Séralini gagne son procès

J’ai le plaisir de vous informer que le professeur Gilles Éric Séralini a gagné le procès en diffamation qu’il a intenté à Marc Fellous, généticien et  président de l’Association française des biotechnologies végétales (AFBV).
Je rappelle que M. Fellous avait qualifié M. Séralini de « militant » et de « marchand de la peur » dans un courrier adressé à France Télévision où il critiquait violemment la participation  du chercheur de Caen dans l’émission « Santé magazine » où celui-ci avait présenté ses travaux mettant en cause l’innocuité du maïs OGM (voir sur ce blog).

Les juges de la 17 ème chambre correctionnelle du tribunal de Paris ont jugé « diffamatoire » que Marc Fellous suggère que les travaux du professeur Séralini étaient « financés par Greenpeace », alors qu’il présente l’AFBV comme une « ONG créée en juin 2009, strictement indépendante » (!)

Sur mon Blog, j’ai montré les nombreux liens qui unissent les responsables et fondateurs de  l’ AFBV avec les sociétés semencières et fabricants d’OGM.

Marc Fellous a été condamné à 1000 Euros d’amende et devra verser à Gilles-Eric Séralini 1 Euro de dommages et intérêt , ainsi que 4OOO Euros de prise en charge des frais de justice.

Dans une interview à Rue 89, Corinne Lepage , l’avocate de Gilles-Eric Séralini, souligne à juste titre que les défenseurs des OGM, qui manifestement sont à court d’arguments scientifiques, ont toujours recours aux mêmes méthodes : « On ne discute pas du fond, on agresse la personne en disant que c’est un incompétent ».

http://www.rue89.com/planete89/2011/01/18/le-chercheur-anti-ogm-seralini-remporte-son-proces-en-diffamation-177559?page=0

Hommage à Yannick Chenet

Lundi dernier s’est tenue au Club de l’Etoile à Paris la présentation à la presse de mon film « Notre poison quotidien », qui, je le rappelle, sera diffusé sur ARTE le mardi 15 mars à 20 heures 40.

Quatre vingt journalistes étaient présents (photos)

Je remercie vivement toute l’équipe d’ARTE pour l’organisation de cette belle projection qui a été suivie d’une longue discussion avec les nombreux représentants de la presse.
Dans la salle il y avait aussi Paul François (photo 1), un agriculteur de Ruffec qui a été victime d’une grave intoxication au Lasso, un herbicide produit par Monsanto, récemment interdit par l’Union européenne.
Dans mon livre je consacre un chapitre entier à l’histoire de Paul, qui souffre aujourd’hui de  troubles neurologiques récurrents.
Mon film ouvre sur une séquence que j’ai filmée à Ruffec où une trentaine d’agriculteurs malades s’étaient réunis en janvier 2010, à l’initiative du Mouvement pour le droit et le respect des générations futures, le MDRGF, rebaptisé récemment Mouvement pour les générations futures.

La plupart des participants avaient obtenu le statut de « maladie professionnelle » par la Mutualité sociale agricole, après une longue procédure.
Dans un entretien exceptionnel, le docteur Jean-Luc Dupupet , le médecin en charge du risque chimique à la MSA, m’explique qu’aujourd’hui la mutuelle accorde le statut de maladie professionnelle pour une dizaine de cancers (leucémies, lymphomes, cancers de la prostate, du cerveau, de la peau, du pancréas, du foie, etc) et deux maladies neurodégénératives (la maladie de Parkinson et de Charcot).

Cette reconnaissance courageuse de la MSA s’appuie sur les nombreuses études épidémiologiques ou expérimentales (sur des animaux de laboratoire) qui montrent un lien entre l’exposition aux pesticides et ces pathologies chroniques. Lors de mon enquête, j’ai rencontré plusieurs scientifiques américains et européens qui ont conduit des travaux sur les effets mutagènes, cancérigènes ou reprotoxiques des pesticides
A l’issue de la réunion de janvier 2010, les agriculteurs et les organisations présentes ont signé « l’Appel de la Ruffec » qui demande notamment la réévaluation, voire le retrait du marché, de tous les poisons chimiques utilisés dans l’agriculture, dont les paysans sont les premières victimes.
Lundi, j’ai dédié mon film à la mémoire de Yannick Chenet, un viticulteur de Charentes Maritime, qui a participé à la réunion de Ruffec, et qui est mort samedi dernier des suites de d’une leucémie due à l’exposition chronique aux pesticides. Il avait aussi obtenu le statut de maladie professionnelle.

