aurions aimé poursuivre ces études préliminaires, mais nous n’avons pas pu, car les financements se sont arrêtés… Nous n’avons donc que des hypothèses : les différences peuvent être dues à la composition du soja ou aux résidus de Roundup. Je précise que les différences que nous avons constatées ne sont pas des lésions, mais la question est de savoir quel rôle biologique elles peuvent avoir à long terme, et pour cela il faudrait développer une autre étude…

– Pourquoi ne le faites-vous pas ?

– Ah !, murmure Manuela Malatesta, en cherchant ses mots. Actuellement, la recherche sur les OGM est un sujet tabou… On ne trouve pas d’argent pour cela. Nous avons tout fait pour trouver un complément de financement, mais on nous a répondu que, comme dans la littérature scientifique il n’y avait pas de données qui prouvent que les OGM provoquent des problèmes, il était donc totalement inutile de travailler là-dessus. On ne veut pas trouver de réponses aux questions qui gênent… C’est le résultat de la peur diffuse qu’il y a de Monsanto et des OGM en général… D’ailleurs, quand j’ai parlé des résultats de l’étude à certains de mes collègues, ils m’ont vivement déconseillé de les publier, et ils avaient raison, car j’ai tout perdu, mon laboratoire, mon équipe… J’ai dû recommencer à zéro dans une autre université, grâce à un collègue qui m’a soutenue…

– Est-ce que les OGM vous inquiètent ?

– Aujourd’hui, oui ! Pourtant, au début, j’étais persuadée qu’ils ne posaient pas de problèmes, mais maintenant les secrets, les pressions et la peur qui les entourent me font douter… »

Un sentiment qui, nous allons le voir, est partagé par d’autres scientifiques comme le « dissident » Arpad Pusztai, victime de la toile tissée par Monsanto un peu partout dans le monde…


[i] <www.ratical.org/co-globalize/MonsantoRpt.html>.

[ii] The New York Times, 25 octobre 1998.

[iii] Ian Pryme et Rolf Lembcke, « In vivo studies on possible health consequences of genetically modified food and feed-with particular regard to ingredients consisting of genetically modified plant materials », Nutrition and Health, vol. 17, 2003.

[iv] Bruce Hammond, John Vicini, Gary Hartnell, Mark Naylor, Christopher Knight, Edwin Robinson, Roy Fuchs, Stephen Padgette, « The feeding value of soybeans fed to rats, chickens, catfish and dairy cattle is not altered by genetic incorporation of glyphosate tolerance », The Journal of Nutrition, avril 1996, vol. 126, n° 3, p. 717-727.

[v] Manuela Malatesta et alii, « Ultrastructural analysis of pancreatic acinar cells from mice fed on genetically modified soybean », Journal of Anatomy, vol. 201, novembre 2002, p. 409-415 ; Manuela Malastesta et alii, « Fine structural analyses of pancreatic acinar cell nuclei from mice fed on genetically modified soybean », European Journal of Histochemistry, octobre-décembre 2003, p. 385-388. Voir aussi, « Nouveaux soupçons sur les OGM », Le Monde, 9 février 2006.

Bande annonce les moissons du futur

Je suis heureuse de mettre en ligne sur mon Blog la bande annonce de mon nouveau film Les moissons du futur, qui sera diffusé sur ARTE, le 16 octobre, à 20 heures 40.

Faites circulez l’information et la vidéo!

Par ailleurs, je publie le texte qui constitue la 4ème de couverture de mon livre  Les moissons du futur. Comment l’agroécologie peut nourrir le monde, qui sera en librairie le 8 octobre (Une coédition La Découverte/Arte-Éditions)

« Si on supprime les pesticides, la production agricole chutera de 40 % et on ne pourra pas nourrir le monde. » Prononcée par le patron de l’industrie agroalimentaire française, cette affirmation est répétée à l’envi par les promoteurs de l’agriculture industrielle. De son côté, Olivier de Schutter, le rapporteur spécial pour le droit à l’alimentation des Nations unies, affirme qu’il faut « changer de paradigme », car « l’agriculture est en train de créer les conditions de sa propre perte ». Pour lui, « seule l’agroécologie peut relever le défi de la faim et répondre aux besoins d’une population croissante ». D’après la FAO, il faudra augmenter la production agricole de 70 % pour nourrir 9 milliards de Terriens en 2050. Comment y parvenir ?

