Séralini, la pyrale du maïs et la Greenpride

La polémique autour de l’étude de Gilles –Éric Séralini continue de faire rage.

Dans ce concert de critiques virulentes fortement orchestrées (suivez mon regard…), il est important d’entendre les arguments du chercheur de l’Université de Caen, qui répond point par point à ses détracteurs dans un entretien qu’il a accordé à Hervé Kempf, journaliste au Monde, et créateur du site Reporterre :

http://www.reporterre.net/spip.php?article3280

De son côté, Le Canard Enchaîné a enquêté sur Marc Fellous, Gérard Pascal et Louis-Marie Houbedine, les principaux détracteurs français du Prof. Séralini, que j’ai déjà présentés sur ce Blog. Les informations du Canard confirment les miennes :

Les scientifiques qui s’en prennent à l’étude de Séralini sur le maïs OGM sont d’une indépendance qui gagne à être connue ! Feu à volonté ! On sait le ramdam déclenché par l’étude de Gilles-Éric Séralini sur le maïs OGM de Monsanto. Les snipers de l’industrie agroalimentaire n’ont pas fini de dégainer…

Lire la suite de l’article :

http://www.altermonde-sans-frontiere.com/spip.php?article21153#forum13776

Concernant l’avis précipité  et très sévère de l’EFSA, je rappelle ce que j’écrivais dans Le Monde selon Monsanto, concernant l’ « indépendance » des experts qui constituent le « comité OGM » au sein de l’Autorité européenne de la sécurité euorpéenne:

« Les failles du système réglementaire » : l’exemple du maïs MON 863

Alors que le gouvernement français a annoncé en janvier 2008 qu’il activait la « clause de sauvegarde » pour le maïs MON 810, suspendant la culture de ce maïs Bt de Monsanto jusqu’à ce que l’Union européenne ait examiné à nouveau son autorisation, je voudrais rappeler l’histoire du MON 863, un cousin très proche du MON 810 : le premier (MON 863) contient une toxine (Cry3Bb1) censée le protéger contre la chrysomèle des racines du maïs[1], tandis que le second (MON 810) a été manipulé (Cry1Ab) pour résister aux attaques de la pyrale. L’affaire du MON 863 constitue une illustration parfaite de la manière pour le moins préoccupante dont sont réglementés les OGM en Europe.

Tout commence en août 2002, lorsque la firme de Saint-Louis dépose une demande d’autorisation de mise sur le marché auprès des autorités allemandes, à qui elle remet un dossier technique comprenant une étude toxicologique conduite pendant quatre-vingt-dix jours sur des rats. Conformément à la réglementation européenne (voir supra, chapitre 9), celles-ci examinent alors les données fournies par Monsanto, puis transmettent un avis… négatif à la Commission de Bruxelles, au motif que l’OGM contient un marqueur de résistance à un antibiotique qui enfreint la directive 2001/18 déconseillant fortement son utilisation. La Commission est alors tenue de distribuer le dossier aux États membres pour recueillir leurs avis, lesquels seront ensuite examinés par l’European Food Safety Authority (EFSA), le comité scientifique européen, chargé d’évaluer la sécurité alimentaire des OGM.

En France, c’est la Commission du génie biomoléculaire (CGB) qui récupère le dossier, en juin 2003. Cinq mois plus tard, le 28 octobre 2003, la CGB émet à son tour un avis défavorable, non pas à cause de la présence du marqueur antibiotique, mais parce que, comme l’expliquera Hervé Kempf dans Le Monde, elle a été « très troublée par les malformations observées sur un échantillon de rats nourris au maïs 863[i] ». « Ce qui m’a frappé dans ce dossier, c’est le nombre d’anomalies, explique Gérard Pascal, directeur de recherche à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) et membre de la CGB depuis sa création en 1986. Il y a ici trop d’éléments où l’on observe des variations significatives. Je n’ai jamais vu cela dans un autre dossier. Il faudrait le reprendre[ii]. »

Les « variations » incluent une « augmentation significative des globules blancs et des lymphocytes chez les mâles du lot nourri au MON 863 ; une baisse des réticulocytes (les jeunes globules rouges) chez les femelles ; une augmentation significative de la glycémie chez les femelles ; et une fréquence plus élevée d’anomalies (inflammation, régénération…) des reins chez les mâles[iii] », ainsi qu’une réduction du poids des cobayes. Or, comme le note mon confrère du Monde, « personne n’en aurait rien su » si l’avocate Corinne Lepage, ancienne ministre de l’Environnement d’Alain Juppé et présidente du CRII-GEN[2], « n’avait forcé la porte de la CGB » pour obtenir, « grâce à la commission d’accès aux documents administratifs (CADA) » les procès-verbaux des débats qui ont conduit à l’avis négatif de la CGB, « exceptionnel chez une commission qui a toujours été plutôt favorable à l’autorisation des OGM ». En effet, les délibérations des comités scientifiques des pays membres de l’Union européenne, tout comme d’ailleurs ceux de l’European Food Safety Authority (EFSA), sont confidentielles, ce qui donne une idée de la transparence du processus d’évaluation des OGM…

Toujours est-il que l’affaire rebondit, le 19 avril 2004, lorsque l’EFSA, justement, émet un avis… favorable à la mise sur le marché du MON 863. D’après le Comité scientifique européen, les anomalies observées par la CGB « rentrent dans la variation normale des populations de contrôle » ; quant aux malformations rénales, elles sont « d’une importance minimale »[iv].

Comment deux comités scientifiques peuvent-ils émettre des avis aussi différents sur un même dossier ? La réponse à cette question est fournie par la section européenne des Amis de la terre, qui a publié en novembre 2004 un rapport très détaillé (et très inquiétant) sur le fonctionnement de l’EFSA[v]. Créée en 2002, dans le cadre de la directive européenne 178/2002 sur la sécurité des produits alimentaires, cette institution compte huit comités scientifiques, dont un est chargé exclusivement de l’évaluation des OGM. C’est précisément ce dernier, que nous appellerons « comité OGM », qui est l’objet du rapport.

Premier constat des Amis de la terre : « Après un an d’activité, le comité a émis dix avis scientifiques, tous favorables à l’industrie des biotechnologies. Ces avis ont été utilisés par la Commission européenne, qui subit une pression croissante de la part des industriels et des États-Unis, pour pousser les nouveaux produits transgéniques sur le marché. Ils ont aussi servi à créer la fausse impression qu’il y avait un consensus scientifique, alors que la réalité est qu’il existe [au sein du Comité] un débat intense et continu et beaucoup d’incertitudes. Des inquiétudes quant à l’utilisation politique de leurs avis ont été exprimées par des membres de l’EFSA eux-mêmes. »

D’après le rapport, cette situation serait due aux liens étroits qui unissent « certains membres » du comité OGM avec les géants des biotechnologies, avec en tête son président, le professeur Harry Kuiper. Celui-ci est en effet le coordinateur d’Entransfood, un projet soutenu par l’Union européenne pour « favoriser l’introduction des OGM sur le marché européen et rendre l’industrie européenne compétitive » ; à ce titre, il fait partie d’un groupe de travail comprenant Monsanto et Syngenta. De même, Mike Gasson travaille pour Danisco, un partenaire de Monsanto ; Pere Puigdomenech est le co-président du septième congrès international sur la biologie moléculaire végétale, sponsorisé par Monsanto, Bayer et Dupont ; Hans-Yorg Buhk et Detlef Bartsch sont « connus pour leur engagement en faveur des OGM, au point d’apparaître sur des vidéos promotionnelles, financées par l’industrie des biotechnologies » ; parmi les (rares) experts extérieurs sollicités par le comité, il y a notamment le docteur Richard Phipps, qui a signé une pétition en faveur des biotechnologies pour AgBioWorld [vi] (voir supra, chapitre 12) et apparaît sur le site de Monsanto pour soutenir l’hormone de croissance laitière[vii]

Les Amis de la terre examinent alors plusieurs cas, dont celui du MON 863. Il apparaît que les réticences émises par le gouvernement allemand sur la présence d’un marqueur de résistance à un antibiotique ont été évacuées d’un revers de main par le comité OGM, qui s’est fondé sur un avis qu’il a publié, le 19 avril 2004, dans un communiqué de presse : « Le comité confirme que les marqueurs de résistance aux antibiotiques sont, dans la majeure partie des cas, nécessaires pour permettre une sélection efficace des OGM », y déclarait son président, Harry Kuiper. Commentaire des Amis de la terre : « La directive européenne ne demande pas de confirmer si les marqueurs de résistance aux antibiotiques sont un outil efficace pour l’industrie de la biotechnologie, mais s’ils peuvent avoir des effets nocifs sur l’environnement et la santé humaine. »

