Je mets en ligne la bande annonce qu’ARTE a réalisée pour présenter mon documentaire « Notre poison quotidien ».
Dans cette enquête de deux ans, je me suis attachée à comprendre comment fonctionne la réglementation des poisons chimiques qui contaminent nos aliments: pesticides, additifs et emballages alimentaires. Je dis bien « poisons » et « contaminent« , car si ces substances ne présentaient pas de « risques » pour la santé humaine, nous n’aurions pas besoin de réglementer leur usage.
D’ailleurs, depuis que ces produits ont envahi la chaîne alimentaire il y a un demi siècle, les pays dits « développés » ont créé des agences, dont la mission est d' »évaluer le risque » et d’émettre des recommandations aux « gestionnaires du risque » que sont les politiques et les autorités publiques.
Les agences de réglementation sont notamment chargées de fixer la Dose Journalière Acceptable (encore appelée « Dose Journalière Admissible », mais je préfère utiliser le terme utilisé par son inventeur, René Truhaut)) – la DJA – qui désigne la dose de poison que nous sommes censés pouvoir ingérer quotidiennement sans tomber malades.
J’ai passé beaucoup de temps à tenter de reconstituer la genèse de la DJA, qui s’est avéré une « boîte noire« , pour reprendre l’expression du philosophe et sociologique Bruno Latour. Dans son passionnant ouvrage La science en action , celui-ci explique comment une découverte originale – comme la double hélice de l’ADN ou l’ordinateur Eclipse M V/8000 – , qui est le fruit d’un long processus de recherche expérimentale et théorique, devient un « objet stable froid » ou un « fait établi » , dont plus personne – y compris les scientifiques qui s’en servent comme d’un outil – n’est en mesure de comprendre les « rouages internes » ni de « défaire les liens innombrables » qui ont présidé à sa création. De manière similaire, le principe de la dose journalière acceptable auquel les toxicologues et les gestionnaires du risque chimique font sans cesse référence est devenu une « connaissance tacite profondément encapsulée » dans la « pratique silencieuse de la science » qui « aurait pu être connue depuis des siècles ou donnée par Dieu dans les Dix commandements » tant son histoire se perd dans la nuit des temps.
« Le problème, m’a expliqué Erik Millstone, professeur de « Science Policy » à l’Université de Brighton, c’est que la DJA est une boîte noire très différente de celles que Bruno Latour prend pour exemples. En effet, si la double hélice de l’ADN est une réalité scientifique établie sur laquelle se sont appuyés d’autres chercheurs pour faire progresser la connaissance, par exemple, sur le génome humain, il est toujours possible, pour qui en a la capacité et le temps, de reconstituer les multiples étapes qui ont conduit Jim Watson et Francis Crick à faire cette découverte. Mais pour la DJA, il n’y a rien de semblable, car elle est le résultat d’une décision arbitraire érigée en concept pseudo-scientifique pour couvrir les industriels et protéger les politiciens qui ont besoin de se cacher derrière des experts pour justifier leur action. La dose journalière acceptable est un artefact indispensable pour ceux qui ont décidé qu’on avait le droit d’utiliser des produits chimiques toxiques y compris dans le processus de la production agro-alimentaire. »
À dire vrai, j’aurais bien aimé qu’il en fût autrement car cela m’aurait rassurée. Mais mon enquête prouve effectivement que la DJA est un outil arbitraire et approximatif qui, dans bien des cas, est totalément inopérant, et donc incapable de nous protéger contre les « risques chimiques ».
Pour mon film et livre, j’ai rencontré 17 représentants des agences de réglementation et des autorités publiques en charge de l’évaluation ou de la gestion du risque chimique.
Je communique ici leur identité dans l’ordre d’apparition du documentaire. Certains d’entre eux sont dans la bande annonce.
Dr Jean-Luc Dupupet
Médecin en charge du risque chimique
Mutualité Sociale Agricole
Vincent Cogliano
Chef du programme des monographies
Centre International de Recherche sur le Cancer
René Truhaut – Toxicologue (archives)
Diane Benford
Chef de l’évaluation du risque chimique
Agence des Normes Alimentaires
Herman Fontier
Chef de l’unité pesticides à l’EFSA
Autorité Européenne pour la Sécurité des Aliments
Bernadette Ossendorp – Présidente pour la FAO
du JMPR Comité Mixte sur les Résidus des Pesticides
Angelo Moretto – Président du JMPR 2009
Comité Mixte sur les Résidus des Pesticides
Angelika Tritscher – Secrétaire pour l’OMS
du JMPR Comité Mixte sur les Résidus de Pesticides
et du JECFA Comité Mixte sur les Additifs Alimentaires
David Hattan
Toxicologue à la FDA
Dr Jacqueline Verrett (archives)
Toxicologue à la FDA
Hugues Koenigswald
Chef de l’unité additifs alimentaires à l’EFSA
Autorité Européenne pour la Sécurité des Aliments
Catherine Geslain-Lanéelle
Directrice de l’EFSA
Autorité Européenne pour la Sécurité des Aliments
Roselyne Bachelot (archives)
Ministre de la Santé
Pascale Briant
Directrice de l’AFSSA
Agence Française de la Sécurité Sanitaire des Aliments
Alex Feigenbaum
Chef de l’unité CEF à l’EFSA
Autorité Européenne de Sécurité des Aliments
Linda Birnbaum
Directrice du NIEHS
Institut National des Sciences de la Santé et de l’Environnement
Christopher Wild
Directeur du CIRC
Centre International de Recherche sur le Cancer