C’est à cette question que répond ici Marie-Monique Robin, en menant l’enquête sur quatre continents. S’appuyant sur les témoignages d’experts mais aussi de nombreux agriculteurs, elle dresse le bilan du modèle agro-industriel : non seulement il n’est pas parvenu à nourrir le monde, mais il participe largement au réchauffement climatique, épuise les sols, les ressources en eau et la biodiversité, et pousse vers les bidonvilles des millions de paysans. Et elle explique que, pratiquée sur des exploitations à hauteur d’homme, l’agroécologie peut être hautement efficace et qu’elle représente un modèle d’avenir productif et durable.

Du Mexique au Japon, en passant par le Malawi, le Kénya, le Sénégal, les États-Unis ou l’Allemagne, son enquête étonnante montre que l’on peut « faire autrement » pour résoudre la question alimentaire en respectant l’environnement et les ressources naturelles, à condition de revoir drastiquement le système de distribution des aliments et de redonner aux paysans un rôle clé dans cette évolution.


 

For the no  frenchspeaking public, I put the english trailer of Crops of the Future.

For more informations about this documentary contact:

www.m2rfilms.com

L’agriculture industrielle accélère le réchauffement climatique

Je profite de l’une des questions posées par un internaute (« question? ») à la suite de mon dernier papier (Interview d’Olivier de Schutter) pour expliquer pourquoi l’agriculture industrielle émet des gaz à effet de serre, contrairement aux pratiques agroécologiques (agroforesterie, techniques culturales simplifiées ou permaculture) qui, elles, en revanche, permettent de créer des « puits de carbone« . Ce papier est le premier d’une série, car je ne peux pas expliquer tout d’un coup, pour cela j’ai écrit un livre de 300 pages!

D’après le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), l’agriculture totalise à elle seule 33% des émissions de gaz à effet de serre (GES), bien avant l’industrie (19,4%) ou l’approvisionnement énergétique (25,9%). [1] Les 33% se déclinent en deux postes principaux : l’agriculture industrielle (14%) et la déforestation (19%).

Or, comme je l’ai écrit, nous sommes devant un incroyable paradoxe:  les grandes exploitations agro-industrielles sont, aujourd’hui, des productrices de GES, alors qu’au contraire, l’agriculture devrait avoir un bilan positif. Pour en comprendre les raisons, je m’appuierai sur un excellent document de Nature Québec, qui a conçu un manuel, destiné aux agriculteurs et aux décideurs, et intitulé « Des pratiques agricoles ciblées pour la lutte aux changements climatiques » [2].

Les auteures commencent par rappeler quels sont les gaz qui constituent les fameux « GES »: il y  a, bien sûr le CO2, qui constitue le principal (et le plus connu) d’entre eux. S’y ajoutent deux autres gaz, émis principalement par l’activité agricole : le méthane (CH4) et le protoxyde d’azote (N2O), dont le pouvoir de réchauffement global est beaucoup plus élevé que le CO2 [3] [4].

« Les GES sont naturellement présents dans l’atmosphère, expliquent-elles. Ces gaz forment une couche autour de la Terre, qui lui permet de conserver sa chaleur : c’est l’effet de serre. En effet, le soleil réchauffe la Terre qui, par la suite, réémet une partie de sa chaleur vers l’espace. Les GES présents dans l’atmosphère emprisonnent une partie de cette chaleur, l’empêchant de retourner dans l’espace. Ce phénomène permet de conserver des températures moyennes de 15 °C sur notre planète. Sans cela, il y ferait environ – 18 °C, ce qui ne permettrait pas la vie telle que nous la connaissons ».

Quelles sont maintenant les sources d’émission des différents gaz dans le milieu agricole ? Concernant le dioxyde de  carbone, la source « naturelle », c’est la respiration des plantes et des animaux. S’y ajoutent deux sources (les plus importantes) qui n’existaient pas avant l’avènement de l’agriculture industrielle : l’utilisation des combustibles fossiles (pétrole et gaz) due à la mécanisation et aux techniques d’irrigation, mais aussi à l’usage intensif d’intrants chimiques, et la décomposition de la matière organique du sol par les microorganismes, qui produit du CO2, quand les sols sont nus, ce qui caractérise les pratiques agricoles industrielles. Ces émissions massives de CO2 ne sont pas compensées par l’activité de photosynthèse des plantes, des arbustes et des arbres présents dans les exploitations agroindustrielles, qui  captent  et accumulent le carbone dans leur biomasse pour se développer. Résultat : au lieu d’être globalement captatrice de carbone, l’agriculture industrielle est émettrice de CO2.