La fin de l’histoire est tout aussi exemplaire : après la publication de l’avis positif de l’EFSA, Greenpeace demande au ministère de l’Agriculture allemand de rendre public le dossier technique fourni par Monsanto (1 139 pages), pour qu’il soit soumis à une contre-expertise. Réponse du ministère : impossible, Monsanto refuse que les données soient communiquées, parce qu’elles sont couvertes par le « secret commercial ». Après une bataille judiciaire de plusieurs mois, la firme de Saint-Louis sera finalement contrainte de les rendre publiques par une décision du tribunal de Munich, le 9 juin 2005. Menée par le professeur Gilles-Éric Séralini et le docteur Arpad Pusztai, la contre-expertise confirmera les « anomalies » constatées par la Commission française du génie génétique et conduira à l’interdiction définitive du MON 863 dans l’UE, le 20 juin 2005[viii].

Concernant l’étude de Gilles-Eric Séralini, il est dommage que l’EFSA ait agi dans l’urgence, en confiant la rédaction de son avis à Andrew Chesson, un expert britannique qui est loin d’être au-dessous de tout soupçon, ainsi que l’a révélé Guillaume Malaurie dans Le Nouvel Observateur :

http://planete.blogs.nouvelobs.com/archive/2012/10/06/ogm-l-agence-europenne-aux-doubles-casquettes.html

Comme je l’ai déjà écrit, j’espère que le débat qu’a suscité l’étude de Séralini permettra de tout remettre sur la table, en contraignant les pouvoirs publics à exiger que soit conduite une nouvelle étude de toxicologie de deux ans, indépendante et transparente, qui permette de confirmer ou d’infirmer les résultats du chercheur de Caen, et de savoir – enfin !- quels risques nous courons en mangeant du maïs transgénique, comme le MON810, le maïs manipulé par Monsanto pour détruire la pyrale du maïs, un petit papillon nocturne, qui constitue le principal ravageur de la céréale.

Or, comme vous le découvrirez dans mon film (et livre) Les moissons du futur (sur ARTE, le 16 octobre, à 16 heures 55 et 20 heures 50)), on n’a pas besoin d’OGM pour venir à bout de ce fléau !!

Regardez cette petite vidéo que j’ai réalisée au Kenya, lors de mon tournage sur la ferme de John Otiep, qui utilise une méthode de contrôle biologique , appelée « push-pull », inventée par le Dr. Zeyaur Kahn , un entomologiste du centre de recherche internationale sur les insectes (ICIPE) que vous découvrirez dans mon film le 16 octobre !

http://www.arte.tv/fr/kenya/6967788.html

Lors de la projection à la presse de mon film Les moissons du futur, j’ai évoqué , avec émotion, l’histoire de John Otiep, qui représente l’un des sept paysans clés des Moissons du futur.

Dans cet extrait choisi par Marc Duployer, je répondais à une question d’une journaliste qui me demandait pourquoi je n’avais pas demandé à un représentant de l’industrie chimique ce qu’il pensait de la technique du « push pull ». Quand vous aurez vu les résultats spectaculaires obtenus par John Optiep dans son champ (rendez-vous le 16 octobre !), vous comprendrez que l’avis de l’industrie présente peu d’intérêt…



[1] D’après Greenpeace, cet insecte très nuisible a été introduit en Europe lors de la guerre des Balkans : il serait arrivé avec les avions de l’armée américaine.

[2] Je rappelle que le CRII-GEN est le Comité de recherches et d’information sur le génie génétique, dont le professeur Gilles-Éric Séralini est membre (voir supra, chapitre 4).


[i] Hervé Kempf, « L’expertise confidentielle sur un inquiétant maïs transgénique », Le Monde, 23 avril 2004.

[ii] Ibid.

[iii] Ibid.

[iv] Ibid.

[v] Friends of the Earth Europe, « Throwing caution to the wind. A review of the European Food Safety Authority and its work on genetically modified foods and crops », novembre 2004, <www.foeeurope.org/GMOs/publications/EFSAreport.pdf>.

[vi] <www.agbioworld.org/declaration/petition/petition_fr.php>.

[vii] <www.monsanto.co.uk/news/ukshowlib.phtml?uid=2330>.

[viii] Gilles-Eric Séralini, « Report on MON 863 GM maize produced by Monsanto Company », juin 2005, <www.greenpeace.de/fileadmin/gpd/user_upload/themen/gentechnik/bewertung_monsanto_studie_mon863_seralini.pdf> (version française : <www.crii-gen.org/m_fs_cz.htm>). Voir aussi : « Uproar in EU as secret Monsanto documents reveal significant damage to lab rats fed GE Corn », The Independant, 22 mai 2005.

J’ai participé , ce week end, à la Greenpride, organisée par l’Appel de la Jeunesse (dont je suis la marraine, avec Florence Servan-Schreiber) :

http://www.greenpride.me/

Ce fut une belle parade dans les rues de Paris, festive et joyeuse (avec des concerts super au Divan du monde, samedi soir) pour célébrer la vie et la résistance face au processus d’empoisonnement collectif que j’ai longuement décrit dans mon film et livre  Notre poison quotidien.

J’invite tous jeunes internautes qui lisent mon Blog à rejoindre l‘Appel de la jeunesse!

Voici une petite vidéo que j’ai tournée cet après-midi avec mon I phone !

Les affirmations approximatives de Louis-Marie Houdebine sur France Inter et un extrait exclusif des Moissons du futur

J’ai écouté hier attentivement le 7/9 de France Inter Patrick Cohen recevait Corinne Lepage, eurodéputée et présidente du CRIIGEN (qui a financé l’étude du professeur Séralini) et Louis-Marie Houdebine, directeur honoraire à l’INRA et président  de l’Association française pour l’information scientifique (AFIS), dont j’ai rappelé les liens avec Monsanto dans mon dernier texte (voir sur ce Blog).

Vous pouvez réécouter cet « échange »  sur le site de France Inter :

http://www.franceinter.fr/emission-le-79-debat-sur-les-ogm

Je voulais commenter ce « débat » dès hier, mais je n’ai pas pu, faute de temps : j’ai passé une partie de la journée à signer des exemplaires de mon livre Les moissons du futur, qui sortira en librairie le 11 octobre.

http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Les_moissons_du_futur-9782707171542.html

Par ailleurs, j’ai été débordée par des demandes d’interview venant du Japon, où mon film Le monde selon Monsanto est sorti , début septembre, en salle.

Le même jour, les journalistes argentins me demandaient de réagir à une actualité qui défraye la chronique : le gouvernement français a demandé de retirer une plaque commémorative , qui avait été apposée sur l’Ecole mécanique de la marine, la sinistre ESMA, où ont été torturés, puis jetés dans la mer, plusieurs milliers de disparus de la dictature argentine( 1976-1982).  Cette plaque soulignait le rôle de « l’école française » dans la formation des officiers argentins pour l’utilisation des techniques de « séquestration, torture et disparition ». Ce qui est la vérité la plus stricte, ainsi que je l’ai rapporté dans mon film et livre « Escadrons de la mort : l’école française » :

http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Escadrons_de_la_mort__l_ecole_francaise-9782707153494.html

http://www.mariemoniquerobin.com/crbst_83.html

Je suis en train de préparer un communiqué sur cette triste affaire (le gouvernement français est toujours dans le déni..) qui a été révélée par le quotidien Clarin , qui cite mon enquête :

http://www.clarin.com/politica/pedido-Francia-Defensa-retira-represion_0_778722238.html

Mais revenons au 7/9 de France Inter. Je ne suis pas sûre que les auditeurs aient tout compris de ce qui s’est dit, car ce « débat » ressemblait plutôt à un dialogue de sourds, où malheureusement personne n’a pu répondre aux contre-vérités et approximations de Mr.  Houdebine. Je vais donc reprendre point par point ses affirmations qui révèlent au mieux une grande méconnaissance du dossier, et au pire, sa grande mauvaise foi.