Je mets aussi en ligne les trois premières pages du dossier de presse très complet réalisé par ARTE et l’INA, le producteur de mon film.


Paracelse: « la dose fait le poison »

Je profite de la remarque très éclairée de « La coupe est pleine » pour livrer un premier extrait de mon livre Notre poison quotidien, qui sera en librairie le 7 mars prochain. Dans cet ouvrage de plus de 400 pages, j’explique notamment le rôle joué par Paracelse dans le système d’évaluation des poisons chimiques qui contaminent notre alimentation.

En effet, le médecin suisse du  XVI ème siècle qui est cité à toutes les sauces, est l’auteur d’une phrase, qui constitue le dogme central de l »idéologie de la dose journalière acceptable« , pour reprendre les termes de René Truhaut, considéré comme  l' » initiateur de la DJA » (voir mon commentaire précédent « Pourquoi ce titre?): « Rien n’est poison, tout est poison: seule la dose fait le poison. »

Voici donc ce que j’écris dans mon livre:

EXTRAIT

Né Philippus Theophrastus Aureolus Bombastus von Hohenheim, celui qui est entré dans l’histoire sous le nom de « Paracelse » était un alchimiste, astrologue et médecin suisse, à la fois rebelle et mystique, qui a dû maintes fois se remuer dans sa tombe,  en voyant comment les toxicologues du XX ème siècle ont abusé de son nom pour justifier la vente massive de poisons. Parmi les coups de gueule légendaires du « médecin maudit » [1] , l’un mérite d’être médité par tous ceux qui sont chargés de la protection de notre santé :  « Qui donc ignore que la plupart des médecins de notre temps ont failli à leur mission de la manière la plus honteuse, en faisant courir les plus grands risques à leurs malades ? » [2] , s’emporte le professeur de médecine,  alors qu’il vient de brûler les manuels classiques de sa discipline devant l’ Université de Bâle , ce qui, on  s’en doute, lui  valut quelques solides inimitiés.

«  Allergique à tout argument d’autorité » [3] – chose que semblent aussi avoir oublié ceux qui appliquent les yeux fermés le principe qui porte son nom – Paracelse est à la fois considéré comme le père de l’homéopathie et de la toxicologie, deux disciplines  qui, aujourd’hui, ne s’apprécient guère. La première revendique l’une de ses phrases les plus célèbres, dont s’est d’ailleurs aussi inspiré Pasteur, lorsqu’il inventa le premier vaccin : « Ce qui guérit l’homme peut également le blesser et ce qui l’a blessé peut le guérir. » La seconde en préfère une autre, somme toute complémentaire : « Rien n’est poison, tout est poison: seule la dose fait le poison. »[4]

L’idée que « la dose fait le poison » remonte à l’Antiquité. Dans leur livre Environnement et santé publique, Michel Gérin et ses coauteurs rapportent que « le roi Mithridate consommait régulièrement des décoctions contenant plusieurs dizaines de poisons afin de se protéger d’un attentat de ses ennemis. Il aurait si bien réussi que , fait prisonnier, il échoua dans sa tentative de se suicider à l’aide de poison ». [5] C’est au Grec que l’on doit le mot « mithridatisation » qui désigne « l’accoutumance ou l’immunité acquise à l’égard de poisons par exposition à des doses croissantes ».

S’appuyant sur ses propres observations, Paracelse considère que des substances toxiques peuvent être bénéfiques à petites doses, et qu’inversement une substance a priori inoffensive comme l’eau peut s’avérer mortelle si elle est ingérée en trop grande quantité.

Nous verrons ultérieurement que le principe de la « dose fait le poison », – dogme intangible de l’évaluation toxicologique des poisons modernes -,  n’ est pas valide pour de nombreuses  substances, dont celles qu’on appelle « les perturbateurs endocriniens » et qu’il est souvent complètement inopérant , car il ignore la multiplicité des poisons auxquels nous sommes quotidiennement exposés, lesquels peuvent interagir ou s’additionner, en vertu de « l’effet cocktail ».  Mais nous n’en sommes pas encore là…

FIN DE L’EXTRAIT

En prime: une photo prise dans « les sous-sols  » de l’OMS où sont conservées toutes les études fournies par l’industrie pour que les experts puissent établir la fameuse Dose journalière acceptable et les Limites maximales de résidus des poisons utilisés dans l’agriculture.