Concernant le protoxyde d’azote (N2O), le plus puissant des GES, il est émis presque exclusivement par le secteur agricole. Sa création est liée au cycle de l’azote (N), dont les plantes ont besoin pour croître, mais dont la présence excessive dans le sol est néfaste. Ainsi que l’expliquent les auteurs du manuel québécois, « c’est dans l’atmosphère que l’on retrouve les plus grandes quantités d’azote, principalement sous forme de N2, ce dernier n’étant pas un GES ». Les légumineuses, comme le soja, la luzerne et le trèfle, ont la capacité de fixer l’azote de l’air et de le transformer sous une forme assimilable par les plantes, grâce à une association symbiotique avec certaines bactéries du sol (les rhizobium).  Une autre manière d’enrichir le sol en azote, c’est d’enfouir des résidus de végétaux dans le sol ou d’épandre des fumiers. Les microorganismes se chargent alors de ce que l’on appelle le «  processus de nitrification et de dénitrification de l’azote » : « lors de la nitrification, l’ammonium (NH4+) est converti en nitrate (NO3-), et lors de la dénitrification, les nitrates (NO3-) sont convertis en azote atmosphérique (N2) ». Le protoxyde d’azote (N2O) est un sous-produit de ces processus . Si l’émission de ce GES puissant a considérablement augmenté au cours des trente dernières années, c’est parce que les adeptes de l’agriculture industrielle ont massivement recours à des engrais de synthèse pour nourrir leurs sols ( de plus en plus dégradés) en azote. Or, « les excédents d’azote non exploités par les plantes sont disponibles pour les micro-organismes producteurs de N2O ». L’usage intensif d’engrais chimiques explique, donc, l’émission de protoxyde d’azote, mais est aussi  à l’origine de la pollution des eaux par les nitrates. [5]

Enfin, comme le protoxyde d’azote, le méthane (CH4) est directement lié à l’activité agricole. Ses principales sources d’émission sont les fumiers, mais aussi, et surtout, le système digestif des ruminants. Le développement de l’élevage intensif de bétail, nourri avec des aliments de synthèse, qui sont plus difficiles à assimiler qu’un fourrage naturel de qualité (herbe des prairies ou foin) et qui entraînent, donc,  une perturbation du processus de fermentation entérique, est à l’origine de l’augmentation des émissions de méthane dans l’atmosphère.

Comme l’expliquent les experts que j’ai interviewés dans mon film et livre Les moissons du futur ,  les techniques agroécologiques permettent d’inverser radicalement la tendance, en refaisant de l’agriculture ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être : une activité captatrice de carbone, avec un bilan de N2O et de CH4 neutre.


[1] Source : « Bilan 2007 des changements climatiques », GIEC, Rapport de synthèse, 2007.

[2] Jeanne Camirand, Christine Gingras, Module 1, Des pratiques agricoles ciblées pour la lutte aux changements climatiques, Nature Québec, 2009.  Document réalisé dans le cadre du projet Agriculture et climat : vers des fermes 0 carbone, 44 pages

[3] Pour une meilleure comparaison de l’impact de chacun des GES, leur concentration est souvent exprimée sur une même base : le CO2 équivalent (CO2e dans le texte). Le CO2e est une mesure des GES, qui tient compte du pouvoir de réchauffement global (PRG) par rapport au gaz de référence, le CO2. C’est ainsi que le N2O, pour une même quantité, réchauffe 310 fois plus l’atmosphère que le CO2, donc 1 kg de N2O émis correspond à 310 kg de CO2e. Le PRG du CH4 est de 21 COEe.