Pour défendre les OGM, Louis-Marie Houdebine ( LMH) a évoqué un »manioc transgénique » qui ferait, dit-il, des miracles dans les champs africains. Malheureusement ce manioc miraculeux n’est qu’à l’état expérimental dans un laboratoire suisse, et comme l’écrit Le Matin (Suisse) , le 28 septembre, « il ne reste plus qu’à tester la nouvelle variété de manioc en Afrique, en plein champ » :

http://www.lematin.ch/sante/sciences/manioc-ogm-cree-zurich-defie-virus-devastateur/story/13147950

http://www.ethlife.ethz.ch/archive_articles/120926_GMO_Maniok_per/index

Espérons que le manioc OGM , censé lutter contre un virus dévastateur (et d’autant plus dévastateur qu’on a utilisé des pesticides…), aura plus de chance que le fameux « riz doré », dont j’avais raconté les mésaventures dans mon livre Le monde selon Monsanto. Celes-ci sont très bien résumées dans les deux articles ci-dessous :

http://www.alterinfo.net/Le-scandale-du-riz-dore-devoile_a30940.html

http://sciencesetavenir.nouvelobs.com/sante/20111031.OBS3570/du-riz-pour-produire-des-proteines-sanguines.html

Avec cette digression, LMH voulait faire oublier que les seuls OGM cultivés aujourd’hui dans les champs sont des  plantes pesticides, destinées à être arrosées par des pesticides puissants (comme le roundup) ou à fabriquer un insecticide qu’on appelle BT.

Comme ce sont des plantes pesticides, les OGM devraient donc être testés comme des pesticides, c’est-à-dire avec des études toxicologiques de deux ans, qui permettraient d’évaluer les risques sanitaires qu’elles font courir à ceux qui les ingurgitent (les animaux et les hommes).

Il voulait aussi contourner le problème des résidus de roundup que l’on retrouve immanquablement sur le soja, le colza ou le maïs OGM (dits « roundup ready »).

Quelle mauvaise foi que d’affirmer que le roundup n’est appliqué qu’au moment des semis, mais jamais après !

Dans mon film Les Moissons du futur (sur ARTE, le 16 octobre), j’ai rencontré un grand céréalier du Midwest (voir extrait exclusif ci-dessous) qui m’a raconté qu’il avait dû passer deux fois du roundup par avion sur son maïs, six semaines et quatre semaines avant la récolte, car ses champs étaient infestés par la sétaire géante.

Bien sûr que son maïs était imbibé de roundup !

Et Monsanto le sait très bien, c’est pourquoi, au moment de lancer sur le marché le soja Roundupready, en 1997, la firme a fait changer le taux de résidus de roundup autorisé sur les produits agricoles.

C’est ce que j’ai révélé dans Le monde selon Monsanto.

Je reproduis ici l’extrait de mon livre, où je raconte les découvertes faites par deux scientifiques californiens, quand ils ont répété une étude très controversée, publiée par Monsanto, pour montrer que le soja transgénique était équivalent en substance au soja conventionnel :

EXTRAIT

C’est précisément pour en avoir le cœur net que Marc Lappé (décédé en 2005) et sa collègue Britt Bailey ont décidé de répéter l’expérience menée par Stephen Padgette. « Pour notre étude, m’explique Britt Bailey, que j’ai rencontrée à San Francisco en octobre 2006, nous avons planté des graines de soja Roundup ready, ainsi que des graines issues des lignées conventionnelles d’origine, la seule différence étant la présence du gène Roundup ready dans les graines de Monsanto. Je précise que nous avons réalisé les cultures dans des sols strictement identiques, avec les mêmes conditions climatiques pour les deux groupes. Les pousses de soja transgénique ont été aspergées de Roundup, en respectant les recommandations de Monsanto. En fin de saison, nous avons récolté les grains issus des deux groupes et nous avons comparé leur composition organique.

– Quels furent les résultats ?

– Nos analyses ont montré des différences importantes entre le soja Roundup ready et le soja conventionnel, et notamment un niveau d’isoflavones, et donc de phytœstrogènes, de 12 % à 14 % moins élevé, ce qui prouve clairement que la composition du soja Roundup ready n’est pas équivalente au soja conventionnel. Nous avons envoyé nos données à la FDA, mais elle ne nous a jamais répondu…

– Comment a réagi Monsanto ?

– Nous avons proposé notre étude au Journal of Medicinal Food, qui l’a donc soumise à des relecteurs. Elle a été acceptée et sa publication a été fixée au 1er juillet 1999[i]. Curieusement, une semaine avant la publication, alors que selon l’usage l’article était encore sous embargo, l’Association américaine du soja (American Soybean Association, ASA), connue pour ses liens avec Monsanto, a publié un communiqué de presse affirmant que notre étude n’était pas rigoureuse. Nous n’avons jamais su d’où venait la fuite… »

J’ai retrouvé le communiqué de l’association (dont je rencontrerai bientôt le vice-président) sur le site britannique de… Monsanto, qui en présente une version française ! « L’ASA a foi dans les analyses de soja Roundup ready menées par les services de tutelle aux États-Unis et dans le monde et aux études scientifiques qui les étayent et qui montrent une équivalence entre le soja Roundup ready et le soja classique… », y est-il écrit dans une langue de bois qui égratigne un peu la langue de Voltaire[ii]

« Comment expliquez-vous que Monsanto ait conclu que les deux sojas étaient équivalents ?, ai-je demandé à Britt Bailey.

– Je pense que la faille principale de leur étude, c’est qu’ils n’ont pas arrosé les grains avec du Roundup, ce qui invalide complètement l’étude, car le soja Roundup ready est fait pour être arrosé d’herbicide.

– Comment le savez-vous ?

– Grâce à une étourderie du service juridique de Monsanto ! »

Et Britt Bailey de me montrer une lettre adressée par Tom Carrato, l’un des avocats de Monsanto, à Vital Health Publishing, un éditeur qui était alors sur le point de publier un livre qu’elle avait écrit avec Marc Lappé sur les OGM. Ce courrier, daté du 26 mars 1998, en dit long, encore une fois, sur les pratiques de la firme. Après avoir expliqué qu’il avait été informé de l’imminence de la publication dans un article du Winter Coast Magazine, le conseil écrit, avec une assurance déconcertante : « Les auteurs du livre prétendent que le Roundup est toxique. Que veulent-ils dire par “toxique” ? Chacun sait que toute substance, qu’elle soit synthétique ou naturelle, peut être toxique à une certaine dose. […] Quiconque a bu plusieurs tasses de café ou observé une personne boire de l’alcool sait que tout est affaire de dose et de seuil à ne pas dépasser. […] Ces erreurs doivent être corrigées avant la publication, parce qu’elles […] dénigrent et diffament potentiellement le produit. » Un peu plus loin, Tom Carrato défend l’étude réalisée par Stephen Padgette et fait, en effet, un bel aveu : « Les tests menés sur du soja Roundup ready non pulvérisé [c’est moi qui souligne] ne montrent aucune différence dans les niveaux d’œstrogène. Les résultats ont été publiés dans un article relu par des pairs dans le Journal of Nutrition en janvier 1996… »

« En tout cas, la lettre a été efficace, soupire Britt Bailey, car notre éditeur a renoncé à publier notre livre, et nous avons dû en chercher un autre[iii]

– Savez-vous si les résidus de Roundup que l’on trouve immanquablement sur le soja transgénique ont été évalués, d’un point de vue sanitaire ?

– Jamais ! En écrivant notre livre, nous avons découvert qu’en 1987 le niveau de résidus de glyphosate autorisé sur les grains de soja était de six ppm. Et puis bizarrement, en 1995, un an avant la mise sur le marché du soja Roundup ready, le niveau permis par la FDA est passé à 20 ppm. J’ai parlé avec Phil Errico, le directeur du département glyphosate à l’EPA, et il m’a dit : “Monsanto nous a fourni des études qui montraient que 20 ppm ne posaient pas de risque pour la santé et le niveau autorisé a été changé.” Bienvenue aux États-Unis ! »

Pour être honnête, l’Europe ne vaut guère mieux : d’après une information publiée par Pesticides News en septembre 1999, en réponse à l’importation du soja transgénique américain, la Commission européenne a multiplié par deux cents le taux de résidu de glyphosate autorisé, en le portant de 0,1 à 20 mg/kg…

FIN DE L’EXTRAIT

Je reviendrai dans un prochain article sur les autres  affirmations hasardeuses de LMH !