[1] René Allendy, Paracelse. Le médecin maudit, Dervy-Livres, 1987.

[2] Paracelsus, Liber paragraphorum, in Sämtliche Werke, Editions K. Sudhoff , t. IV, p. 1-4 .

[3] Andrée Mathieu , Le 500e anniversaire de Paracelse, L’Agora, vol. 1, no 4, décembre 1993/janvier 1994.

[4] Rebelle invétéré, Paracelse n’écrivait pas en latin, mais en allemand. Pour les germanistes, la phrase originale est : « Alle Ding sind Gift, und nichts ohn Gift; allein die Dosis macht, das ein Ding kein Gift ist ». Mot à mot : tout est poison et rien n’est sans poison. Seule la dose fait qu’une chose n’est pas un poison.

[5] Michel Gérin, Pierre Gosselin, Sylvaine Cordier, Claude Viau, Philippe Quénel, Eric Dewailly, Environnement et santé publique. Fondements et pratiques, , Edisem Inc, 2003, p.120. À noter que l’on soupçonne que les poisons utilisés par le malheureux roi, qui sera finalement tué par un mercenaire, d’avoir été éventrés…

Notre poison quotidien: pourquoi ce titre?

Comme promis, je voudrais expliquer comment le titre de mon livre et film  Notre poison quotidien a été choisi.

Au cœur de ma nouvelle enquête , il y a une question fondamentale : comment les produits chimiques qui contaminent notre chaîne alimentaire sont-ils testés, évalués, puis réglementés ?

Pour pouvoir répondre à cette question, qui concerne exclusivement les pesticides, les additifs et plastiques alimentaires (et donc pas les autres polluants environnementaux, comme les radiations nucléaires ou les ondes magnétiques), je me suis intéressée à l’histoire des produits concernés.

C’est ainsi que j’ai découvert que les « produits phytosanitaires », selon le terme euphémisant utilisé par l’industrie et les pouvoirs publics, sont des dérivés des gaz de combat mis au point par un  chimiste allemand du nom de Fritz Haber pendant la première guerre mondiale.

Ses travaux sur les gaz chlorés ont ouvert la voie à la production industrielle d’insecticides de synthèse, dont le plus célèbre est le DTT, qui fait partie de la vaste famille des organochlorés. Suivront les organophosphorés, dont le développement dans l’entre-deux guerres est directement lié à la recherche sur de nouveaux gaz de combat, qui finalement ne seront jamais utilisés à des fins militaires., mais seront recyclés dans l’agriculture chimique.

Comme le souligne un film institutionnel du ministère de la santé américain du début des années 1960, que j’ai utilisé dans mon film, les pesticides sont bel et bien des « poisons », car ils ont été conçus pour tuer. La grande famille des pesticides est d’ailleurs identifiable par le suffixe commun « – cide », – du latin caedo, cadere , « tuer » – car d’après leur étymologie, les pesticides sont des tueurs de « pestes », du latin « pestis » qui désigne  des fléaux ou calamités  : les adventices, ou « mauvaises herbes » (herbicides), les insectes (insecticides), les champignons (fongicides), les escargots et autres limaces (mollusticides), les vers (nématicides), les rongeurs (rodenticides), ou les corbeaux (corvicides).

C’est précisément parce qu’ils sont hautement toxiques et nocifs pour la santé de ceux qui y sont exposés (les agriculteurs, mais aussi les consommateurs) que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et la Food and Agriculture Organization (FAO) ont inventé un système qui permet d’évaluer la toxicité des pesticides (mais aussi des additifs et plastiques alimentaires-), dont le pilier s’appelle la « Dose Journalière Acceptable » (DJA). Certains emploient l’expression « Dose journalière admissible » mais je préfère utiliser celle qu’a proposée René Truhaut, un toxicologue français, considéré comme le « père de la DJA« , dans les (rares) articles qu’il a consacrés à son « invention ».

Ce concept, dont j’ai reconstitué l’origine grâce à mes recherches dans les archives de l’OMS , à Genève (voir photos ci-dessous) désigne « la quantité de substance chimique que l’on peut ingérer quotidiennement et pendant toute une vie sans qu’il n’y ait d’effet sur la santé ».

En termes clairs : c’est la quantité de poison que nous sommes censés pouvoir ingérer quotidiennement, car si ladite substance n’était pas un poison, il n’y aurait pas besoin d’inventer une DJA!