[4] Depuis l’ère industrielle, la concentration de ces trois gaz a augmenté  de 30 % pour le CO2, de 150 % pour le CH4 et de 16 % pour le N2O . Source :« Inventaire québécois des émissions de gaz à effet de serre en 2006 et leur évolution depuis 1990 », Ministère du développement durable de l’environnement et des parcs, 2008

[5] Au Canada, 15 à 20 % des émissions de protoxyde d’azote provenant des activités agricoles sont dus à l’utilisation d’engrais de synthèse. E.G. Gregoritch et Al , « Greenhouse gas contributions of agricultural soils and potential mitigation practices in Eastern Canada »,  Soil and Tillage Research., 2005, Vol 83, p. 53-72.

Interview d’Olivier de Schutter

C’était aujourd’hui la conférence de rentrée d’ARTE qui a présenté à une cinquantaine de journalistes les « événements » qui marqueront l’automne 2012, tant dans le domaine de la fiction, de l’animation ou du documentaire.  J’ai participé à ce déjeuner organisé à l’Élysées Biarritz, sous la présidence de Véronique Cayla, car mon film (et livre) Les moissons du futur fait partie des moments forts que la chaîne a décidé de mettre en avant.

À partir d’aujourd’hui, je mettrai en ligne régulièrement des informations concernant cette nouvelle enquête, pour laquelle, je le rappelle, ARTE a d’ores et déjà ouvert un site pour préparer la sortie du film, programmée le 16 octobre à 20 heures 40 :

http://www.arte.tv/fr/Un-nouveau-tour/6815836,CmC=6847730.html

N’oubliez pas de faire circuler l’information sur vos carnets d’adresses et tous les réseaux sociaux !

Pour préparer mon tour du monde, j’ai travaillé en étroite collaboration avec Olivier de Schutter, le rapporteur des Nations Unies pour le droit à l’alimentation, qui a présenté un rapport sur l’agroécologie, le 8 mars 2011, à Genève.

http://www.srfood.org/index.php/fr/rapports-publies

J’ai bien sûr filmé son allocution , qui ouvre (en partie ) le documentaire, puis je l’ai interviewé.

Je mets ici en ligne un extrait de cet entretien, où Olivier de Schutter explique pourquoi l’agroécologie est bien plus en mesure de nourrir le monde et de répondre au défi du changement climatique que l’agriculture industrielle, qui a échoué sur ces deux fronts : aujourd’hui, près d’un milliard de personnes souffrent de la faim, malgré les énormes moyens déployés depuis cinquante ans pour promouvoir le modèle agrochimique, qui, de plus, est responsable de 14% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, alors que l’agriculture devrait être une activité captatrice de CO2 ! Si l’agriculture industrielle participe largement au réchauffement climatique, c’est notamment parce que ses adeptes utilisent des engrais et pesticides chimiques, fabriqués avec des énergies fossiles (gaz et pétrole), ainsi que des techniques qui consomment énormément d’énergie (mécanisation, irrigation, transports d’intrants, etc).

Il est urgent de changer de cap !

Photo: quelques minutes avant l’allocution d’Olivier de Schutter devant le Conseil des droits de l’Homme de Genève.



Les moissons du futur et nouvelles d’Argentine

Après deux mois de silence, je reprends fermement l’écriture de mon Blog !

Depuis mon retour du Japon, j’ai été littéralement happée par le montage de mon film et l’écriture de mon livre  Les moissons du futur , et autant dire que je n’ai pas chômée…

Je craignais même de ne pas parvenir à boucler l’écriture du livre avant la date butoir du 15 août, tant la tache était ample !

Mais c’est chose faite !

Le livre sera en librairie le 8 octobre et le documentaire sortira sur ARTE le 16 octobre à 20 heures 40.

Faites circuler l’information !

Le symbole de cette nouvelle enquête c’est un globe transparent qui m’a accompagnée tout au long de mon voyage autour du monde et qui constitue un lien entre tous les personnages – paysan(ne)s et experts – que j’ai rencontrés.

Début août, ARTE a ouvert un espace où les internautes peuvent dès maintenant consulter des vidéos et papiers que j’ai réalisés en marge du documentaire, des « pas de côté », parfois pleins d’humour, toujours riches en informations et images, qui permettent petit à petit de s’approprier la matière du film et du livre.