Voici l’extrait de mon film Les moissons du futur qui oppose deux modes de culture du maïs : l’un, agroécologique, pratiqué au Mexique (c’est le début de mon film), et l’autre transgénique….


[i] Marc Lappé, Britt Bayley, Chandra Childress, Kenneth Setchell, « Alterations in clinically important phytoestrogens in genetically modified, herbicide-tolerant soybeans », Journal of Medicinal Food, vol. 1, n° 4, 1erjuillet 1999.

[ii] <www.monsanto.co.uk/news/ukshowlib.phtml?uid=1612>. À noter que le communiqué est daté du 23 juin 1999.

[iii] Marc Lappé et Britt Bailey, Against the Grain. Biotechnology and the Corporate Takeover of your Food, Common Courage Press, Monroe, 1998.

La polémique autour de l’étude du professeur Séralini

Quelle semaine !

Lundi 17 septembre s’est tenue à ARTE la projection à la presse de mon film « Les moissons du futur », qui, je le rappelle, sera diffusé le 16 octobre prochain à 20 heures 50 (voir la bande annonce sur ce blog).

Une soixantaine de journalistes étaient présents (je mettrai bientôt en ligne une vidéo retraçant les grands moments du débat qui a suivi la projection).

Mardi 18 septembre, j’étais à Bruxelles pour les mêmes raisons. Le film a reçu un excellent accueil, ainsi que le montrent les deux articles publiés par Les Echos et La Belgique Libre (ci-dessous). Le film sera diffusé sur la RTBF, le 26 septembre. Ce soir là, je participerai à un Chat en direct, depuis mon domicile francilien.

Mercredi 19 septembre, j’étais à Venise pour filmer un colloque international sur la décroissance, car dès le mois de novembre je vais travailler à ma prochaine enquête, intitulée provisoirement « Sacrée croissance ! ». Mais pour l’heure, je n’en dis pas plus !

Alors que j’assistais aux conférences, mon portable n’a cessé de sonner. Ce jour-là, en effet, le professeur Gilles-Eric Séralini rendait publics les résultats de l’étude qu’il a conduite sur des rats nourris avec le maïs NK 603, un maïs transgénique produit par Monsanto : ITV, Le Nouvel Observateur, Elle, Sud-Ouest, etc.

http://www.sudouest.fr/2012/09/23/oser-se-confronter-aux-lobbys-829053-4778.php

Samedi matin , j’étais à France Inter dans le 7/9 de Fabrice Drouelle et Patricia Martin, où j’ai commenté l’incroyable polémique qu’a suscitée l’étude du professeur Séralini :

http://www.franceinter.fr/emission-le-79-du-week-end-marie-monique-robin-robert-rochefort-et-veronique-descacq

C’est sans étonnement que j’ai constaté la rapidité avec laquelle un certain nombre de scientifiques sont montés au créneau pour discréditer les travaux du chercheur de l’Université de Caen.

J’ai bien écouté leurs « arguments », et je dois dire qu’ils me laissent perplexes:

–       l’espèce de rats utilisée par Séralini – en l’occurrence des Sprague Dawley – est particulièrement sensible aux tumeurs. Certes, mais c’est l’espèce utilisée généralement pour ce genre de test toxicologique  par toutes les firmes, y compris Monsanto, lorsqu’elle a conduit son « étude » en 1996 pour prouver l’innocuité du soja Roundup Ready, qui allait bientôt envahir les élevages intensifs de porcs, poules et cochons européens. Cette étude, qualifiée de « mauvaise science » par le professeur Pryme (voir ci-dessous) – vingt-huit jours sur moins de quatre-vingt rats ADULTES -, le nombre n’étant même pas communiqué ! – n’a suscité, à l’époque,  aucun émoi chez les scientifiques qui hurlent, aujourd’hui, avec les loups…  De plus, que l’espèce Srague Dawley soit plus sensible aux tumeurs, n’est pas un problème : la question est de savoir s’il y a plus de tumeurs dans le groupe expérimental que dans le groupe contrôle, ce qu’indiquent apparemment les résultats de l’étude du professeur Séralini.

–       Le nombre de rats utilisés par Séralini est trop faible. L’argument fait carrément sourire : Séralini a utilisé 200 rats, ce qui est beaucoup plus que BASF pour la pomme de terre transgénique Amflora (30 rats) ou qu’une étude, considérée comme très sérieuse dans une méta-analyse publiée par Chelsea Snell, Agnès Ricroch, Marcel Kuntz, et Pascal Girard, où les groupes (témoin et expérimental) ne comptaient que trois rats ! Cette méta-analyse, citée ici et là, a été considérée par Marc Lavielle, membre du Haut conseil des biotechnologies, comme « biaisée » et « extrêmement orientée », ainsi qu’il l’a expliqué au Monde (édition du 16 décembre 2011) :

Cette méta-analyse, qui se fonde sur 24 études menées notamment aux Etats-Unis, au Brésil, au Japon ou en Norvège, conclut à l’absence de conséquences sanitaires, chez les animaux, d’une alimentation à base de maïs, riz, soja ou pommes de terre transgéniques. « Maintenant, le débat sur les OGM, d’un point de vue sanitaire, est clos », estime Agnès Ricroch. Ce n’est peut-être pas aussi simple que cela. Selon Marc Lavielle, statisticien à l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria) et membre du conseil scientifique du Haut Conseil aux biotechnologies (HCB), cette étude serait « biaisée » et « extrêmement orientée ».

« Ce qui est terriblement gênant, c’est qu’elle conclut à l’absence de différence [entre animaux ayant consommé des OGM et animaux n’en ayant pas consommé] sur la base d’une méthodologie ne correspondant pas aux lignes directrices publiées aussi bien par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation [ANSES] que par l’Autorité européenne de sécurité des aliments [EFSA] », estime-t-il.

« Les études passées en revue démontrent que les plantes transgéniques sont nutritionnellement équivalentes à leurs contreparties non transgéniques et peuvent être utilisées en toute sécurité », conclut l’étude, dont les auteurs estiment qu’il n’est donc pas nécessaire de procéder à des essais sur des durées supérieures à quatre-vingt-dix jours avant d’autoriser de nouvelles variétés d’aliments transgéniques destinées aux animaux.

Ils reconnaissent cependant avoir repéré des différences entre animaux nourris ou non aux OGM. « Mais quand ils trouvent des différences, ils considèrent soit que la comparaison n’est pas valable, soit que la différence n’est pas biologiquement significative, note Marc Lavielle. En revanche, ils tiennent compte sans la critiquer d’une étude portant sur des groupes de trois animaux, un échantillon bien trop faible pour permettre de conclure quoi que ce soit. »

Il est intéressant de noter que les scientifiques qui ont signé cette méta-analyse controversée sont aussi ceux qui attaquent Gille-Eric Séralini. Or, ils sont connus pour leur grande proximité avec … Monsanto et consorts. Sur mon Blog, j’ai déjà révélé les liens entre le Dr. Kuntz, qui dirige l’AFIS, et Monsanto :

http://robin.blog.arte.tv/2008/03/21/les-liens-entre-lafis-et-monsanto-la-preuve/

Ces informations ont été reprises il y a deux jours dans un article du Monde.fr :

Le rationalisme, au risque du biais anti-écolo

LE MONDE SCIENCE ET TECHNO | 20.09.2012 à 15h30 • Mis à jour le 20.09.2012 à 17h05

Par Stéphane Foucart

En France, le courant rationaliste – opposé au relativisme incarné par le sociologue Bruno Latour – est principalement représenté par deux associations : l’Union rationaliste (UR) et l’Association française pour l’information scientifique (AFIS). Très proches, les deux structures ont longtemps partagé la même adresse, rue de l’Ecole-Polytechnique à Paris, et ont en commun bon nombre de membres.

Présidée par le physicien Edouard Brézin, la première va au-delà de son credo – « faire connaître dans le grand public l’esprit et les méthodes de la science » – en s’engageant en faveur de la laïcité, considérée comme une conséquence naturelle du rationalisme. L’AFIS, de son côté, présidée par le biologiste Louis-Marie Houdebine, édite sa propre revue, Science & pseudo-sciences, et s’engage spécifiquement à mettre en lumière l’irrationalisme des médecines parallèles, de l’astrologie, de la numérologie, de l’archéologie fantastique, des multiples manifestations dites paranormales, etc.