Voilà pourquoi , avec ARTE et La Découverte, j’ai décidé d’appeler mon film et livre Notre poison quotidien, car je montre comment notre nourriture est quotidiennement contaminée par de petites quantités de poisons divers et variés.

Le titre est aussi un clin d’œil à la référence des Evangiles que tout le monde connaît: « Notre pain quotidien« .

Les photos ci-dessous ont été prises par Marc Duployer, l’ingénieur du son de mon film,  à l’OMS.

»

« Notre poison quotidien » : le 15 mars sur ARTE

J’ai le plaisir de vous informer que mon film « Notre poison quotidien « sera diffusé le 15 mars sur ARTE, à 20 heures 40.

Le même jour mon livre éponyme sera dans les librairies ainsi que le DVD.

Je commence aujourd’hui une série de papiers qui vont expliquer la démarche que j’ai suivie pour réaliser cette longue enquête qui m’a conduite dans six pays européens (France, Italie, Allemagne, Suisse, Grande Bretagne, Danemark), aux Etats Unis, au Canada, au Chili, et en Inde.

Pourquoi cette enquête?

Alors que je travaillais sur le passé et le présent peu glorieux de Monsanto et que je découvrais comment depuis sa création au début du XXème siècle la firme n’a cessé de cacher la haute toxicité de ses produits, je me suis posé trois questions:

– Est-ce que le comportement de Monsanto constitue une exception dans l’histoire industrielle?

– Comment sont réglementés les 100 000 molécules chimiques qui ont envahi notre environnement depuis la fin de la seconde guere mondiale?

– Y-a-t il un lien entre l’exposition à ces produits chimiques et « l’épidémie de maladies chroniques évitables » que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a constatée surtout dans les pays dits « développés » ( les termes que j’ai mis entre guillemets sont ceux utilisés par l’OMS)?

Consciente que le champ d’investigation était très vaste, j’ai décidé de ne m’intéresser qu’aux seuls produits chimiques qui entrent en contact avec notre chaîne alimentaire du champ du paysan (pesticides) à l’assiette du consommateur (additifs et plastiques alimentaires).

Avant d’entreprendre mon nouveau tour du monde, j’ai réalisé un long travail de recherche préparatoire qui a consisté à lire de nombreux livres (une centaine, essentiellement anglophones), rapports, études scientifiques et j’ai rencontré des experts (toxicologues, biologistes, représentants des agences de réglementation) , soit directement lors de rendez-vous personnels ou lors de colloques spécialisés. J’ai aussi consulté les archives d’organisations internationales comme l’OMS ou le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) qui dépend de la première.

Prochain papier: pourquoi ce titre?

« Escadrons de la mort: l’école française » dans Télérama

J’invite les internautes qui n’ont pas vu mon film « Escadrons de la mort: l’école française » à le regarder sur le site de Télérama où il sera en ligne pendant vingt-quatre heures.

Voici l’introduction de cette opération exceptionnelle:

« Oui, il arrive que la télévision fasse bouger les choses. A condition que l’enquête soit percutante et trouve un écho dans les médias et chez les politiques. Durant cinq jours, nous vous proposons de voir ou revoir ces films exceptionnels qui ont provoqué des cataclysmes au moment de leur diffusion. Aujourd’hui, “Escadrons de la mort, l’école française”, un documentaire de Marie-Monique Robin, qui a fait trembler… l’Argentine, diffusé en 2003 sur Canal+. A revoir ici durant 24h (chrono).

http://www.telerama.fr/

Cette diffusion est liée au dossier qu’a réalisé le magazine, intitulé « Quand la télé change le monde » ( édition de cette semaine)

Comme l’explique Télérama, mon film , – qui a remporté cinq prix, dont le Laurier du sénat du meilleur documentaire politique -, a provoqué un « cataclysme » en Argentine.

En avril 2008 (voir sur mon Blog « Le monde selon Monsanto »), j’avais été cité à comparaître comme « témoin principal » dans un procès contre des militaires, à Corrientes. Depuis, j’ai reçu trois nouvelles convocations de la justice argentine et je témoignerais en février 2011 lors de deux nouveaux procès, à Mendoza et Resistencia.

Cette enquête est la preuve effectivement que le journalisme peut jouer son rôle de contre-pouvoir, dans la droite ligne d’Albert Londres.

Pour ceux qui veulent en savoir plus sur cette enquête, dont je suis très fière, je rappelle que j’ai aussi écrit un livre aux Editions La Découverte et qu’il existe un DV avec 75 minutes de bonus.