Le premier « module », aussi le plus « grave »,  concerne AGRA, l’Alliance pour une révolution verte en Afrique, financée par la fondation Bill & Melinda Gates , qui est très proche de … Monsanto. Mais je n’en dirais pas plus ! Allez plutôt sur le site ouvert par ARTE :

http://www.arte.tv/fr/Un-nouveau-tour/6815836,CmC=6847730.html

Monsanto, encore et toujours. La firme vient d’essuyer un beau désaveu en Argentine, où Sofia Gatica, une mère de famille très courageuse vient de recevoir le prestigieux prix Goldman, pour le combat qu’elle mène depuis des années contre les épandages de roundup sur les champs de soja transgéniques qui jouxtent son quartier d’habitation.

http://www.goldmanprize.org/recipient/sofia-gatica

J’avais raconté le drame de Sofia Gatica et de celles qu’on appelle les « mères de Ituzaingó », du nom du quartier qu’elles habitent dans la banlieue de Córdoba, dans mon livre Le monde selon Monsanto.

Puis, en mars 2009, j’avais rencontré Sofia Gatica (ci-dessous à ma gauche) lors de deux conférences que j’avais données en Argentine sur le désastre environnemental et sanitaire du modèle transgénique (voir photos ci-dessous).

L’histoire de Sofia est exemplaire. Rien ne préparait, en effet, cette  mère de famille à incarner la lutte contre les OGM de Monsanto. Au début des années 2000, Sofia perd une petite fille peu après sa naissance, qui souffre d’un dysfonctionnement grave des reins. Désireuse de comprendre à quoi peut être due cette malformation congénitale très rare, Sofia commence à faire du porte à porte dans son quartier, entouré de champs de soja transgénique, arrosé plusieurs fois par an de roundup, le sinistre herbicide de Monsanto.

Sofia découvre que de nombreuses familles ont des problèmes de santé récurrents qui sont survenus après l’introduction des OGM en Argentine. Avec seize autres mères de famille, elle fonde l’association des « mères de Ituzaingó », qui mène une véritable enquête épidémiologique. Elle découvre ainsi que dans le quartier le taux de cancer est quarante-et-un fois supérieur à la moyenne nationale, et que l’incidence des troubles neurologiques, des malformations congénitales, ou des  morts foetales y est exceptionnellement élevée.

Commence alors un difficile combat pour que les autorités acceptent simplement de s’intéresser à ce drame humain, et au-delà au désastre qu’entraînent les cultures transgéniques pour l’environnement et les populations qui vivent à proximité des OGM : Sofia a été plusieurs fois menacée de mort par ceux qui profitent des OGM de Monsanto.

Lors de la conférence que j’avais donnée à la Bibliothèque nationale de Buenos Aires, je me souviens que l’Association des avocats environnementalistes d’Argentine m’avait annoncé qu’elle allait se baser sur les nombreuses révélations du Monde selon Monsanto pour assister les riverains qui voulaient porter plainte contre les épandages de roundup.

De mon côté, j’avais rencontré Alberto Hernandez, le secrétaire d’Etat à l’agriculture à qui j’avais remis un exemplaire de mon livre.

C’est ainsi qu’en 2009, puis en 2010, plusieurs juges ont pris des arrêtés interdisant l’épandage des poisons agricoles à moins de 1500 mètres des habitations.

Et puis, en juin dernier, s’est ouvert le premier procès argentin contre les épandages de pesticides à proximité des zones résidentielles.

Deux grands « sojeros » (producteurs de soja transgénique) sont accusés d’avoir commandité l’épandage aérien de glyphosate (la substance active du roundup) et d’endosulfan au-dessus de champs d’OGM proches du quartier d’Ituzaingó. J’ai été invitée à participer à ce procès comme témoin, mais j’ai dû malheureusement décliner en raison du tournage de mon film  Les moissons du futur , qui  montre  que ce sont les pesticides et OGM- et précisément le modèle agronomique et économique qu’ils incarnent- qui affament le monde

En d’autres termes : si on veut nourrir le monde, il faut de toute urgence interdire les poisons chimiques – pesticides et OGM – en développant des techniques agroécologiques, respectueuses des ressources naturelles, moins gourmandes en énergies fossiles et eau, captatrices de dioxyde de carbone et non plus émettrices de gaz à effet de serre comme l’est aujourd’hui l’agriculture chimique, et surtout saines pour l’environnement et les humains.

Rendez-vous le 16 octobre sur ARTE!