L’AFIS n’hésite pas à critiquer vertement les médias ou les personnalités qui diffusent des informations en flagrant décalage avec l’état des connaissances scientifiques, sur les sujets à l’interface entre la science et la société. Ce qui ne va pas sans heurts.

L’association a ainsi été, à plusieurs reprises, au centre de vives polémiques au cours de ces dernières années. Y compris en son sein. Le médecin Marcel-Francis Kahn a ainsi quitté en 2008, avec fracas, le comité scientifique de l’association, peu après que celle-ci eut organisé un colloque sur les biotechnologies au Sénat. « Ce qui m’intéressait à l’AFIS, c’était de lutter contre les paramédecines, raconte-t-il. Mais l’association est devenue une sorte de lobby pro-OGM. J’ai demandé à Louis-Marie Houdebine et Marcel Kuntz [biologiste, directeur de recherche au CNRS et membre du comité de parrainage de l’AFIS] de déclarer leurs liens d’intérêts avec Monsanto et ses filiales. Cela a été refusé, de même qu’a été refusée la publication dans Science & pseudo-sciences de mon courrier demandant officiellement que soient déclarés ces possibles conflits d’intérêts. » Selon Jean-Paul Krivine, rédacteur en chef de la revue, « les accusations portées contre certains des animateurs de l’association sur leurs liens avec Monsanto sont fausses et n’ont jamais été étayées de la part de ceux qui les propagent ».

VIVES CRITIQUES

Le biologiste Pierre-Henri Gouyon (Muséum national d’histoire naturelle) critique lui aussi la posture de l’association, « systématiquement favorable aux OGM et systématiquement opposée à l’écologie ». « Il suffit de se rendre sur le site Internet de l’Office américain des brevets pour se rendre compte que certains des membres de l’AFIS les plus engagés à défendre les OGM ont déposé des brevets avec des entreprises de biotechnologies », ajoute M. Gouyon.

La posture antiécologie de l’AFIS a été également critiquée, en 2010, par des climatologues qui reprochaient à l’association d’avoir renvoyé dos à dos les sciences du climat et les arguments climatosceptiques, dans la foulée de la parution de plusieurs livres remettant en cause la réalité ou les causes du réchauffement. Fait rare, la présidence de l’association soeur, l’Union rationaliste, a protesté officiellement contre le numéro de juillet 2010 de Science & pseudo-sciences consacré au climat.

M. Krivine, de son côté, rappelle que les vues divergentes exprimées sur la question climatique ne sont pas exceptionnelles et que des détracteurs des OGM ont également vu s’ouvrir à eux les colonnes de Science & pseudo-sciences

Reste que les entorses faites à la science sont plus férocement dénoncées quand elles sont le fait des écologistes. « Je n’ai jamais compris pourquoi l’AFIS s’intéressait si peu à l’affaire de l’amiante, par exemple », confie ainsi M. Kahn. A quoi M. Krivine répond que les manipulations de la science sont tout autant traitées lorsqu’elles sont le fait de l’industrie. Il faudrait tenter de le mesurer… scientifiquement.

Concernant Gérard Pascal, qui fut patron de l’INRA, et qui a violemment mis en doute l’étude de Séralini sur France Inter, j’avais révélé dans mon livre Le monde selon Monsanto, un document confidentiel de Monsanto, que j’ai toujours en ma possession, où était cité  son nom.

Lisez :

Pour preuve : un document interne de Monsanto classé « confidentiel », parvenu mystérieusement (très certainement par la grâce d’un lanceur d’alerte) au bureau de GeneWatch, une association britannique qui, comme son nom l’indique, suit de très près le dossier OGM[i]. Ce « rapport mensuel » de dix pages, rendu public le 6 septembre 2000, égrène l’activité de la cellule « Affaires réglementaires et enjeux scientifiques » (Regulatory Affairs and Scientific Outreach) de la firme pendant les seuls mois de mai et juin de la même année. « Ce document montre comment Monsanto tente de manipuler la réglementation des aliments transgéniques à travers le monde pour favoriser ses intérêts, explique le docteur Sue Mayer, la directrice de GeneWatch, dans un communiqué de presse. Apparemment, ils essaient d’acheter l’influence d’individus clés, de noyauter les comités avec des experts qui les soutiennent et de subvertir l’agenda scientifique. »

On y découvre, en effet, que la « cellule » est félicitée pour son « efficacité à assurer que des experts scientifiques clés reconnus au niveau international ont été nommés pour la consultation organisée par la FAO et l’OMS à Genève le mois dernier. Le rapport final a été très favorable à la biotechnologie végétale, en donnant son soutien y compris au rôle crucial de l’équivalence en substance dans les évaluations de la sécurité alimentaire. […] Des informations sur les avantages et la sécurité de la biotechnologie végétale ont été fournies à des experts médicaux clés et des étudiants de Havard. […] Un éditorial a été rédigé par le docteur John Thomas (professeur émérite de l’école médicale de l’université du Texas à San Antonio), qui sera placé dans un journal médical comme le premier d’une série planifiée pour toucher les médecins. […] Une réunion s’est tenue avec le professeur David Khayat, un spécialiste du cancer de renommée internationale pour qu’il collabore à un article qui démontre l’absence de liens entre les aliments transgéniques et le cancer. […] Les représentants de Monsanto ont obtenu que l’examen de deux propositions d’étiquetage soit repoussé par le comité du Codex [alimentarius]. Etc. »

Parmi les scientifiques qui ont généreusement prêté leur concours aux initiatives de la cellule, le rapport cite aussi l’Espagnol Domingo Chamorro, les Français Gérard Pascal (INRA), Claudine Junien (INSERM) ou le prix Nobel Jean Daucet, qui ont participé au « Forum des biotechnologies » (en français dans le texte) « organisé » par la « cellule ».

Au vu de toutes ces informations, que peut-on dire aujourd’hui ?

Il est très important que le professeur Séralini ait pu conduire cette étude toxicologique de deux ans, car , contrairement à ce que Monsanto voudrait nous faire croire, toutes les études conduites par la firme et ses collègues n’ont JAMAIS dépassé les trois mois. Ce qui, bien sûr, est insuffisant, pour mesurer les effets toxiques à long terme des OGM.

Pour être précise, l’étude de Séralini n’est pas la première du genre, mais la seconde, la première ayant été conduite par le laboratoire de l’Italienne Manuela Malatesta (voir ci-dessous).

Or, comme je j’avais révélé dans Le monde selon Monsanto, la multinationale a déployé une énergie considérable pour bloquer toute étude de longue durée conduite par des laboratoires indépendants.

Voici ce que j’écrivais dans mon livre :

EXTRAIT DU MONDE SELON MONSANTO

« C’est de la mauvaise science »

« Ce n’est pas à Monsanto de garantir la sécurité des aliments transgéniques, a déclaré en octobre 1998 Phil Angell, le directeur de la communication de la multinationale. Notre intérêt, c’est d’en vendre le plus possible. Assurer leur sécurité, c’est le job de la FDA[ii]. » La citation ne fait même pas sourire James Maryanski, qui assure manger du soja transgénique tous les jours, « parce qu’aux États-Unis, 70 % des aliments disponibles dans les magasins contiennent des OGM. La FDA est confiante que ce soja présente la même sécurité alimentaire que les autres variétés, m’affirme-t-il lors de notre rencontre en juillet 2006.

– Comment la FDA peut-elle en être sûre ?

– C’est fondé sur les données que la compagnie a fournies à la FDA et qui ont été évaluées par les scientifiques de l’agence. Et ce n’est pas dans l’intérêt d’une entreprise de conduire une étude pour ensuite en masquer les résultats », me répond l’ancien « coordinateur de la biotechnologie » de la FDA.

On aimerait bien partager l’optimisme de James Maryanski. Mais, pour être franche, tous les doutes sont permis. C’est en tout cas l’impression que j’ai eue après mon long entretien avec le professeur Ian Pryme — que j’ai rencontré le 22 novembre 2006 dans son laboratoire du département de biochimie et de biologie moléculaire de l’université de Bergen, en Norvège. En 2003, ce scientifique d’origine britannique et un collègue danois, le professeur Rolf Lembcke (aujourd’hui décédé), ont eu la bonne idée d’analyser les (rares) études toxicologiques conduites sur les aliments transgéniques[iii]. Parmi elles, il y avait la seconde étude publiée en 1996 par des chercheurs de Monsanto, qui visait cette fois-ci à évaluer l’éventuelle toxicité du soja Roundup ready[iv].

« Nous avons été très surpris de découvrir qu’il n’y avait que dix études recensées dans la littérature scientifique, m’explique Ian Pryme, c’est vraiment très peu au regard de l’enjeu.

– Comment l’expliquez-vous ?

– D’abord, il faut savoir qu’il est très difficile de se procurer des échantillons des matériaux transgéniques parce que les firmes en contrôlent l’accès. Elles exigent une description détaillée du projet de recherche, et elles sont très réticentes à fournir leurs OGM à des scientifiques indépendants pour qu’ils les testent. Quand on insiste, elles évoquent le “secret commercial”. Par ailleurs, il est très difficile d’obtenir des financements pour conduire des études sur les effets à long terme des aliments transgéniques. Avec des collègues provenant de six pays européens, nous avons demandé des fonds à l’Union européenne, qui a refusé sous prétexte que les compagnies avaient déjà conduit elles-mêmes ce genre d’études…

– Que dire de l’étude conduite par Monsanto sur les rats, poulets, poissons-chats et vaches laitières ?

– Elle est très importante, parce qu’elle a servi de base au principe d’équivalence en substance et elle explique, en partie, l’absence d’études complémentaires. Mais je dois dire qu’elle est très décevante d’un point de vue scientifique. Si on m’avait demandé de la relire avant publication, je l’aurais rejetée, car les données fournies sont trop insuffisantes. Je dirais même que c’est de la mauvaise science…

– Avez-vous essayé de vous procurer les données brutes de l’étude ?

– Oui, mais malheureusement, Monsanto a refusé de les communiquer au motif qu’elles étaient couvertes par le secret commercial… C’est la première fois que j’entendais un tel argument concernant les données d’une recherche… Normalement, dès qu’une étude est publiée, n’importe quel chercheur peut demander à consulter les données brutes, pour répéter l’expérience et contribuer au progrès scientifique. Le refus de Monsanto donne immanquablement l’impression que la firme a quelque chose à cacher : soit que les résultats ne sont pas suffisamment convaincants, soit qu’ils sont mauvais, soit que la méthodologie et le protocole utilisés ne sont pas suffisants pour résister à une analyse scientifique rigoureuse. Pour faire notre étude, nous avons donc dû nous contenter du résumé fourni par la firme aux agences de réglementation. Et il y a des choses très troublantes.

Par exemple, à propos de l’étude sur les rats, les auteurs écrivent : “À part leur couleur marron foncée, les foies paraissaient normaux lors de la nécropsie. […] Cette couleur n’est pas considérée comme étant liée à la modification génétique.” Comment peuvent-ils prétendre cela sans faire des sections des foies et les observer au microscope pour être sûr que cette couleur marron foncée est normale ? Manifestement, ils se sont contentés d’une évaluation oculaire des organes, ce qui n’est pas une manière scientifique de conduire une étude post mortem. De même, les auteurs indiquent que “les foies, les testicules et les reins ont été pesés” et que “plusieurs différences ont été observées”, mais qu’elles ne furent “pas considérées comme étant liées à la manipulation génétique”… Encore une fois, comment peuvent-ils affirmer cela ? Manifestement, ils n’ont pas analysé les intestins ni les estomacs, ce qui constitue une faute très grave dans une étude toxicologique. Ils disent aussi que quarante tissus ont été prélevés, mais on ne sait pas lesquels ! D’ailleurs, je ne connais que vingt-trois tissus répertoriés, comme la peau, les os, la rate, la thyroïde… Quels sont les autres ?

De plus, les rats utilisés pour l’expérience avaient huit semaines : ils étaient trop vieux ! D’habitude, pour une étude toxicologique, on utilise de jeunes cobayes, pour voir si la substance testée a un impact sur le développement de leur organisme qui est en pleine croissance. Le meilleur moyen de cacher des effets nocifs éventuels, c’est d’utiliser des cobayes âgés, d’autant plus que, malgré les anomalies constatées, l’étude n’a duré que vingt-huit jours, ce qui n’est pas suffisant… Le dernier paragraphe du texte résume bien l’impression générale : “Les études toxicologiques fournissent une certaine assurance qu’aucun changement majeur ne s’est produit avec le soja modifié génétiquement…” Je ne veux pas une “certaine assurance”, mais une assurance à 100 % ! En fait, quand on sait que cette étude a justifié l’introduction des OGM dans la chaîne alimentaire, on ne peut qu’être inquiets… Mais que faire ? Regardez ce qui est arrivé récemment à ma collègue Manuela Malatesta… »

La peur de Monsanto

J’ai rencontré Manuela Malatesta le 17 novembre 2006, à l’université de Pavie en Italie. Elle était encore traumatisée par l’expérience qu’elle venait de vivre et qui l’avait contrainte à quitter l’université d’Urbino, où elle avait travaillé pendant plus de dix ans. « Tout ça à cause d’une étude sur les effets du soja transgénique[v] », me dit-elle avec un soupir. En effet, la jeune chercheuse a fait ce que personne n’avait fait : répéter l’étude toxicologique conduite en 1996 par Monsanto. Avec son équipe, elle a nourri un groupe de rats avec une diète habituelle (groupe contrôle) et un autre groupe avec la même diète à laquelle avait été ajouté du soja Roundup ready (groupe expérimental). Pris dès le sevrage, les cobayes ont été suivis jusqu’à leur mort (en moyenne deux ans plus tard). « Nous avons étudié les organes des rats au microscope électronique, m’explique Manuela Malatesta, et nous avons constaté des différences statistiquement significatives, notamment dans les noyaux des cellules du foie des rats nourris avec du soja transgénique. Tout semble indiquer que les foies avaient une activité physiologique plus élevée. Nous avons trouvé des modifications similaires dans les cellules du pancréas et des testicules.

– Comment expliquez-vous ces différences ?

– Malheureusement, nous aurions aimé poursuivre ces études préliminaires, mais nous n’avons pas pu, car les financements se sont arrêtés… Nous n’avons donc que des hypothèses : les différences peuvent être dues à la composition du soja ou aux résidus de Roundup. Je précise que les différences que nous avons constatées ne sont pas des lésions, mais la question est de savoir quel rôle biologique elles peuvent avoir à long terme, et pour cela il faudrait développer une autre étude…

– Pourquoi ne le faites-vous pas ?

– Ah !, murmure Manuela Malatesta, en cherchant ses mots. Actuellement, la recherche sur les OGM est un sujet tabou… On ne trouve pas d’argent pour cela. Nous avons tout fait pour trouver un complément de financement, mais on nous a répondu que, comme dans la littérature scientifique il n’y avait pas de données qui prouvent que les OGM provoquent des problèmes, il était donc totalement inutile de travailler là-dessus. On ne veut pas trouver de réponses aux questions qui gênent… C’est le résultat de la peur diffuse qu’il y a de Monsanto et des OGM en général… D’ailleurs, quand j’ai parlé des résultats de l’étude à certains de mes collègues, ils m’ont vivement déconseillé de les publier, et ils avaient raison, car j’ai tout perdu, mon laboratoire, mon équipe… J’ai dû recommencer à zéro dans une autre université, grâce à un collègue qui m’a soutenue…

– Est-ce que les OGM vous inquiètent ?

– Aujourd’hui, oui ! Pourtant, au début, j’étais persuadée qu’ils ne posaient pas de problèmes, mais maintenant les secrets, les pressions et la peur qui les entourent me font douter… »

Un sentiment qui, nous allons le voir, est partagé par d’autres scientifiques comme le « dissident » Arpad Pusztai, victime de la toile tissée par Monsanto un peu partout dans le monde…


[i] <www.ratical.org/co-globalize/MonsantoRpt.html>.

[ii] The New York Times, 25 octobre 1998.

[iii] Ian Pryme et Rolf Lembcke, « In vivo studies on possible health consequences of genetically modified food and feed-with particular regard to ingredients consisting of genetically modified plant materials », Nutrition and Health, vol. 17, 2003.

[iv] Bruce Hammond, John Vicini, Gary Hartnell, Mark Naylor, Christopher Knight, Edwin Robinson, Roy Fuchs, Stephen Padgette, « The feeding value of soybeans fed to rats, chickens, catfish and dairy cattle is not altered by genetic incorporation of glyphosate tolerance », The Journal of Nutrition, avril 1996, vol. 126, n° 3, p. 717-727.

[v] Manuela Malatesta et alii, « Ultrastructural analysis of pancreatic acinar cells from mice fed on genetically modified soybean », Journal of Anatomy, vol. 201, novembre 2002, p. 409-415 ; Manuela Malastesta et alii, « Fine structural analyses of pancreatic acinar cell nuclei from mice fed on genetically modified soybean », European Journal of Histochemistry, octobre-décembre 2003, p. 385-388. Voir aussi, « Nouveaux soupçons sur les OGM », Le Monde, 9 février 2006.

Les moissons du futur et nouvelles d’Argentine

Après deux mois de silence, je reprends fermement l’écriture de mon Blog !

Depuis mon retour du Japon, j’ai été littéralement happée par le montage de mon film et l’écriture de mon livre  Les moissons du futur , et autant dire que je n’ai pas chômée…

Je craignais même de ne pas parvenir à boucler l’écriture du livre avant la date butoir du 15 août, tant la tache était ample !

Mais c’est chose faite !

Le livre sera en librairie le 8 octobre et le documentaire sortira sur ARTE le 16 octobre à 20 heures 40.

Faites circuler l’information !

Le symbole de cette nouvelle enquête c’est un globe transparent qui m’a accompagnée tout au long de mon voyage autour du monde et qui constitue un lien entre tous les personnages – paysan(ne)s et experts – que j’ai rencontrés.

Début août, ARTE a ouvert un espace où les internautes peuvent dès maintenant consulter des vidéos et papiers que j’ai réalisés en marge du documentaire, des « pas de côté », parfois pleins d’humour, toujours riches en informations et images, qui permettent petit à petit de s’approprier la matière du film et du livre.

Le premier « module », aussi le plus « grave »,  concerne AGRA, l’Alliance pour une révolution verte en Afrique, financée par la fondation Bill & Melinda Gates , qui est très proche de … Monsanto. Mais je n’en dirais pas plus ! Allez plutôt sur le site ouvert par ARTE :

http://www.arte.tv/fr/Un-nouveau-tour/6815836,CmC=6847730.html

Monsanto, encore et toujours. La firme vient d’essuyer un beau désaveu en Argentine, où Sofia Gatica, une mère de famille très courageuse vient de recevoir le prestigieux prix Goldman, pour le combat qu’elle mène depuis des années contre les épandages de roundup sur les champs de soja transgéniques qui jouxtent son quartier d’habitation.

http://www.goldmanprize.org/recipient/sofia-gatica

J’avais raconté le drame de Sofia Gatica et de celles qu’on appelle les « mères de Ituzaingó », du nom du quartier qu’elles habitent dans la banlieue de Córdoba, dans mon livre Le monde selon Monsanto.

Puis, en mars 2009, j’avais rencontré Sofia Gatica (ci-dessous à ma gauche) lors de deux conférences que j’avais données en Argentine sur le désastre environnemental et sanitaire du modèle transgénique (voir photos ci-dessous).

L’histoire de Sofia est exemplaire. Rien ne préparait, en effet, cette  mère de famille à incarner la lutte contre les OGM de Monsanto. Au début des années 2000, Sofia perd une petite fille peu après sa naissance, qui souffre d’un dysfonctionnement grave des reins. Désireuse de comprendre à quoi peut être due cette malformation congénitale très rare, Sofia commence à faire du porte à porte dans son quartier, entouré de champs de soja transgénique, arrosé plusieurs fois par an de roundup, le sinistre herbicide de Monsanto.

Sofia découvre que de nombreuses familles ont des problèmes de santé récurrents qui sont survenus après l’introduction des OGM en Argentine. Avec seize autres mères de famille, elle fonde l’association des « mères de Ituzaingó », qui mène une véritable enquête épidémiologique. Elle découvre ainsi que dans le quartier le taux de cancer est quarante-et-un fois supérieur à la moyenne nationale, et que l’incidence des troubles neurologiques, des malformations congénitales, ou des  morts foetales y est exceptionnellement élevée.

Commence alors un difficile combat pour que les autorités acceptent simplement de s’intéresser à ce drame humain, et au-delà au désastre qu’entraînent les cultures transgéniques pour l’environnement et les populations qui vivent à proximité des OGM : Sofia a été plusieurs fois menacée de mort par ceux qui profitent des OGM de Monsanto.

Lors de la conférence que j’avais donnée à la Bibliothèque nationale de Buenos Aires, je me souviens que l’Association des avocats environnementalistes d’Argentine m’avait annoncé qu’elle allait se baser sur les nombreuses révélations du Monde selon Monsanto pour assister les riverains qui voulaient porter plainte contre les épandages de roundup.

De mon côté, j’avais rencontré Alberto Hernandez, le secrétaire d’Etat à l’agriculture à qui j’avais remis un exemplaire de mon livre.

C’est ainsi qu’en 2009, puis en 2010, plusieurs juges ont pris des arrêtés interdisant l’épandage des poisons agricoles à moins de 1500 mètres des habitations.

Et puis, en juin dernier, s’est ouvert le premier procès argentin contre les épandages de pesticides à proximité des zones résidentielles.

Deux grands « sojeros » (producteurs de soja transgénique) sont accusés d’avoir commandité l’épandage aérien de glyphosate (la substance active du roundup) et d’endosulfan au-dessus de champs d’OGM proches du quartier d’Ituzaingó. J’ai été invitée à participer à ce procès comme témoin, mais j’ai dû malheureusement décliner en raison du tournage de mon film  Les moissons du futur , qui  montre  que ce sont les pesticides et OGM- et précisément le modèle agronomique et économique qu’ils incarnent- qui affament le monde

En d’autres termes : si on veut nourrir le monde, il faut de toute urgence interdire les poisons chimiques – pesticides et OGM – en développant des techniques agroécologiques, respectueuses des ressources naturelles, moins gourmandes en énergies fossiles et eau, captatrices de dioxyde de carbone et non plus émettrices de gaz à effet de serre comme l’est aujourd’hui l’agriculture chimique, et surtout saines pour l’environnement et les humains.

Rendez-vous le 16 octobre sur ARTE!

Bonjour du Japon!

Je vous écris du Japon où je suis en tournage pour deux films différents:

– j’y réalise la dernière séquence de mon documentaire sur l’agroécologie, que j’avais provisoirement appelé « Comment on nourrit les gens? », et qui s’appelle désormais « Les moissons du futur« . Pour plus d’informations sur ce nouveau film et livre, qui sortiront en octobre prochain, allez sur le site de m2rfilms:

www.m2rfilms.com

– je réalise également un 26 minutes pour ARTE Reportage sur le drame vécu par les paysans de Fukushima après la catastrophe nucléaire de mars 2011. Ce reportage sera diffusé après les vacances d’été, à une date qui n’est pas encore fixée.

J’ai profité de ce séjour en terre (contaminée) nippone pour participer au lancement de mon film Le monde selon Monsanto au cinéma , ainsi que de mon livre en version japonaise (c’est la seizième traduction). Le film était déjà passé sur la NHK, la chaîne publique japonaise, mais Uplink , un distributeur de Tokyo, a décidé de le sortir en salle, en raison de l’actualité: des négociations sont actuellement en cours entre le Japon et les Etats Unis, pour la signature d’un « traité de libre échange » qui ressemble étrangement à l’Accord de libre échange nord-américain (ALENA), dont j’ai raconté les effets dramatiques pour l’agriculture mexicaine dans un reportage diffusé sur ARTE, le 4 février dernier, intitulé « Les déportés du libre échange« .

Du coup, j’ai donné quinze interview en deux demi journées et je viens d’apprendre que le film allait être projeté au parlement japonais la semaine prochaine! Ne pouvant rester pour répondre aux question des parlementaires, une équipe de télé va venir me filmer pour  enregistrer un court message qui sera diffusé à l’issue de la projection.

De plus, Uplink veut distribuer « Notre poison quotidien » et « Les déportés du libre échange« .

Photos (Marc Duployer)

– rencontre avec les journalistes japonais

– affiche de Le monde selon Monsanto

)


La fin des OGM en Inde?

Mauvaise nouvelle pour les lobbyistes qui s’acharnent sur ce Blog: des informations récentes confirment ce que j’ai révélé dans mes deux précédents films et livres « Le monde selon Monsanto » et « Notre poison quotidien ».

Publiée dans Le Monde du 27 avril, la première concerne l’échec du coton transgénique en Inde que je n’ai cessé de dénoncer, documents et témoignages à l’appui,  depuis la sortie de mon enquête sur Monsanto. Récemment encore, je publiais un extrait de mon livre (voir sur ce blog), où je rapportais le suicide massif des paysans de la région de Vidharba (Etat de l’Andhra Pradesh), qui s’étaient lourdement endettés pour acheter les « semences miracles » et avaient vu leur récolte réduite à néant, en raison de la fragilité du coton BT. J’avais moi-même pu assister à l’inhumation d’un jeune paysan de vingt-cinq ans, qui s’était suicidé en avalant du pesticide (photo).

Mon texte (et photos) avait suscité un déchaînement intempestif des lobbyistes de l’industrie qui prétendaient, au contraire, que les OGM de Monsanto et consorts faisaient le bonheur des paysans indiens ! Las ! Le gouvernement de l’Andhra Pradesh  vient d’annoncer que la récolte dans cet Etat cotonnier est inférieure de moitié à celle de l’année précédente et d’ordonner que Bayer CropScience, le confrère de Monsanto, paie des compensations aux paysans sinistrés.

L’article du Monde cite le directeur de l’Institut de la recherche sur le coton qui « met en garde contre la vulnérabilité accrue du coton transgénique contre les bactéries », chose que deux scientifiques indiens rencontrés pour mon enquête soulignaient déjà ! Il note aussi que les OGM, – qui sont des créations de laboratoire, sans aucun rapport avec les réalités agronomiques du terrain ( les tests pratiqués en champs représentent de véritables farces, ainsi que je l’ai aussi révélé) -, sont de grands consommateurs d’engrais chimiques et d’eau, pour pouvoir donner des rendements corrects et être en mesure de résister aux parasites. Or, ce modèle agroindustriel , gourmand d’intrants, ne convient absolument pas à l’Inde, où l’immense majorité des paysans sont de petits producteurs exploitant rarement plus qu’un hectare. Je souligne, au passage, que ce modèle est aussi à l’origine de l’effondrement des revenus des grands céréaliers américains, dont les coûts de production n’ont cessé de grimper depuis l’avènement des OGM, ainsi qu’on le verra bientôt dans mon prochain film et livre:

www.m2rfilms.com

Le dernier paragraphe de l’article du Monde confirme aussi ce que j’ai montré il y a déjà quatre ans : les semences traditionnelles et locales de coton ont quasiment disparu, rendant problématique une sortie du désastre transgénique. La raison ? Le rachat par Monsanto et consorts des compagnies semencières locales qui a permis de faire disparaître les semences locales, en imposant des semences transgéniques. Un sinistre tour de passe-passe qui permet, ensuite, aux lobbyistes de saluer la progression des OGM en Inde ! Or, cette progression ne signifie en rien l’adhésion des paysans indiens aux OGM, mais constitue, au contraire, la preuve que Monsanto et autres Bayer ont réussi leur holdup sur le pays.

Ainsi qu’on le verra dans mon prochain film et livre, l’alternative à ce modèle suicidaire c’est l’agro-écologie qui représente un mode de production durable, respectueux des ressources naturelles et efficace, permettant aux paysans de vivre dignement de leur travail  de façon autonome. Tout le contraire des OGM qui ont transformé les paysans en de nouveaux serfs de l’industrie…

Je retranscris ici l’article du Monde et invite les internautes à surfer sur mon blog ou à lire Le Monde selon Monsanto (il n’est jamais trop tard !)

Dix ans après son introduction en Inde, le coton transgénique n’a pas rempli toutes ses promesses. La plante est vulnérable à de nouvelles maladies et la hausse des rendements est moins élevée que prévue.

Le gouvernement de l’Etat de l’Andhra Pradesh a ainsi annoncé qu’en 2011 la récolte sur près des deux tiers de ses surfaces cultivées avait été inférieure de moitié à celle de l’année précédente. Et, pour la première fois, le gouvernement du Maharashtra ainsi qu’un tribunal d’un Etat voisin, le Madhya Pradesh, ont ordonné au semencier allemand Bayer CropScience de verser près de 850 000 euros de compensation à plus de 1 000 agriculteurs pour leur avoir vendu des semences n’ayant pas donné les récoltes promises.

L’entreprise allemande rejette toute responsabilité et met en cause la « mauvaise gestion des récoltes ainsi que les conditions météorologiques difficiles ». Elle étudie un recours en justice pour obtenir l’annulation de ces décisions.

Depuis l’introduction, en 2002, du coton génétiquement modifié en Inde, les récoltes ont doublé et le pays s’est hissé au rang de deuxième producteur mondial. Mais la « révolution blanche », comme on la surnommait au départ, suscite désormais la méfiance. Les opposants aux OGM estiment qu’au début des années 2000 la hausse des rendements était due, en grande partie, à une meilleure irrigation et à des conditions météorologiques favorables. Au cours des six dernières années, le rendement moyen par hectare a stagné alors que les cultures de coton transgénique ont plus que quadruplé.

VULNÉRABILITÉ AUX BACTÉRIES

En 2009, Monsanto a admis pour la première fois que sa variété de coton Bollgard avait perdu toute résistance au ver rose dans des champs du Gujarat, à l’ouest du pays. Deux ans plus tard, le directeur de l’Institut pour la recherche sur le coton (CICR), Keshav Raj Kranthi, a mis en garde contre la vulnérabilité accrue du coton transgénique aux bactéries.

« La productivité dans le nord de l’Inde devrait décliner en raison de la baisse du potentiel des semences hybrides, de l’apparition du problème du virus de la frisolée sur les nouvelles semences hybrides génétiquement modifiées et d’un haut niveau de vulnérabilité aux parasites suceurs (les variétés non génétiquement modifiées étaient résistantes) », lit-on dans un rapport publié en mai 2011. M. Kranthi constate également que les semences transgéniques consomment davantage d’eau et de nutriments, conduisant à l’épuisement des sols. Elles ont donc besoin d’engrais pour donner des rendements maximaux.

Ces engrais, insecticides et semences génétiquement modifiées ont un coût. Les paysans doivent s’endetter, souvent auprès d’usuriers locaux ou directement auprès des vendeurs de semences et d’engrais. La moindre chute des cours du coton ou des conditions météorologiques défavorables débouchent parfois sur des tragédies. En 2006, dans la région de Vidarbha, des milliers de paysans qui ne pouvaient plus rembourser leurs dettes se sont suicidés en ingurgitant des pesticides.

APPEL À UN MORATOIRE

Le coton OGM est une nouvelle technologie qui nécessite un savoir-faire pour être mise à profit. Chacune des 780 variétés mises sur le marché indien correspond à un type de sol particulier et à des besoins différents en engrais. Pour éviter que les bactéries ou insectes développent des résistances aux variétés transgéniques, des semences locales doivent également être plantées dans de justes proportions.

« Les petits paysans n’ont aucune idée de ce qu’ils achètent et savent encore moins comment faire pousser ces nouvelles variétés. Leur savoir-faire traditionnel est en train de disparaître », s’alarme Sridhar Radhakrishnan, de la Coalition pour une Inde sans OGM.

En cas de défaillance des récoltes, l’Inde n’a prévu aucune disposition juridique pour permettre aux agriculteurs de réclamer des compensations. « Si quelque chose ne va pas ou si les fermiers sont en difficulté, les Etats doivent prévoir des lois qui obligent les entreprises à leur verser des compensations », a admis devant le Parlement indien le ministre de l’agriculture, Sharad Pawar, le 30 mars.

Dix ans après l’introduction du coton transgénique, les semences locales ont quasiment disparu. Le marché des semences transgéniques, installé à grand renfort de publicité, est estimé à 280 millions d’euros. Les semenciers promettent de commercialiser des variétés encore plus résistantes et moins consommatrices d’eau ou d’engrais. Les opposants, eux, appellent à un moratoire sur la culture du coton transgénique en Inde.

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